Merlin détective [ BL]

1-Mauvaise nouvelle

Framboise et Ferdinand m'entourent et me pressent contre le mur de la grange, soucieux d'obtenir des caresses, inconscients de leur force. Pendant ce temps, Fripon, qui porte bien son nom, est occupé à voler des légumes dans le jardin de mes pères. Je craque et me réfugie dans le giron de Framboise. Ferdinand me donne des coups de tête jaloux, il veut des câlins lui aussi. Heureusement que personne ne me voit.

J'ai grandi avec ces trois ânes, cadeaux de mon père Gaspard à mon père Nine, en déclaration d'amour éternel, ce qui lui a couté moins cher qu'une bague en diamant.

Mon portable bipe, ce sont mes potes qui viennent aux nouvelles.

Je repousse Framboise qui essaye de le manger, j'en ai déjà cassé trois en moins d'une année. Papa a été formel, mon prochain téléphone sera un premier prix payé sur mon argent de poche.

Je m'efforce d'être cool, alors que je suis désespéré !

J'enlace mes ânes quelques instants encore, avant de m'éloigner pour aller lire mes messages.

Yo man alors tu as parlé à tes paters ? Si tu pars je me suicide, tu leur diras hein ?

Celui-là est de David, il y en a beaucoup d'autres.

Mon poto que j'aime tu vas fuguer et je vais fuguer avec toi on emmènera les ânes avec nous promis. Comme ça si on a trop faim on les bouffera...meuh non c'est pour rire hein on ne les bouffera pas tes ânes ! T'inquiètes ma choupette !

Le texto de Franck me fait pouffer. Mes ânes me regardent d'un air de dire que je suis très bizarre comme garçon.

Et mwouais les gars on est d'accord !

Mes copains me réchauffent le cœur avec tous leurs messages de soutien, mais ça ne rend que plus cruel, ce qui m'attend : je vais déménager en plein milieu de la terminale et tous les quitter.

Nous vivons en pleine campagne, près de Sens, dans l'ancienne ferme de ma famille devenue le cabinet vétérinaire de mes pères. J'y suis le roi du monde, au milieu des animaux, outre nos ânes, nous avons quatre chiens, des poules et plusieurs chats, sans compter tous les animaux que nous avons en pension pour des soins.

On ne s'ennuie jamais ici, j'ai les bois à coté pour faire du VTT et des footings Le bon air toute l'année. Même notre lycée a de la gueule, puisqu'il s'agit d'une ancienne forteresse militaire, avec des grandes salles de classes sous des hauts plafonds.

J'ai été élevé par deux pères aimants, Gaspard est vétérinaire et Nine est son assistant. Ils m'ont transmis le virus, je veux devenir veto moi aussi.

Ils s'aiment tellement tous les deux, c'est assez pénible ! Je dois sans arrêt les engueuler pour les séparer et qu'ils aillent dans leur chambre pour se faire des papouilles.

Physiquement, j'ai les cheveux roux de Gaspard et les traits de Nine, je suis mince et imberbe comme lui, moins grand. Pour la taille je dois me plaindre à Gaspard, mais j'ai aussi son esprit acéré et ses yeux verts d'eau.

La mère porteuse qui m'a mis au monde n'a pas souhaité garder le contact avec nous. Je sais juste qu'elle était Moldave, réfugiée en Espagne. Elle avait besoin d'argent et a accepté de laisser son nom, une photo d'elle et de sa famille pour moi. Je n'ai jamais éprouvé le besoin d'en savoir plus.

Nous sommes mi-décembre, et j'irai dans un nouveau lycée après les fêtes de noël pour six mois. Un déménagement précipité, pour aller s'occuper de la famille de papa. Mon oncle Charles, le frère ainé de papa qui veillait sur mon grand-père, vient d'avoir un grave accident de voiture et il est dans le coma.

C'est triste ce qui arrive à mon oncle et à mon grand-père, je les aime tous les deux et nous allons souvent les voir pour des week-ends. Ce n'est quand même pas une raison pour chambouler toute nos vies !

Sans me consulter, ils ont pris leurs dispositions, trouvé un remplaçant à Sens pour le cabinet vétérinaire.

Ce sera presque une rentrée des classes, a expliqué Gaspard le roi de la mauvaise foi.

Nine a fait les gros yeux à son mari. Moi je dis qu'il devrait le priver de sexe.

J'ai fait du chantage au ratage d'examen, rien n'y a fait !

***

Les derniers jours de préparatifs sont passés à la vitesse de l'éclair, comme un camouflet de plus, alors que je rêve de figer le temps, pour rester chez nous le plus longtemps possible. Papa est déjà parti, Nine se charge de tout préparer.

─ Nous n'allons pas laisser ton grand père tout seul quand même ? murmure Nine qui me serre dans ses bras.

─ Tu vas terminer d'emballer tes affaires ! Point final ! Et les déménageurs viennent demain ! ordonne ce traitre de Gaspard.

Il est remonté pour aider le jour du déménagement.

Il m'énerve ! Je le déteste !

─ Pourquoi on part, si ce n'est que pour quelques mois ? Papa a qu'a rester la bas tout seul.

─ On veut rester ensemble et il faut bien emmener nos animaux ! Tu ne comptais pas les laisser ? explique Nine.

─ Bien sûr que non.

Je m'appuie contre son épaule, tel un bébé.

─ Allons tu es grand maintenant, vient m'aider à nourrir les chiens.

─ Et d'abord papi et tonton ne sont même pas sympa avec toi !

Je l'ai découvert en grandissant, mon oncle et mon grand-père méprisent Nine alors qu'ils m'adorent. Je suis leur chouchou, le seul petit fils de la famille.

Leur attitude s'explique sans doute car papa Nine a un passé sulfureux, d'ancien acteur porno gay, que je ne suis pas censé connaitre.

─ Merlin arrête tes bêtises ! Tu verras, cela va bien se passer !

Je n'ai pas envie d'aller dans un nouveau lycée pour six mois.

Ils se connaitront tous et je n'ai jamais été le petit nouveau, moi je suis la star, entouré de copains, pas question que les choses changent !

Je m'éloigne, désespéré avec une furieuse envie de hurler. La maison, les prairies, les bois, tout va me manquer, c'est comme si on m'arrachait le cœur pour le laisser ici. J'essaye de me raisonner, car c'était écrit, j'allais quitter le coin à l'automne prochain pour faire mes études, c'est juste quelques mois plus tôt.

Arghhh !

Cela aurait été dans l'ordre normal des choses et j'aurais eu le temps de m'y préparer. Rien à voir avec cette folie qui semble avoir assailli mes pères. Surtout eux seraient restés comme gardien du temple de mon enfance heureuse, il me semble qu'ils jettent tout aux orties.

Je sens que je ne vais pas me plaire à Marrans. Je ne tiens pas plus de quelques jours là-bas et eux sont pareils. On va mourir !

Gaspard nous rejoint et nous enlace.

─ Tu sais la maison n'étais pas comme ça avant ! Nous avons construit ici notre nid parce que nous étions tous les trois, nous le reconstruirons ailleurs. Quand je suis arrivé ici, jusqu'à ce que je rencontre Nine, je peux te promettre que le coin ne me plaisait pas. Tu vas te plaire au bord de mer, ce sera cool.

─ Oui et mes copains tu y penses ?