Chapitre 3

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L'hiver est encore plus rude cette année. Il est apparu aussi brutalement que la canicule est arrivée cet été.

Il est bientôt minuit et je suis aux aguets avec mon acolyte qui se montre toutes les nuits sous sa vraie forme.

– N'est-il pas magnifique ce ciel ? lance Azraël en admirant les étoiles brillantes plus que d'ordinaire.

– C'est vrai.

– Ceci est dommage.

– Quoi donc ?

– Tout cela ! Vous vivez dans un monde si incroyable et pourtant, vous ne vous en rendez pas compte, ou à peine.

– Je pense que si la vie du genre humain ne serait pas si difficile et si pleine de tout, il considérerait plus ce qui l'entoure.

– Et toi ?

– Moi, j'ai la chance de pouvoir prendre le temps de vivre. Du moins, pour le moment. Je suis sans emploi, ce n'est pas ce que je veux, mais ce que je souhaite faire le plus au monde m'est refusé.

– Comment Diable un humain peut-il décider de l'avenir d'un de ses semblables ?

– Pourtant, c'est comme ça. En réalité, nous n'avons pas totalement de libre-arbitre.

– Alors il faut que tu trouves ta liberté par toi-même, Naya.

– Ce n'est pas aussi facile, Az.

– Tu n'es pas enchaînée ?

– Non.

– Tu n'es pas punie, ni même soumise ?

– Non. Du moins, pas vraiment.

– Explique-toi ?

– Eh bien, nous touchons de l'argent. Et si jamais on refuse ce qu'on nous propose, cet argent est bloqué. Par conséquent, sans ça, tu sais bien que je ne peux pas vivre.

– Et si tu n'existais plus ? murmure-t-il accompagné d'un énorme sourire narquois aux dents aiguisées qui en ferait fuir plus d'un.

– As-tu une idée derrière la tête, Az ? Parce que je serais friande d'entendre cette idée.

– Je pensais seulement à te rendre...

Un grondement sourd nous interrompt soudain. L'homme qui sort enfin de chez lui est surchargé de gros sacs de sport.

– Quel genre de mission se profile à l'horizon, Az ?

– Cet homme est le plus impur des êtres que tu dois stopper à tout prix.

– Dans quel dilemme m'embarques-tu encore ? je m'exclame, presque pétrifiée par ses paroles.

– Il faut que tu fouilles par toi-même.

– Si tu ne m'aides pas un minimum, ce n'est pas du jeu. Tu le sais bien. Je ne peux pas me lancer dans le brouillard le plus total. Surtout si ce type est un gros poisson.

– Soit. Celui-ci ne tue pas, il chasse. Il enlève la vie de ses victimes sans vergogne, sans jamais craindre quoi que ce soit.

– On a donc affaire à un malin ?

– Je dirais même plus que ça.

– Que veux-tu dire par là ?

– Il ne faut absolument pas que tu te laisses emporter par tes sentiments. Restes en retrait, ce soir, tu n'as rien à faire, juste à observer.

– Mais...

– Naya ! gronde l'ange en accrochant ses yeux brillants aux miens. Pas de folie ! Tu ne dois pas te tromper sur ce cas. C'est une question de vie ou de mort. Et je ne parle pas ici d'une personne étrangère, mais de toi.

Face à ces mots, je déglutis d'appréhension. Non pas que cette mission me fasse peur, mais j'avoue n'avoir jamais rien fait d'autre en ce moment que de rétablir la justice face à de simples petits voyous. Or, si je comprends bien, Azraël m'offre ici un spécimen bien à part : un meurtrier.

– Cette nuit, tu le suis, mais de loin. Tu le surveilles et surtout, tu n'agis pas. Tu apprends à le connaître de loin. Tu me diras au petit matin ce que tu as amassé. Je veux savoir quelles sont ses intentions.

– C'est une mise à l'épreuve ?

– Non. Toutefois, il va falloir que tu commences à grimper les échelons, ma chère ! chantonne mon acolyte en se levant du coin sombre dans lequel nous sommes recroquevillés.

Son corps osseux, recouvert d'une large cape noir, se redresse de toute sa hauteur. Il doit bien faire près de deux mètres cinquante environs. Malgré son envergure, il a ce don pour se fondre dans la masse sans jamais être vu. Cependant, la nuit reste pour lui un immense terrain de jeu afin de satisfaire son cahier dans lequel ce dernier ne manque pas de noter chaque nom d'âmes perdues.

Il est plus d'une heure du matin, le type en question marche le long d'un trottoir dans une rue certes sombre et déserte, mais assez large pour ne pas être aperçu.

Cette angoisse de première mission périlleuse est transformée en une sorte d'adrénaline qui ne m'arrête pas.

En temps normal, une fille ne devrait pas se sentir en sécurité à une heure aussi avancée de la nuit et surtout seule. Toutefois, je ne me sens pas plus sereine, sauf que j'ai un atout dans ma poche et cet atout ne me laisserait jamais tomber. J'en suis convaincue.

Le bruit discontinu de l'eau de pluie ruisselant le long des trottoirs jusqu'aux caniveaux attenu mes bruits de pas atterrissant dans les flaques d'eau plus ou moins épaisses.

L'homme, vêtu d'un long manteau noir lui arrivant aux pieds et d'un chapeau haut de forme me fait étrangement penser à quelqu'un, or, je n'ai ô grand jamais fréquenté une telle personne de mon vivant.

À moins que cela relève plus de mon imagination durant un de mes nombreux cauchemars. Ou peut-être ai-je rencontré ce genre de personnage parmi une de mes lectures hebdomadaire des centaines de livres en tout genre que je possède.

Peut-être me fait-il penser à l'Éventreur...

Néanmoins, cet énergumène est loin de me donner confiance. Si Azraël m'a sommé de l'espionner, c'est que cela ne doit pas être un criminel de petite envergure.

AZRAËLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant