Chapitre 8

8 1 0
                                    

Je vagabonde seule dans les rues désertées par les derniers fêtards.

Au fond de mes entrailles, je sens que quelque chose est en train de se passer, de changer autour de moi ou en moi. Je ne le sais pas vraiment. Ce qui m'intrigue le plus, c'est cette ambiance malsaine qui règne depuis plusieurs heures à présent.

Est-ce que cela a un rapport sur le fait qu'Azraël m'ait laissé gérer sans sa compagnie, ou bien toute cette paranoïa n'est que dans ma tête ?

Le sifflement du vent fait danser les feuillages des arbres aux alentours, lorsqu'une fine bruine s'abat sur moi.

Le reste de la nuit va devenir plus compliquée que prévue. La pluie peut être un atout comme un désavantage. Je suis comme une lionne face à son gibier, pantelante face à cette fichue météo qui fait des siennes.

N'écoutant que mon instinct, je me dirige vers une impasse peu éclairée, mais celle-ci s'avère dénué de gens.

— Tu cherches quelque chose, ma jolie ? Ou peut-être bien que tu t'es perdu ? Si tu veux, ajoute-t-il avec d'un rire pervers, je peux t'aider. Mmh ?

Je me retourne brusquement vers cette voix alcoolisée. Face à moi se tient un homme aussi ignoble qu'insignifiant qui ne devrait pas avoir sa place dans ce monde.

Empoignant mon couteau Bowie à l'arrière de mon pantalon, ce dernier se rapproche de plus en plus, jetant au passage sa bouteille de bière qui éclate au contact du sol.

— Qu'est-ce t'a ? ricane-t-il, en se léchant les lèvres.

Croit-il réellement que je vais gentiment répondre à ses remarques ? Il se trompe totalement. Quand je travaille la nuit, je ne discute jamais. J'agis.

Aussi agile qu'un félin, je me retrouve dans son dos, lui assène un coup dans les tibias, ce qui le contraint de se retrouver à genoux sur le bitume.

— Bordel ! Mais t'es qui, toi ?

Prête à lui asséner ce qui sera sans doute le coup fatal, ma lame contre sa gorge, je lui susurre à son oreille rougit par le froid de cet hiver :

— Je suis la messagère de la Mort.

À peine ai-je prononcé ces mots qu'une silhouette encapuchonnée fait irruption dans la rue, me prenant au dépourvu.

La tête trop baissée pour que je puisse distinguer son visage tout entier, un ricanement me parvient à tire d'aile alors que ma proie tente de se débattre, prisonnière entre mes bras qui lui compriment le cou.

— Pour quelqu'un qui fait preuve de sang-froid, tu es visiblement décontenancée par ma présence, s'esclaffe cette voix masculine.

Je sens que ce type me dévisage, et ceci trop longtemps à mon goût et sans émettre le moindre commentaire, néanmoins accompagné d'un sourire sardonique que j'entraperçois à la lueur de la lune.

Je dois avouer que celui-ci est terrifiant, j'en ai même la chair de poule, mais étrangement et a mon plus grand désarroi, un petit quelque chose en lui m'est dangereusement attrayant. Je ne saurais dire ce que c'est précisément, quoiqu'il en soit, il ne faut absolument pas que je m'attarde là-dessus au risque de me faire prendre dans ses filets.

Ce dernier se contente de s'asseoir sur un petit muret en croisant les jambes.

— Vas-y, je t'en prie. Finis ton job. Fais comme si je n'étais pas là. On discutera plus tranquillement après ça.

Peu bavarde, l'intrus continu sa tirade, d'un ton sardonique :

— Tu peux essayer de le cacher, mais je sais qu'au fond de toi, tu as peur de moi.

— C'est là que tu te fourvoies.

— Oh ! Elle parle enfin ?

— Dégage de là !

Au fond de moi, je prie pour qu'Azraël vienne me sortir de cette galère, mais d'un autre côté, il faut que j'apprenne à gérer seule n'importe quelle situation. Et celle-ci, je ne l'ai jamais imaginé au point de mettre au point un système d'échappatoire bien ficelé.

— Alors ? Tu ne comptes pas me montrer comment tu travailles ?

Le fixant derrière mon masque sans broncher, l'inconnu soupire alors que ma proie se débat une nouvelle fois.

— Ne bouge pas ou je te noie dans ton sang souillé ! chuchoté-je à son oreille d'un ton tranchant.

— Je peux comprendre. Tu te dis sûrement : " Mais pour qui il se prend ce type ? Je ne le connais ni d'Adam ni d'Eve et il me demande d'égorger ce mec devant lui ". N'est-ce pas ça ?

Mon mutisme est difficile à tenir, mais je ne dois pas me laisser déstabiliser plus que je ne le suis déjà.

— D'accord ! Alors je vais éclaircir la situation et tu vas certainement comprendre ce qui se trame sous ton nez.

— Je t'ai dit de foutre le camp !

— S'il vous plaît, pitié ! pleurniche le type entre mes mains. Aidez-moi !

— Toi, ferme ta gueule ! réplique l'intrus en le désignant du doigt. Tu devrais être content d'être tombé entre ses mains à elle et non entre les miennes.

Je sens le corps de ce pervers se tendre comme s'il savait que sa fin allait arriver quoiqu'il fasse pour contrer son destin.

— Allez, Gaïa ! Je n'ai pas toute la nuit devant moi. Débarrasse-moi de cet abruti.

Estomaquée par la scène qui me dépasse totalement, une lame fend l'air devant mon visage avant que ma vue ne rougisse, mes bras ne tenant plus qu'un poids mort.

AZRAËLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant