un fardeau trop lourd à porter

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C'était comme un arc-en-ciel après une nuit pluvieuse.

Le genou toujours à terre, Tighnari tremblait. Cyno pouvait très clairement sentir que quelque chose n'allait pas. Il décida de tout abandonner, laisser Dottore s'enfuir, mettre de côté sa douleur et celle des autres pour lui. Car il en avait toujours été ainsi. Tout avait toujours été pour le garçon tremblant vers qui il s'avançait presque en rampant, ignorant son corps qui hurlait sa souffrance. Le voir ainsi était bien plus douloureux que n'importe quelle blessure.

Il tendit ses mains ensanglantées vers lui pour les poser sur ses joues. Des larmes ne tardèrent pas à couler le long de ses phalanges. Tighnari refusait tout contact visuel avec lui.

- Hey, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu pleures, tu sais très bien que je déteste ça...

Il releva la tête de son compagnon et la tristesse, le désespoir qu'il vit dans les profondeurs de son regard lui arrachèrent le cœur.

- Tighnari...
- ...Collei.

Sa voix était brisée en milles morceaux, reflet de son coeur. Cyno retint son souffle, une nausée incontrôlable grandissant brusquement en lui.

- Tout est de ma faute...

Le général mahamatra sentit la panique venir semer la zizanie dans son esprit et il se releva brusquement, soutenant le garde forestier par la taille. Il se dirigea d'un pas lourd, dans un état second, vers la pièce maudite et Tighnari s'arrêta net devant la porte en poussant un gémissement plaintif. Ignorant son coeur battant la chamade, il s'avança et tout son courage s'envola.

Il avait connu la douleur. C'était un fait. Il n'avait jamais ouvert son coeur à personne. Il avait ressenti la solitude. Il avait regretté, parfois, beaucoup trop souvent, cette carapace qui le protégeait des évènements tragiques de la vie. Au moment où son regard écarlate s'était déposé sur celle qu'il avait tiré des griffes affûtées du docteur, son coeur, son âme, se brisèrent en même temps que cette armure de fer qu'il s'était forgée. Cyno connut alors la souffrance. La peur. La terreur. De cette inconnue qui lui avait trop pris, la crainte d'être emporté. Le regret, le dégoût, la haine, le désir de vengeance. Un flot d'émotions le transperça et suffit à l'achever. Cyno connut les larmes. Le sentiment d'impuissance. Tant de force reposait entre ses mains, pourtant il se sentit faible comme il ne l'avait jamais été auparavant. Il connut le chagrin. Il fut, pour la première fois, frappé par la dure réalité qu'était la mort.

Ce fut trop pour lui. Alors il laissa les larmes couler. Il s'approcha doucement de Collei et ferma ses paupières vitreuses avec ses doigts. Il ferma les yeux et une goutte vint s'écraser sur le visage éteint de la fillette. Elle semblait dormir. Reposer. Apaisée comme jamais.

- Adieu, Collei. Puisses-tu trouver la paix. C'est fini, maintenant.

Elle ne connaîtrait plus jamais la souffrance, ni le sentiment d'être inutile dans sa différence. Cyno aurait voulu lui dire que cette différence faisait sa beauté et son authenticité. Il aurait voulu lui dire qu'il n'avait jamais regretté l'avoir amené avec lui, seulement ne pas l'avoir fait avant. Il aurait voulu l'amener dans ses recoins préférés du désert, dont il lui parlait souvent des étoiles plein les yeux, elle riait en lui avouant qu'elle avait hâte de les voir. Qu'elle lui apprenne à cuisiner les plats qu'elle savait si bien cuisiner. Qu'elle continue à dire que ses blagues étaient nulles et parfois rire de cette médiocrité. De le conseiller sur ce qu'il devait dire à Tighnari. Il aurait voulu plus que tout au monde la serrer dans ses bras et lui dire au moins une fois qu'il l'aimait. Qu'elle était à la fois une fille et une amie, une confidente et une élève.

C'était fini.
Et c'était douloureux.


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: ̗̀➛ 𔘓 soupir de la rose (;𝙘𝙮𝙣𝙤𝙣𝙖𝙧𝙞)  EN PAUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant