😊😊Chapitre 19😇😇

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Donia pleurait encore dans le taxi. Taciturne, Ali, ne savait plus quoi faire pour consoler sa sœur.
Bon sang ! Pourquoi une telle injustice ? Ne méritaient-ils pas d'avoir un père, comme les autres ?
Pourquoi on leur refusait ce droit ?
Il avait envisagé une alternative si l'idée de Donia échouait et il allait la mettre en pratique dès aujourd'hui.
- Calme-toi Donia, sinon tu vas alerter maman.
- Je m'en fous, explosa sa sœur, indifférente aux coups d'œil curieux que leur lançait le chauffeur à travers le rétroviseur. On se soucie des états d'âme des autres mais personne ne s'occupe des nôtres.! C'est trop injuste !
La souffrance de sa sœur jumelle l'émouvait. Il n'aimait pas la voir dans cet état. Il lui caressait tendrement les cheveux. Donia, comme lui, n'avait pas hérité des cheveux crépus de leur mère, d'ailleurs rien dans leur apparence physique ne rappelait Minetou. Ils avaient presque le type d'arabe.
Ils avaient réellement commencé à souffrir de leur état singulier quand ils avaient commencé leurs études. Ils s'étaient alors rendu compte qu'ils n'avaient pas de papa comme les autres camarades. Il souffrait encore de l'insulte que lui avait lancée l'un d'eux au collège, au cours d'une bagarre qui les avait opposés, quand ils  étaient en classe de 4e ils avaient réussi à prendre rapidement le dessus sur lui. Ce dernier, pour laver l'humiliation qu'il venait de lui infliger, les avait alors taxé, de bâtard de naar que leur père n'avait pas daigné reconnaître. Cette pique haineuse  avait déclenché l'hilarité et les moqueries de tous les autres camarades qui s'en étaient donné à cœur joie.
Profondément blessé dans son amour propre et sa dignité, il s'était alors opposé physiquement à eux pour laver l'affront. Heureusement son physique de basketteur et sa pratique des arts martiaux depuis son enfance leurs avait inspiré le respect et la crainte par la suite, de telle sorte que nul n'osait  plus depuis lors s'en prendre à lui ou à Donia.
Leur mère évidemment, n'en avait rien su. Ils s'étaient  toujours efforcés de lui cacher le malaise et la gêne qu'il éprouvait face aux autres jeunes de leur âge.
-Il faut qu'on trouve une excuse quand on va nous demander pourquoi on n'a pas fait nos emplettes. N'oublie pas que nous avons donné comme prétexte des courses à faire au marché Sandaga, rappela Ali.
-On pourra dire que je me sentais pas bien, suggéra Donia.
Ali hocha la tête :
- Oui pourquoi, pas après tout ?
-Et qu'est-ce qui te fait mal, ma chérie ?
S'inquièta Minetou quand les jumeaux revinrent plus tôt que prévu, les mains vides.
-J'ai mal au ventre, maman, je crois que ce sont mes règles qui s'annoncent, répondit la jeune fille.
-Tu as pris un analgésique ? l'interrogea-t-elle, inquiète.
-Je vais le faire tout à l'heure.
-Ok, donc tu ne pourras pas venir avec nous chez tata Marième ?
-Si, maman, je pourrais ; je vais me coucher un peu en attendant.
Elle gagna alors la chambre à coucher.

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L'avion venait de se poser sur le tarmac de l'aéroport Roissy Charles-de-Gaulle. Driss détacha sa ceinture de sécurité et quitta le  siège de première classe qu'il occupait. Ignorant le sourire charmeur de la belle hôtesse de l'air qui avait été aux petits soins pour lui durant tout le vol, il saisit sa serviette en cuir et, talonné par Stéphanie Duval, une avocate collaboratrice du cabinet CDB qui l'avait secondé durant le procès à Bruxelles, il se dirigea vers la porte de sortie de l'avion.
Le hall de l'aéroport était grouillant de monde, comme d'habitude. Indifférent au regards des femmes qui se retournaient sur son passage, Driss gagnant rapidement l'un des salons réservés au passager de première classe.
<<De toutes les façons, il en a l'habitude>>  pensa  intérieurement Stéphanie Duval. Elle aussi était tombée sous le charme de son beau patron dès son recrutement au prestigieux cabinet CDB. Mais il avait toujours opposé une indifférence polie à ses tentatives de séduction, ce qui avait fini par refroidir ces ardeurs de conquérante.
Maître Driss Bechara était un homme qui ne laissait pas indifférentes les femmes. Beau, ténébreux, le physique avantageux, il n'avait rien à envier au tops modèles masculins les plus côtés du moment par les grandes agences de mannequinat et son élégance inné ne faisait que renforcer son avantage. Il était tout aussi séduisant dans les tenues traditionnelles sénégalaises qu'il portait souvent, pense-t-elle en jetant un   rapide coup d'œil à son costume Armani.
Ils accomplirent rapidement leurs formalités et sortirent.
Driss tira un jeton électronique de la poche intérieure de sa veste avant de se tourner vers elle :
-J'avais consigné ma voiture au parking. Attends-moi ici, je vais aller la chercher.
Il s'éloigna rapidement.
Driss se gara à ses pieds quelques minutes plus tard. Il prit les bagages et les rangea dans la malle avant de l'inviter à monter.
Il la déposa  devant chez elle mais déclina gentiment son invitation de monter pour prendre un verre.

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Son élégant appartement lui parut plus impersonnel que jamais.
Driss déposa ses bagages, ôta sa veste qu'il lança à travers la pièce avant de s'éffaler sur le canapé Chesterfield en cuir de chevreau blanc. Il se rappela  son programme de la soirée.
Il devait sortir avec sa conquête du moment, Nathalie Brun, une styliste bien en vue dans le milieu de la haute couture, qui travaillait pour l'une des plus grandes maisons de couture française. Il avait réservé une table au Fouquet's et Nathalie lui avait suggéré d'aller ensuite retrouver des amis aux Crazy Horse Saloon, le cabaret le plus chic de Paris.
Une soirée bien remplie en somme, s'il fallait compter que la belle jeune femme allait probablement passer la nuit dans son lit.
Mais tous ce plaisir qui auraient certainement fait le bonheur de toute épicurien ne l'enchantaient plus. Il trouvait superficiels et aspirait désormais à autre chose. Bref, il voulait vivre autre expériences.
-Peut-être que je vieillis ! Se disculpa-t-il.
Il saisit la télécommande de son home cinéma et l'actionna , puis versa un verre de whisky qu'il  savoura. Un air du  groupe Africando emplit doucement la pièce. Les yeux mis clos, il délecta de la musique. Sa vie lui paraissait vide tout d'un coup et parfois la tentation le prenait d'envoyer tout balader et rentrer au Sénégal. Il n'avait jamais souhaité vivre en Occident mais le destin en avait décidé autrement. Sénégal ! Chaque fois qu'il pensait à son pays, un souvenir particulier emplissait littéralement son esprit.
-Minetou… murmura-t-il tendrement.
Il n'avait jamais réussi à l'oublier, son premier et unique amour. S'il y avait une femme qu'il avait passionnément et profondément aimé, c'était elle, mais malheureusement les turpitudes de la vie les avais séparés. Il se rappelait encore le jour où il avait embarqué en catimini pour Paris. Il avait été forcé de renoncer à elle.
Il s'en souvenait comme si c'était hier. Il était sorti un après-midi pour faire réviser sa voiture et à son retour, il trouva ses parents complètement atterrés. Ce fut d'abord sa mère qui le cueillit à la porte. Elle était dans un état fébrile:
-Dieu merci, tu es là, mon chéri ! J'étais en train de faire des bagages.
Il la dévisagea avec surprise.
-Faire mes bagages ? Mais dans quelle intention ? s'enquit-il, ébahi.
-Tu dois impérativement aller à Paris sans délai. La police va t'arrêter d'un moment à l'autre.
Ahuri, il écarquillé les yeux:
- La police ?... Mais je n'ai rien fait, maman !
-Le père de ta petite amie est passé ici, tout à l'heure avec elle. Hé bien, figure-toi qu'il t'accuse de détournement de mineur et a déjà porté plainte contre toi, lâcha-t-elle, la voix étouffée par les sanglots. C'est un puissant magistrat et il lui sera facile de te faire condamner. Ton père et moi avons pensé que si tu parvenais à rejoindre la France dès aujourd'hui, il ne pourra plus t'atteindre, d'autant plus que  tu as la nationalité française. Ton père t'a déjà trouvé une place dans le vol d'Air France de ce soir.
Surpris, Driss fronça les sourcils. Le père de Minetou était venu chez lui avec elle, pour l'accuser de détournement de mineur... Non ! Ça ne pouvait pas être possible ! Au lieu de fuir, il devrait plutôt aller le trouver et en discuter avec lui.
-Je vais me rendre chez eux tout de suite.
Ses paroles déclenchèrent une crise d'hystérie chez sa mère. Secouée, elle se mit  à crier en s'agrippant à lui:
-Ne fais pas ça mon chéri ! Tu vas aller droit dans la gueule du loup. Cette jeune fille a raconté à son père que tu la violée.
-Quoi ! Mais ce n'est pas vrai, maman. On s'aime et je suis prêt à l'épouser aujourd'hui même, si son père me donne son autorisation !
-Non, non je t'en prie.! Sanglota sa mère en le serrant dans ses bras. Perdu, déboussolé, Driss ne sut quoi faire. La seule chose dont il était sûr, c'est qu'il ne voulait pas perdre Minetou. Il voulait lutter pour leur amour. Mais que faire face à cette situation ? Elle lui avait souvent parlé de la fermeté et de l'intransigeance de son père. Il traînait d'ailleurs cette réputation dans sa corporation où on louait ses qualités.
D'un notre côté, il ne voulait pas hypothéquer son avenir par un séjour en prison aussi, bref soit-il. Ses parents ne le supporteraient pas, il était leur seul enfant. Alors, il pris sa décision:
-C'est bon, maman, je vais aller à Paris mais je compte dissiper ce malentendu le plus tôt possible. J'aime Minetou et je veux faire ma vie avec elle.
Nadia Bechara était soulagée. Elle venait de remporter la première manche et comptait gagner la bataille.
Submergé par la souffrance, Driss ne vit pas l'éclair de triomphe qui brille dans les yeux de sa mère

Chronique de Minetou Lèye :Reflets du PasséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant