😊😊Chapitre 13😇😇

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Saint-Louis du Sénégal
20 Avril 2009

Minetou claqua violemment la portière de sa 4x4 Land Cruiser Prado. Furieuse, elle fourra les bulletins de notes dans son sac et démarra dans un crissement de freins.
Elle n'en revenait pas encore,ces deux inconscients allaient l'entendre,se jura-t-elle.
Elle faillit brûler le feu rouge à l'angle de la Place Faidherbe et agita la main en signe d'excuse à l'endroit du policier qui veillait sur la circulation.
Elle contourna l'avenue et prit la direction du Nord de l'île de Saint-Louis communément appelé Lodo.
Elle traversa deux rues et à la troisième,se gara devant une charmante petite villa de style colonial.
Elle coupa le contact de la voiture,prit son sac avant de sortir.
Elle appuya vigoureusement sur la sonnerie. La porte s'ouvrit sur une très belle jeune fille métisse :
- Salut, maman, lui lança-t-elle en souriant.
Elle la fusillade du regard :
- Tu oses m'adresser la parole,toi?
Celle-ci leva les yeux au ciel :
- Mais, enfin, maman, qu'est ce que j'ai fait encore ?
Sans se donner la peine de lui répondre,elle la bouscula et entra dans la maison.
Minetou déposa son sac à main sur la table basse du salon. Elle se tourna vers sa fille debout en face d'elle et vit son accoutrement composé d'un Jean et d'un top très décolleté qui dévoilait insidieusement sa belle poitrine naissante.
- Ne t'ai je pas interdit ce type d'habillement ? s'indigna Minetou. Fais-moi le plaisir d'aller vite te changer et de mettre quelques chose de correct.
A jeune fille lui adressa une moue boudeuse.
- Tu exagères, enfin, maman, toutes les filles de mon âge s'habillent ainsi.
- Ce ne sera pas ton cas. Apprends une bonne fois pour toutes, jeune fille, que tu feras ce que je décide tant que tu seras sous ma responsabilité. C'est clair ? D'ailleurs, où est ton frère ?
- Parti jouer au football avec ses potes, répondit-elle.
Hors d'elle, elle pesta :
- Le sale gosse, je lui avais pourtant dit de ne pas sortir. Tiens, regarde ton travail et celui de ton frère.
Elle extirpa de son sac les deux bulletins qu'elle jeta à sa fille.
Cette dernière les parcourut avec désinvolture avant de les redonner à sa mère :
- Ben, on a la moyenne, c'est ce qui compte, conclut-t-elle.
- Tu appelles ça des moyennes ? 11,05 pour toi et 10,30 pour ton frère ? Mais tu te fiches de moi ou quoi, Donia ? explosa-t-elle.
- Hé ! ça va ! Ce n'est pas la peine d'en faire tout un drame ! Et puis beaucoup de nos camarades n'ont pas eu la moyenne, cette fois-ci. Ce n'est pas facile, la classe de terminale !
- Pas facile ? Mets-toi dans le crâne que rien n'est facile dans ce bas monde, et ne me donne pas comme exemple vos camarades nullards comme vous. Ce n'est pas avec des moyennes pareilles que vous réussirez au bac.
Sa fille, sans tenir compte de ses états d'âme, s'affala sur le canapé. Outrée par un tel manque de respect, Minetou empoigna ses longs cheveux lâchés derrière son dos :
- Aïe maman, tu me fais mal. Qu'est ce qui te prend, enfin ! Cria-t-elle.
- Je vais t'apprendre à être respectueuse, petite impolie !
Indifférente aux cris de sa fille, elle lui asséna deux gifles retentissantes. Donia avait le don de la faire sortir de ses gonds. Son frère jumeau Ali et elle lui causaient des soucis depuis quelques temps maintenant. D'enfants charmants, ils s'étaient mus en adolescents turbulents, comme perturbés.
- Mais qu'est ce qui se passe ici, on vous entend depuis la porte, fit Ali, qui venait d'arriver.
Minetou lâcha Donia pour reporter sa colère sur lui :
- Ah ! te voilà toi. Il n'était pas trop tôt pour rentrer. Dis-moi, tu n'as rien à faire par hasard, à part jouer au foot et faire du rap ?
- Mais maman, j'aime la musique et je veux y faire carrière, protesta-t-il.
- Tu ferais mieux de descendre de ton nuage ! Les réussites sont rares dans ton domaine de prédilection ! Comme j'étais en mission à l'étranger le jour de la rencontre parents d'élèves-professeurs, je suis passée à votre école tout à l'heure pour retirer vos bulletins de notes du premier. Eh bien figure-toi que tu as juste la moyenne, monsieur.
Elle prit le bulletin et le lui jeta.
- Tiens, regarde ton travail !
Il y jeta un bref coup d'œil avant de le poser sur la table. Donia, pendant ce temps, était allée se réfugier au bout de la salle de séjour, pour échapper à la furie de leur mère.
- Mais qu'ai-je fait pour mériter des enfants pareils ? Je me plie en quatre pour vous satisfaire et, en retour, je ne peux rien obtenir de vous ? Elle les scruta à tour de rôle. Dites-moi ce qui vous manque et vous pousse à vous rebeller de la sorte, je ne vous comprend pas !
Les deux adolescents échangèrent un regard :
- Il nous manque notre père. On veut le connaître, lui demander pourquoi il n'a pas voulu de nous, lâcha agressivement Donia.
Ali acquiesça pour appuyer sa sœur.
Surprise par la requête de ses enfants, elle chancela :
- Quoi, qu'est ce que vous racontez ?
- Nous en avons assez d'être traités de bâtards de naar par nos camarades, assez que tu ne veuilles pas nous dire qui est notre pere, assez que tu esquives toujours la discussion sur le mystère de nos naissances. Nous exigeons que tu nous dises la vérité maintenant, renchérit Ali.
Minetou était dérouté. Ses enfants affichaient une telle détermination,qu'il lui était difficile de leur tenir tête . Ce n'était pas la première fois qu'ils l'interpellaient sur ce délicat sujet. Déjà, un jour, alors qu'ils avaient huit ans, ils étaient revenus de l'école totalement abattus et malheureux. Quand elle les avait interrogés, Donia lui avait alors demandé pourquoi il n'avaient pas de père comme leurs auteurs camarades de classe et pourquoi ils portaient son nom à elle, leur mère et non celui de leur père. Elle avait tenté tant bien que mal de leur expliquer avec des mots simples, susceptibles de ne pas les traumatiser, que certains enfants naissent sans papa et ils l'avaient crue avec toute l'innocence enfantine qui les caractérisait alors. Mais aujourd'hui, le contexte était différent ; ils avaient grandi et étaient presque des adultes.
- Qui vous a dit que votre père n'avait pas voulu vous reconnaître ? leur demanda-t-elle.
- D'abord maam bou goor (il appelait ainsi son père, Séga Lèye, qui leur vouait une adoration sans limite), mamie Salbé, ensuite maam Aby, l'informa Donia.
- Vraiment ?
- Comme tu montrais une réticence suspecte, nous les avons interrogés. Maam bou Goor a estimé que nous avions le droit de savoir. Il nous a avoué que notre père était d'origine libanaise, ce dont nous nous doutions déjà, au regard de notre carnation particulière et de nos noms à consonance arabe. Il paraît que nous lui ressemblons comme deux gouttes d'eau, ajouta Ali.
C'est vrai qu'à chaque fois qu'elle posait ses yeux sur ses enfants, elle voyait Driss, ils étaient son portrait tout craché !
Acculée, elle comprit que l'heure des aveux avait sonné :
- Très bien, asseyez-vous, leur dit-elle.
Ils obtempèrent. Ils s'installèrent sur le canapé en face d'elle. Elle sourit en les contemplant. Solidaires et complices, Donia et Ali étaient le prototype des vrais jumeaux.

Chronique de Minetou Lèye :Reflets du PasséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant