Second Souffle

Chapitre 8

Les jambes flageolantes, Johanna traversa l'horrible épreuve du fumoir sous les regards impassibles des occupants. Couper sa respiration n'avait pas été nécessaire tant ses poumons semblaient comprimés. Sa main finit par se poser sur la poignée de la porte de secours et ce fut lorsqu'elle sentit l'air glacial la pétrifier, que pour la première fois, Johanna prit une grande inspiration. Le froid s'engouffra dans ses poumons, son cœur se mit à battre de plus en plus fort, une bise fit virevolter les pans déchirés de son pantalon, un faible éclairage lui permettait à peine de distinguer le pavé sous ses imposantes semelles. Le seul indice de l'endroit d'où elle provenait était les vagues vibrations qui se ressentaient à travers les deux portes battantes.

    Lorsqu'elle expira, une douce fumée se propagea et les yeux de Johanna se perdirent dans cette masse informe qui s'éloigna jusqu'à disparaître. Faisant un pas en arrière, elle s'adossa contre les pierres toujours plus froides qui la firent se raidir lorsqu'elle les sentit glacer l'arrière de sa tête. Passant une main sur son crâne, Johanna étouffa un juron, sentant qu'elle n'avait pas senti son bonnet tomber. Quelque peu à l'aveugle, elle mit une minute à constater avec amertume, que son couvre-chef avait dû se perdre avant qu'elle ne franchisse cette issue de secours.

    Prenant soudainement conscience de l'endroit et de la température environnante, la brunette sentit ses doigts se raidir et planta ses mains dans ses poches. Soudain, dans ce presque silence, la porte de secours s'ouvrit pour la deuxième fois de la soirée en quelques minutes et une petite femme au regard plus qu'expressif fit son apparition.

"J'ai bien cru que j'allais jamais te rattraper !"

    Derrière Laura, la porte claqua de nouveau dans un vacarme métallique et elle se plia légèrement en deux afin de poser ses mains sur ses genoux. Johanna esquissa un sourire en attestant des pauvres compétences physiques de la jeune femme qui avait le souffle coupé en tentant de la rejoindre. En relevant la tête, Laura croisa les yeux de Johanna, et, entre deux respirations, ajouta dans un rire :

"Sois impressionnée de mes talents sportifs.

— Je vois ça."

    La voix de la brune avait été cassante malgré elle. Ses yeux se dirigèrent vers le sol, et la jeune femme se laissa glisser le long du mur pour finir par s'assoir sur les pierres tout aussi glacées. Les minuscules talons de Laura frappèrent le sol pour rejoindre Johanna. Une légère chaleur se fit ressentir à la commissure de ses lèvres et la brune passa son pouce pour en retirer le surplus de sang qui s' écoulait. La silhouette de Laura vint prendre place à ses côtés et tandis que Johanna n'osait pas lever les yeux, la voix de sa partenaire, d'ordinaire si aiguë, baissa d'un ton, créant de multiples volutes de fumée au fur et à mesure de ses dires :

"Ecoute, je vais mettre ma fierté de côté trente secondes pour te dire ce que je pense. Je vois bien qu'elle te plait et que je ne pourrais pas rivaliser, même si je me déguisais en boule à facettes.

— Je...

— N'essaie de me contredire Johanna. Je te l'ai dit, tu as des yeux qui ne mentent pas et qui indiquent ce que tu veux. Moi aussi j'aimerais qu'une femme se prenne une droite rien que pour mes beaux yeux et sans rien demander en retour. D'ailleurs tu sais ce que je trouve très drôle ? C'est que tu es complètement effrayée face à elle. Et je ne suis pas certaine que tu la laisses indifférente.

— Elle a un mec..."

    Johanna avait presque murmuré sa phrase mais sa proximité et le calme autour d'elles, avaient permis à Laura de l'entendre sans laisser aucune place à une mauvaise interprétation. La jeune femme ouvrit de grands yeux de surprise, avant de se mettre à sourire :