Chapitre 13

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Deux semaines s'étaient écoulées depuis la soirée au bar. Johanna avait enfin retrouvé la force de sortir de chez Brittany. Elle dormait de nouveau dans ses propres draps, même avec les cauchemars et les voix qui l'empêchaient de se reposer convenablement. Elle n'avait plus couru depuis cette soirée. Non pas qu'elle ne s'en sentait pas capable physiquement, mais il s'agissait d'arriver à faire plus d'une centaine de mètres seule. Elle osait tout juste arpenter les rues qui entouraient sa maison. Son seul moyen d'affronter le centre-ville était de faire le parcours avec Brittany. Cette dernière prenait de ses nouvelles quotidiennement et se tenait à sa disposition pour tout ce que Johanna pourrait exiger.


Cette dernière n'était toujours pas ressortie dans un autre endroit que sa propre maison, surtout pas en soirée. Mais cette fois, en mettant son manteau pour effectuer sa promenade quotidienne, une intuition la prit au cœur et elle se regardait dans le miroir ovale à côté de sa porte d'entrée. Son teint était toujours blanc, ses traits fatigués la vieillissaient de quelques années, mais il y avait un éclat de détermination dans ses yeux. Cette fois, elle irait en centre-ville. Elle posa la main sur sa poignée de porte, respira profondément et l'ouvrit d'un air déterminé. Elle voulait rejoindre le domicile de Brittany par elle-même. Elle savait qu'elle embarquait dans un périple de près d'une heure, cela faisait bien longtemps qu'elle ne s'était pas aventurée seule aussi longtemps.


La première chose qui la marqua fut la température glaciale du soir accompagnée d'un fort vent qui la saisit jusqu'aux os. Elle ne se souvenait pas que l'environnement lui devait être aussi hostile, mais ce n'était pas un obstacle aussi insignifiant qui la ferait reculer. D'un geste un peu maladroit, elle vissa son bonnet sur ses oreilles et fourra ses mains dans ses poches avant de faire un pas devant l'autre. Elle comptait chacun de ses pas jusqu'à cent et recommençait à zéro, à chaque fois. C'était son moyen pour ne pas penser, se concentrer sur autre chose, c'était la seule chose qu'elle avait trouvé pour se calmer.


Pendant quelques minutes, Johanna marcha tranquillement, dépassant même les propres limites géographiques qu'elle s'était fixées quelques jours plus tôt. Elle respirait toujours lentement et empruntait les trottoirs, les chemins qu'elle avait toujours eu l'habitude de fréquenter. Une chose à la fois. Elle n'avait pas prévenu Brittany de sa venue, elle voulait également lui montrer que sa force de caractère primait sur son état physique ou émotionnel. Elle marchait en cadence sur les pavés, et faisait claquer ses talons quand bien même elle marchait sur du plat. Elle voulait s'entendre compter encore et encore jusqu'à sa destination.


Les lampadaires éclairèrent rapidement son chemin. Johanna avait du mal à regarder devant elle, le vent lui fouettait le visage, malgré son bonnet et une épaisse écharpe, elle sentait la brise glacée s'infiltrer dans chacune de ses failles. Rapidement, elle avait presque atteint la moitié du chemin, marché plus d'une demi-heure ; plus lentement qu'elle espérait mais c'était d'ores-et-déjà une victoire. Puis, au loin, ses comptes furent interrompus par des rires et le tintement d'une clochette.


Une nouvelle bise vint renforcer le froid que ressentait déjà Johanna. Elle ferma davantage ses poings et murmura pour elle-même :


"Trente six, trente-sept, trente-huit..."


Pourtant, au quarantième pas, elle se stoppa, de nouveau interpellée par le même tintement. Troublée, elle fixa les yeux sur le trottoir, devant lutter contre une envie irrépressible de céder à la curiosité. Elle sentit son coeur s'emballer.


"Quarante et un..."


L'insupportable petite cloche retentit une nouvelle fois et, cette fois, Johanna leva les yeux. L'estomac noué, elle se retrouvait dans une rue un peu plus sombre que les autres. Seules quelques misérables éclairages de lampadaire lui permettaient à peine encore de distinguer le trottoir et la neige qui y régnait toujours. La gorge nouée, Johanna aperçut un bout de l'enseigne du bar au coin de la rue. Les faibles néons de l'enseigne mettaient en lumière le rebord de son immense vitre donnant sur les différentes tables ainsi qu'une vue directe sur le comptoir.


Second SouffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant