Chapitre 5

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Pour la première fois de la semaine, les rayons du soleil avaient réussi à percer les opaques nuages et se reflétaient depuis une petite heure sur l'océan. Le roulis des vagues était régulier, calme, apaisant. Le vent ne s'était pas encore levé. La plage avait été complètement ratissée. Les quelques fêtards de la veille devaient tout juste s'endormir, tandis que les plus matinaux prenaient le temps de savourer ce splendide lever de soleil. Les plus chanceux profitaient de la vue que leur offrait leur balcon, sur les hauts immeubles situés en face de la place. Le propriétaire de l'habituel bar de Johanna et Brittany était un de ces privilégiés à bénéficier de ce cadeau.


Rentré tard et quelque peu ivre, il s'était écroulé sans demander son reste sur son lit, oubliant inévitablement de fermer ses volets, ce qui le fit rapidement grogner dans son sommeil, perturbé par une lumière aveuglante dans toute la pièce. Titubant, il se dirigea vers son balcon pour fermer tout accès à un quelconque signe de journée dans son appartement. Si son regard s'était laissé distraire quelques secondes par le mouvement calme et lent des vagues, et le quasi silence d'une ville encore endormie, il dériva inlassablement sur un mouvement régulier qui parcourait la plage d'un bout à l'autre. Mettant sa main de géant devant son visage en plissant les yeux, se donnant une petite chance de voir ce qui parcourait la plage, il se concentra quelques secondes. Puis, après avoir percé le mystère, il attrapa ses volets et les referma dans un même mouvement en laissant sa voix rauque à mi-chemin entre le rire et l'indignation marmonner quelques mots :


"Complètement cinglée..."


***


    Alors qu'elle parcourait son douzième kilomètre, Johanna se maudissait intérieurement d'être sortie la veille. Son corps manquait cruellement de repos et ce n'était pas en lui imposant quelques verres et en l'obligeant à dépenser beaucoup d'énergie le lendemain qu'elle allait s'en sortir. Pour autant, elle ne s'était couchée pas plus tard que d'habitude. Non, elle n'avait que peu dormi car son cerveau refusait d'arrêter de réfléchir.


    Sa petite soirée avec Brittany et les quelques paroles échangées avec l'inconnue la plongeaient dans d'interminables réflexions. Agir dans les règles... En prononçant ces mots, Johanna avait accepté à demi-mots de suivre sa meilleure amie dans son plan complètement intrusif dans la vie d'une inconnue. Si la brune avait accepté de lui faire confiance, elle n'était pas complètement rassurée quant au fait qu'elles feraient davantage de mal que de bien. Il y a un an et demi, les deux amies avaient dû se soutenir pour se relever d'une situation qui les avait anéanties. De ça, Brittany s'était trouvée une résolution pour avancer, le désir de ne voir plus aucune femme souffrir, coûte que coûte. C'est cette résolution, cette conviction à laquelle se raccrocher que Johanna n'avait pas encore trouvé. Pour le moment, il lui semblait impossible d'envisager une quelconque relation, de faire un pas en avant. Elle avait bien essayé, mais la simple idée de se retrouver une nouvelle fois face à une déception, une trahison, une nouvelle désillusion qui la briserait en mille morceaux, la suffisait à ne pas se projeter, ni oser faire un simple pas en avant. Ce marathon avait été son seul refuge, son moyen de se prouver qu'elle pouvait se relever.


    Treize kilomètres. Toutefois, c'était la première fois qu'une femme l'attirait à ce point depuis... ce fameux jour. Brittany l'avait remarquée et ce n'était pas pour rien qu'elle était convaincue qu'il fallait agir envers cette fille. A la fois dans son intérêt mais aussi dans celui de Johanna. Il restait encore une zone d'ombre à éclaircir, celle du petit-ami. La jeune femme avait beau avoir une confiance aveugle dans le jugement de sa meilleure amie, surtout lorsque ce dernier la mettait dans l'état de nerf qu'elle avait démontré la veille. Pour autant, il fallait une preuve que ce qu'elle avançait était vrai pour que Johanna bascule complètement dans l'optique de détruire une relation potentiellement malsaine.


Second SouffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant