Modou se hissait à la première place des organisations syndicales. Son intelligence des gens et des choses lui alliait à la fois employeurs et salariés. Il axait ses efforts sur des points facilement satisfaits, qui allégeaient le labeur ou agrémentaient la vie. Il cherchait des améliorations pratiques à la condition ouvrière. Son slogan : à quoi bon faire miroiter l'impossible ? Obtenir le « possible » est déjà une victoire.
Son point de vue ne faisait pas l'unanimité, mais on se fiait à son réalisme pratique.
Mawdo ne pouvait faire ni du syndicalisme ni de la politique, faute de temps. Sa réputation de bon médecin s'affermissant, il restait prisonnier de sa mission dans un hôpital bourré de malades, car on allait de moins en moins chez le guérisseur, spécialiste des mêmes décoctions de feuilles pour des maladies différentes.
Tout le monde lisait journaux et revues. L'Afrique du Nord bougeait.
Interminables discussions où des points de vue s'alliaient ou se heurtaient, se complétaient ou se refoulaient, avez-vous façonné le visage de l'Afrique Nouvelle ?
Rêve assimilationniste du colonisateur, qui attirait dans son creuset notre pensée et notre manière d'être, port du casque sur la protection naturelle de nos cheveux crépus, pipes fumantes à la bouche, shorts blancs au-dessus des mollets, robes très courtes, découvrant des jambes galbées, toute une génération prit, d'un coup, conscience du ridicule que vous couviez.
L'Histoire marchait, inexorable. Le débat à la recherche de la voie juste secouait l'Afrique occidentale. Des hommes courageux connurent la prison ; sur leurs traces, d'autres poursuivirent l'œuvre ébauchée.Privilège de notre génération, charnière entre deux périodes historiques, l'une de domination, l'autre d'indépendance. Nous étions restés jeunes et efficaces, car nous étions porteurs de projets. L'indépendance acquise, nous assistions à l'éclosion d'une République, à la naissance d'un hymne et à l'implantation d'un drapeau.
J'entendais répéter que toutes les forces vives du pays devaient se mobiliser. Et nous disions qu'au-dessus des inclinations, inévitables, pour tel ou tel parti, tel ou tel modèle de société, il fallait l'unité nationale. Beaucoup d'entre nous ralliaient le parti dominant, lui infusant du sang nouveau. Être productif dans la mêlée valait mieux que se croiser les bras ou s'abriter derrière des idéologies importées.
Pratique, Modou conduisait les syndicats à la collaboration avec le gouvernement, ne demandant, pour ses troupes, que le possible. Mais il maugréait contre l'installation hâtive de nombreuses Ambassades, qu'il jugeait coûteuses pour notre pays sous-développé. Avec cette saignée pour la gloriole et bien d'autres, telles les invitations fréquentes d'étrangers, que d'argent perdu ! Et, songeant à ses salariés, il maugréait encore : « Combien d'écoles ou d'équipements hospitaliers perdus ! Combien de revenus mensuels augmentés ! Combien de routes bitumées ! »
Mawdo et toi, l'écoutiez. Nous étions dans les hauts sommets, tandis que ta belle-mère, qui te voyait rayonner auprès de son fils, qui voyait son fils fréquenter de plus en plus la forge de ton père, qui voyait ta mère prendre des rondeurs et mieux s'habiller, ta belle-mère pensait de plus en plus à sa vengeance.
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UNE SI LONGUE LETTRE 🥺
Ficción históricaAu long des pages, la sensibilité n'est que menue monnaie.Chaque pages, chaque paragraphe,chaque phrase presque, met l'accent sur un aspect important de la société sénégalaise, dont les soubassements culturels se trouvent exhumés expliquant conduite...