Chapitre 27

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Aïssatou, les habitudes rassurantes reprennent leur suprématie. Sous mes pagnes noirs, le battement monotone de mon cœur. Comme j'aime écouter ce rythme lent ! Un nouvel élément essaie de se greffer à la maisonnée.
Ibrahima Sall passe chaque jour et donne à chacun de nous ce qu'il peut. À Mawdo Fall, il apporte sa logique et sa clarté dans les discussions de ses sujets de dissertation. À Oumar et Ousmane, il fournit régulièrement du chocolat. Il ne dédaigne pas de se mêler aux jeux de Malick et Alioune qui ont renoncé à la rue pour ma cour.
Le bras de Malick est toujours dans le plâtre. Pourvu que sa jambe, qui ne ménage pas le ballon, ne se casse à son tour !
Mais le trio (Arame, Yacine et Dieynaba) refuse sa caution à cette « intrusion ». Le trio le salue avec correction, mais sans enthousiasme. Le trio est hostile à ses invitations. Il lui en veut d'avoir pu...
Ibrahima Sall talonne Aïssatou pour ses leçons et devoirs. Il a à cœur la réussite de son amie. Il ne veut pas être la cause d'une quelconque régression. Les notes de Aïssatou montent : à quelque chose malheur est bon !
Farmata accepte mal Ibrahima Sall qu'elle qualifie de « sans-gêne » et « sans vergogne ». Elle ne rate jamais l'occasion de lui lancer : « A-t- on jamais vu un étranger détacher une chèvre de la maison ? »
Ibrahima Sall, imperturbable, essaie de s'adapter. Il recherche ma compagnie, discute actualités avec moi, m'apporte parfois des journaux et des fruits. Ses parents, prévenus depuis par la vigilante Farmata, passent aussi nous voir et s'inquiètent de la santé de Aïssatou. Et les habitudes rassurantes reprennent leur suprématie...
Je t'envie de n'avoir mis au monde que des garçons ! Tu ignores les transes qui me saisissent avec les problèmes de mes filles.

Je me décide enfin à aborder les problèmes d'éducation sexuelle. Aïssatou, ton homonyme, m'a surprise. Je prends dès lors mes précautions. Je m'adresse au trio, les jumelles étant trop jeunes encore.
Comme j'avais hésité dans le temps ! Je ne voulais pas armer mes filles en leur offrant l'immunité du plaisir. Le monde est à l'envers. Les mères de jadis enseignaient la chasteté. Leur voix autorisée stigmatisait toute « errance » extra-conjugale.
Les mères modernes favorisent les « jeux interdits ». Elles aident à la limitation de leurs dégâts, mieux, à leur prévention. Elles ôtent toutes épines, tous cailloux qui gênent la marche de leurs enfants à la conquête de toutes les libertés ! Je me plie douloureusement à cette exigence.
J'insiste pour que mes filles prennent conscience tout de même de la valeur de leur corps. J'insiste sur la signification sublime de l'acte sexuel, une expression de l'amour. L'existence de moyens contraceptifs ne doit pas mener à un déchainement de désirs et d'instincts. C'est à son contrôle, à son raisonnement, à son choix, à sa puissance d'attachement que l'individu se distingue de la bête.
Chaque femme fait de sa vie ce qu'elle souhaite. Une vie de femme dissolue est incompatible avec la Morale. Que tire-t-on des plaisirs ? Un vieillissement précoce et l'avilissement sans doute, soulignais-je, encore.
Mes mots tombaient difficilement devant mes auditrices. De l'assistance, j'étais la plus vulnérable. Car aucune surprise n'était peinte sur les visages du trio. Mes phrases hachées n'avaient suscité aucun intérêt particulier. J'avais l'impression d'enfoncer une porte ouverte.
Le trio savait déjà, peut-être... Un long silence... Et le trio disparut...
Je poussai un « ouf » de soulagement. J'avais l'impression de déboucher à la lumière après un long parcours dans un tunnel étroit.

UNE SI LONGUE LETTRE 🥺Où les histoires vivent. Découvrez maintenant