Le NaNoWriMo

32 7 11
                                    

L'Éditeur prenait un café à une terrasse avec deux de ses disciples. Non loin d'eux, trois jeunes gens parlaient du nombre de mots auquel ils étaient parvenus à l'occasion du NaNoWriMo. Entre deux sanglots, une femme avouait n'avoir écrit que dix mille mots depuis le début du mois. Ses deux amis tentaient de la rassurer, mais leur condescendance était palpable : ils avaient atteint, eux, les quarante mille mots.

L'Éditeur se tourna vers ses disciples :

« Voyez comme l'esprit de la quantité l'emporte sur le souci de la qualité. Si vous souhaitez être admis en ma Maison d'Édition, ne vous laissez pas entraîner par de tels excès. »

Surpris, ses disciples répondirent :

« Mais, Seigneur, la quantité n'est-elle pas fondamentale ? Un nombre de mots minimum n'est-il pas nécessaire si l'on souhaite être publié ? Qui plus est, ne conseille-t-on pas de publier au moins un roman par an ? »

Alors l'Éditeur répondit :

« Ah merde, ah merde, je vous le déclare : il est fondamental, en effet, d'écrire si l'on souhaite être publié. C'est en écrivant que l'on apprend à écrire, et n'est-il pas vain de vouloir être publié si l'on n'a aucun texte à présenter ? Toutefois, vous ne devez pas rechercher la quantité pour la quantité. Qui a dit que cinquante mille mots était le minimum pour réussir un bon roman ? N'y a-t-il pas de grandes œuvres bien plus courtes ? Par ailleurs, pourquoi désirer à tout prix achever un roman en trente jours ? Rares sont ceux qui peuvent accomplir un tel objectif en si peu de temps, et c'est souvent au prix d'une terrible fatigue. »

Ahmed répondit :

« Mais, Seigneur, l'engouement est tel que les auteurs peuvent se motiver, car ils ne sont pas les seuls. »

Alors l'Éditeur dit :

« Ah merde, Ahmed, je te le déclare : si l'écriture est sa passion, l'auteur n'a pas besoin de chercher sa motivation à l'extérieur. Il doit la puiser au fond de lui-même. Le NaNoWriMo a son intérêt, mais le suivre strictement est insensé. N'est-il pas absurde d'attendre le premier novembre pour entamer son projet ? De vouloir enchaîner Writober et NaNoWriMo ? De se décourager car on ne s'est lancé que le cinquième du mois ? Ou parce que l'on n'a pas dépassé les mille mots par jour ? »

Ses disciples reconnurent qu'il avait raison. L'Éditeur conclut :

« Ainsi, l'objectif des cinquante mille mots n'a rien d'une garantie pour entrer en ma Maison. Soignez vos phrases plutôt que les accumuler. De toute manière, je ne compte point en mots, mais en signes espaces comprises. »

Les Cavaliers de l'ÉditocalypseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant