Glum, le Dernier Shadoniste, détesta aussitôt la ville de Mastheur. Trop de lumière, trop de gens, et trop de bruit.
Il décida de se rendre directement à l'université de la ville. Il arrêta un passant pour lui demander son chemin. L'autre claqua pratiquement des dents en contemplant le sombre cavalier monté sur un énorme panda, enveloppé d'obscurité, son visage masqué par un capuchon, et une énorme hache à portée de main.
« Que la nuit vous libère des errances du jour, mon ami. Pourriez-vous m'indiquer l'université ? »
L'autre bafouilla quelques sons, et pointa une direction. Le Dernier Shadoniste le remercia brièvement, et poursuivit son chemin.
L'université de Mastheur était un dédale comme il n'en avait jamais vu. Et pourtant, il avait longé le sinistre Canyon des Dépités pendant des jours entiers.
C'était un tel méli-mélo architectural qu'il serait incapable de compter le nombre de bâtiments. Certains avaient été percés au rez-de-chaussée afin de permettre le passage à une foule d'étudiants ; d'autres étaient connectés par des ponts plus ou moins vétustes au niveau du premier, du second ou troisième étage. Des ponts dont la longueur variait entre deux mètres et un quart de lieue. Le Dernier Shadoniste laissa son panda au pied d'un bâtiment. Il était au centre des regards, mais ne s'en soucia guère. Il se risqua à l'intérieur de l'édifice, où il dut jouer des coudes et parcourir des dizaines de couloirs aux largeurs variées, monter et descendre une bonne douzaine d'escaliers, traverser un nombre incalculable de cours intérieures où se prélassaient des étudiants plus ou moins en état d'étudier – plus souvent moins que plus. Son excellent sens de l'orientation était pris au dépourvu, perturbé par cette affluence. Il n'avait jamais vu autant de personnes en un seul endroit, même en comptant l'armée médiocre qui avait exterminé les siens.
Après avoir demandé son chemin pour la sixième fois, il se retrouva face à un bureau assez modeste. Sur la porte, il était marqué : « Mme Leblanc – Directrice de Formation Créateurs et Talentueux ». Il toqua.
« Entrez ! » dit une voix chantante.
Il entra.
Face à lui se trouvait une vieille dame tout de blanc vêtu, comme si elle avait voulu donner raison à son patronyme. Il la salua, se présenta, lui tendit sa lettre de recommandation. Elle l'écouta, lut la lettre, et lui proposa un biscuit. Lorsqu'il mordit dans le biscuit, elle hocha une tête approbatrice.
« Vous êtes le bienvenu chez nous, mon cher. Des hommes de votre trempe seront tout à fait à leur place dans les troupes d'élite que sont les Talentueux. Si vous réussissez cette formation, bien entendu. Souhaitez-vous un autre biscuit ? »
Il accepta, et elle eut un air ravi. Le Dernier Shadoniste soupçonna que son goût pour les friandises qu'elle lui proposait joua bien plus que ses prouesses littéraires et guerrières dans l'accueil auquel il avait droit.
Lorsqu'il retrouva son panda, après avoir erré pendant une bonne demi-heure à travers l'université, il vit que l'animal était en pleine discussion avec un géant étrangement accoutré. À vrai dire, l'animal ne parlait que par grognements, mais on aurait juré que l'individu le comprenait. Il ne fit pas attention au Dernier Shadoniste lorsque celui-ci s'avança à pas de loup.
« ... Bonté gracieuse, tu me rappelles un voxufèle de mes amis. Lui aussi soutenait que les tramotules étaient tous des gredins. C'est mal les connaître, pourtant. »
Le Dernier Shadoniste se racla la gorge. L'inconnu ne fit pas attention à lui.
« ... Pour te dire la vérité, les tramotules traversent souvent une période compliquée. Eux-mêmes sont les premiers à le reconnaître. Il faut dire que lorsque tu changes de forme, ce n'est pas simple d'un point de vue philosophique. Et toi, si tu devenais un triangle, comme ça, sans transition, que ferais-tu ? »
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Les Cavaliers de l'Éditocalypse
ComédieJe chante les faits d'armes des trois Cavaliers de l'Éditocalypse - le Dernier Shadoniste, la Dama del Sol et le Faune. Ces trois héros, au prix d'efforts surhumains, cherchaient ce que d'aucuns appelleraient leur Graal: la Publication. Mais leur qu...