– Nous y voilà ! lança le Faune.
Le repère de la chamane avait tous les attributs que l'on pouvait prêter à un tel lieu. Des marmites sales et à moitié vides peuplaient les alentours tandis que des grigris en tout genre brinquebalaient à chaque extrémité du toit, un tintamarre épouvantable dont la beauté constituait sûrement un secret d'initié mais qui, pour le moment, faisait se boucher les oreilles la Dama del sol. Le Faune soupira d'aise.
– Tu entends ? s'extasia celui-ci.
– Malheureusement, oui.
– Ah Dame, le tout c'est de changer sa perception. Et le bruit devient mélodie !
– C'est à vous rompre les neurones ! Pas étonnant que tu aies passé des mois à errer seul dans cette forêt !
Elle sauta de la gerboise géante qui s'affaissait déjà dans l'herbe, épuisée et béate :
– Allez, aide-moi à soutenir Shadoniste jusqu'à la porte !
– Oh non, surtout pas, s'exclama le Faune.
Il sauta à son tour de la monture et aida la Dama del Sol à porter leur ami.
– On ne vient pas à la chamane, c'est la chamane qui vient à soi !
Le Faune alla se planter respectueusement à quelques mètres de la planche branlante qui, en guise de porte, était fixée au reste de la cabane par un entrelacs de tissus aux couleurs douteuses.
– Attendons, Dame.
La Dama del Sol jeta un œil à Shadoniste qu'elle portait à bout de bras. Désormais entièrement disparu sous son capuchon, celui-ci était incapable de tenir debout, englouti sous le tissu d'ébène sur lequel, elle l'aurait juré, les rayons du soleil se reflétaient comme autant de flammes de l'enfer. Elle frissonna puis déposa avec douceur le cavalier dans les herbes folles et, d'un pas décidé, se dirigea vers la cabane.
– Mais tu es folle, s'écria le Faune, si tu entres sans son accord, elle te transformera en champignon pour un sacré bout de temps, je sais de quoi je parle ! C'est ça que tu veux ?
Voilà qui expliquait bien des choses sur la tendance du Faune à se laisser errer indéfiniment dans les champs et les forêts, à s'extasier de coquelicot en pâquerette tandis que le ciel s'arquait pour lui d'arcs en ciel, même la nuit. Peu importe, le mal était fait : il fallait aller jusqu'au bout désormais. La Dama del Sol frappa avec vigueur à la porte.
– Arrête je te dis ! s'insurgea le Faune.
La cavalière frappa à nouveau, sans succès. Bon, songea-t-elle, malgré toutes mes règles de savoir-vivre et ma bienveillance, si elle ne daigne pas m'ouvrir, elle va tâter de la pointe de mon fleuret cette shamane.
– Bonjour ! aboya-t-elle et, d'un coup de pied vigoureux, défonça la porte, fleuret en main, prêt à l'attaque.
La chamane se trouvait au fond de la cabane dont l'obscurité ambiante lui mangeait une partie du visage. Vieille, ramassée sur elle-même, elle ressemblait à un tas de linge mouillé oublié dehors après un gros orage. Du genre qui sent pas bon.
La Dama del Sol pénétra à l'intérieur de la cabane mais fut aussitôt prise de vertiges tant les effluves de sauge, de bougies et potions en tout genre rendaient l'air irrespirable. La shamane lui lança un regard menaçant et ses lèvres fripées commencèrent à bouger. C'était maintenant ou jamais.
– Avant que vous me transformiez en champignon pour mauvaise conduite, sauvez mon ami s'il vous plaît !
Les lèvres de la chamane s'arrêtèrent de remuer mais elle demeura impassible.
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Les Cavaliers de l'Éditocalypse
HumorJe chante les faits d'armes des trois Cavaliers de l'Éditocalypse - le Dernier Shadoniste, la Dama del Sol et le Faune. Ces trois héros, au prix d'efforts surhumains, cherchaient ce que d'aucuns appelleraient leur Graal: la Publication. Mais leur qu...