ALCOOLIQUE

CHAPITRE 18:

PDV de Kate:

Violente. Débraillée. Hideuse.
Kate observait l'image que l'immense miroir de la salle de bain lui renvoyait.
Une jeune fille la fixait de ses grands yeux bleus emplis de désespoir; une lueur de folie les animait. Ses cheveux virevoltaient dans tous les sens. Des hématomes se déclaraient déjà sur son visage fatigué. Elle semblait éreintée.
"Ça va un peu piquer." dit gentiment Mattew, s'approchant tout près d'elle pour lui passer une compresse sur le visage.

Matt l'étudiait d'un regard imperturbable. Puis, avec toute la tendresse du monde, appuya sur sa joue.
L'adolescente serra les dents, tentant de taire son hurlement de douleur.
Matt continua de la désinfecter, passant toute sorte de pommades sur sa peau, prenant soin d'elle comme si elle était la chose la plus rare de l'univers.
Ça risque d'être plus douloureux que je le croyais...

"J'ai eu peur, tu sais? Je voulais pas qu'Ashley te fasse du mal. On a eu de la chance, tu t'en sors bien, tu n'as qu'une égratignure..." Et il lui caressa la joue, posant délicatement ses lèvres fraîches sur celles de Kate, rien qu'une seconde.
Matt se plaça alors à ses côtés, l'observant grâce au miroir qui retranscrivait leur reflet.
"Regarde comme tu es belle." dit-il avec un gentil sourire.
Kate ne voyait qu'une gamine perdue, plus malheureuse que personne ne devrait l'être et dont la folie atteignait probablement des sommets, mais elle n'en dit rien.

Mattew, lui, était tellement beau. Tellement parfait. Sa carrure était idéale. Il ressemblait aux princes des contes de fées. Mais il n'était pas son prince.
Soit, ils allaient parfaitement ensemble, mais lorsque les choses paraissent trop faciles, n'en deviennent-elles pas complexes? Kate n'avait jamais su accepter ce qu'elle avait, il fallait toujours qu'elle cherche les complications..

La jeune fille murmura soudain, d'une petite voix, pour la première fois qu'ils avaient regagné la pièce:
"Tu veux bien t'asseoir?"
Et ils se postèrent sur le rebord de la baignoire.
Kate l'observa un moment. Ses beaux yeux bleu nuit où une peine semblable à la sienne semblait prédominer l'iris.
"Je voudrais qu'on arrête."
Elle avait dit ça sans respirer. Sans même le regarder.

Mattew leva alors les yeux vers elle. La douleur faisait naufrage au sein de ce tourbillon obscur.
"Qu'est-ce-que tu racontes? Tu as dû prendre un coup trop fort sur la tête... Ça ira mieux demain." Et il l'entoura de son bras; elle se dégagea.
"Tu comprends pas, Matt; je veux rompre avec toi."
Elle le fixait avec peine, les larmes aux yeux.
"Non... Non... On va tout arranger, ne t'en fais pas. Quand on s'aime on peu." balbutia-t-il.
Kate répondit abruptement.
"Mais je ne t'aime pas, Matt. Je ne t'ai jamais aimé."

Et alors il se tut, encaissant difficilement le choc, le visage grave, la mâchoire serrée.
"Tu es quelqu'un de bien, Matt. Je t'admire. Tu as toujours agi pour mon bien, tu as toujours pris soin de moi. Mais... Je ne supporte plus de mentir." chuchota-t-elle.
Il garda les yeux posés sur le tapis de bain.
"_ Je... J'ai jamais compris pourquoi... Pourquoi t'as voulu sortir avec moi...
_ Kate... la coupa-t-il.
_ Non. Laisse-moi finir s'il-te-plaît. J'ai jamais compris. Tu te souviens, on était toujours ensemble quand on avait huit ans. Tu as toujours été mon meilleur ami. Et... Je savais que je pouvais compter sur toi, dit-elle la voix brisée. Et puis... Tu me protégeais des autres. On s'amusait bien. Tu te souviens quand on a voulu sauver le chien du voisin parce qu'on croyait qu'il allait le piquer? demanda-t-elle avec un léger sourire.
_ Oui... On a eu des problèmes..." dit-il, neutre.

"_ Et bah... T'as toujours eu une place dans mon cœur mais... Je t'ai jamais vu que comme un ami. Que comme mon meilleur ami. C'est vrai, t'étais le seul qui me supportait et qui me mettait pas à part. C'est grâce à toi si j'en suis là aujourd'hui. Alors, merci.
_ Kate...
_ Mais... le coupa-t-elle à nouveau. J'ai jamais compris. En première année, on rentrait des vacances de Noël et... T'es venu comme ça... Sans crier gare... Et puis tu m'as dit que tu m'aimais... Je voulais pas te perdre, Matt. Et je savais pas ce que c'était l'amour. J'en sais toujours rien. Ou juste assez pour comprendre que c'est pas ce que je ressens pour toi. Je te jure, Matt. J'ai tellement d'affection pour toi, je t'admire. Mais... Ça va pas plus loin, ça n'est jamais allé plus loin..." déclara-t-elle lentement, la voix brisée.