ALCOOLIQUE

CHAPITRE 21

PDV de Kate:

"Vous sortez ensemble ou quoi?" demanda nonchalamment Scott en se replaçant son casque sur les oreilles, secouant la tête pour repousser une longue mèche platine qui obstruait sa vue.
Les adolescents se lancèrent un regard surpris, puis un large sourire fissura leur visage.
"N-non! Non non!" s'exclamèrent-ils d'une même voix au grand blond, qui semblait déjà voguer à travers un monde lointain, claquant des doigts en rythme, sur une musique qu'il était évidemment le seul à percevoir.

La sonnerie retentit, mettant fin à leur conversation, en considérant qu'il s'agissait encore d'une conversation- Scott avait hisser son sac à dos sur sa frêle épaule et s'était dirigé d'un pas traînant vers une salle après un vague signe de la main.
Jill leur fit un clin d'oeil accompagné d'un sourire mutin, puis, comme si c'était la chose la plus banale de l'univers, sauta sur le dos de son copain, en un hurlement de cow-boy surexcité. Ce dernier, faisant distraitement volte-face, leva les pouces avec un grand sourire.
La rousse se retourna vers Ben, l'interrogeant d'un regard perplexe. Il lui indiqua d'un revers de la main que c'était tout à fait normal.
"Au fait, Kate! cria la petite brune en se retournant vivement, manquant de chuter au passage, alors qu'elle et son 'poney' avaient déjà parcouru une bonne vingtaine de mètres, je suis la fondatrice du club Let Simone de Beauvoir be! On parle féminisme en écoutant les Beatles! Si ça t'intéresse, passe nous voir à l'occasion!"
Puis le couple disparut, englouti par l'imminente marée humaine qui avait immédiatement afflué à l'instant où le bruit strident- quoique libérateur avait retenti dans les couloirs du lycée.

Les élèves se dirigèrent alors vers leurs classes respectives en un bourdonnement sonore, les milliers de conversations se heurtant en une sorte de chaos bruyant.
"Euh... Ça s'est bien passé à ton avis?" demanda naïvement Kate.
Une masse s'abattit soudain sur elle et un gars la heurta de plein fouet.
Ben l'entraina alors vers les casiers en gueulant à l'inconnu déjà reparti dans l'autre direction:" Eh t'excuse pas hein! Tocard!"
Kate sourit de toutes ses dents en lui posant une main apaisante sur la poitrine.

"_ Eh... On se calme, Superman... chuchota-elle avec douceur. Alors? Tu crois que j'ai fait bonne impression?
_ Ils t'ont adorée! murmura Ben à son oreille.
_ Tu en es sûr? Ils ont agi un peu...
_ Bizarrement?"
La jeune fille hocha la tête en fronçant légèrement les sourcils.
"Ils sont toujours comme ça!"
Kate acquiesça à son tour. Puis, après un bref baiser sur la joue de Ben, s'excusa en expliquant qu'elle devait absolument aller en cours. Elle le laissa alors, affirmant qu'ils se retrouveraient pour le déjeuner.
Et la foule l'emporta.

PDV de Ben:

Il sentait tous ces regards vicieux sur eux et c'était tout bonnement insupportable. Comme s'il lui était impossible d'effectuer le moindre mouvement sans que des milliers de commentaires n'éclatent pour le juger- où plutôt les juger.
Kate mordillait un crayon à papier, ses pupilles éclatantes voguant à travers une fiche de Littérature. Elle ne semblait se rendre compte de rien- ou du moins faisait tout comme.
Ben n'avait pu se résoudre à lui annoncer la récente idylle Matt-Lina et il craignait plus que tout qu'elle ne l'apprenne par des personnes malveillantes. Néanmoins, elle allait bien le découvrir un jour ou l'autre.
Le jeune homme ne savait absolument pas comment l'éblouissante rousse recevrait cette nouvelle, et il appréhendait sa réaction.

Ses yeux traversaient la page avec une rapidité phénoménale, tandis qu'elle croquait avidement dans une pomme en un bruit de mastication adorable.
Soudain, l'adolescente posa son fruit à demi entamé sur son carnet, interrompant sa lecture, puis attira son bras contre ses jambes croisées en tailleur. Elle claqua la table avec son crayon d'un rythme effréné puis leva enfin les yeux vers lui.
"Tu savais que c'était Dickens qui avait écrit Oliver Twist?" demanda-t-elle finalement, les sourcils fronçés, semblant en pleine réflexion intérieure, comme si un duel cornélien se jouait en plein cœur de son crâne.