Chapitre 5

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- C'est un nouveau paquet de lettre pour vous Mrs Leger.
Je soupire.
Hier soir, je n'ai pas voulu parler à Joshua de la quantité affreuse de lettre que mes parents avaient reçue. Encore moins de leur contenu inquiétant : Jojo a déjà assez de soucis comme ça. Surtout au vu de sa bonne humeur du jour –sans doute due à la formation de l'Elite– cela m'aurait fendu le cœur de devoir lui annoncer une autre mauvaise nouvelle. Pourtant, aujourd'hui, quand je vois que le service du courrier reprend, je me dis que je ne vais plus avoir le choix. Il va bien falloir faire quelque chose ! On ne peut pas laisser tout le pays envoyer ici ses lettres de menaces ou d'encouragements malsains !
Sur le pas de la porte, mon père s'écarte pour laisser passer les deux domestiques portant la paperasse. Je secoue la tête par résignation en les voyant déposer tout cela sur le bureau, par-dessus les lettres ouvertes de la veille. Dire qu'en venant rendre visite à mes parents ce matin, je pensais pouvoir leur remonter un peu le moral… Tu parles…
- Merci mademoiselle, lance gentiment ma mère aux deux femmes qui s'empressent de se fondre en révérence avant de sortir enfin de la chambre.
Je les regarde prendre congé avant de me tourner vers ma mère. Assise toute droite sur le fauteuil du bureau, je lui trouve vraiment l'allure noble. Sa beauté est encore plus visible que d'habitude dans sa robe de mousseline bleu, et je suis obligée de constater qu'elle a un port presque royal. Presque autant que la reine Kriss. En s'adressant au domestique comme elle l'a fait, douce et sûre, elle dévoile une facette d'elle-même que je ne lui connaissais pas : elle a l'air à l'aise dans le milieu royal.
Cela dit, c'est plutôt logique ! Ce n'est pas la première fois qu'elle se retrouve dans le rôle d'une princesse. Ni la première fois qu'elle a des caméristes à son service.
Tiens… Voilà une idée ! Mon regard s'illumine. Je sais comment distraire un peu mes parents, histoire de les faire penser à autre chose que ces foutus lettres !
- Maman, je demande doucement. Quand tu étais Sélectionnée, tu avais des caméristes je suppose. Tu te souviens d'elles ?
Je sais que l'ancienne Sélection n'est peut-être pas le meilleur sujet de discussion pour ma mère, mais là ce n'est pas comme si je lui demandais de me décrire sa relation avec Maxon. Et puis au moins cela lui changera un peu les idées.
Je vois à son expression qu'elle ne semble pas trop contrariée et prête à répondre. J'attends donc.
- Eh bien, commence-t-elle doucement. Oui, elles étaient toutes les trois parfaites ! Au fur et à mesure de mon séjour, nous sommes devenues assez complices.
Je souris. Personnellement, j'aime bien mes trois caméristes, Loane, Cassandre et la plus jeune, Laurette, mais je n'ai jamais créé de liens très forts avec elles. Je dois dire que leur petit colportage de rumeur des premiers jours m'avait un peu refroidie. Je me souviens encore de cette randonnée… Notre première sortie collective avec le prince. Ce jour-là, chaque Sélectionnée m'avait dévisagée parce que mes femmes de chambre avaient fait courir le bruit que j'avais obtenu mon premier rendez-vous galant avec le prince. Ce qui était complètement faux ! Il ne s'agissait pas d'un rendez-vous galant, ni du bon prince : J'étais simplement partie rejoindre Maxime.
Apparemment, les caméristes de ma mère ne lui ont jamais fait ce coup-là
Encore curieuse, je demande :
- Tu sais ce qu'elles sont devenues ? Elles sont peut-être encore au palais.
Ma mère ne répond pas tout de suite. Son silence attire davantage mon attention, particulièrement quand il s'accompagne d'un regard furtif vers mon père. Je sens ma mère hésiter avant de lâcher :
- Pour deux d'entre elles je n'en ai aucune idée. Je sais simplement que l'une d'elles à quitter le palais pour refaire sa vie ailleurs.
Je hoche la tête avant de faire confirmer :
- En tant que six ?
Cette fois-ci, je suis surprise par la voix de mon père. Ecoutant à côté de moi, c'est lui qui me répond :
- Oui, en tant que six. Aux dernières nouvelles, Lucy est partie pour Dominica.
S'interrompant tout à coup, il laisse ma mère terminer après un petit silence :
- Je ne sais pas si elle y est toujours.
Je souris et remercie mes parents de ces réponses. Je suis contente de voir ma mère en parler sans trop de gêne. Et aussi de constater qu'elle n'avait finalement pas gardé toutes ses informations pour elle : elle en avait apparemment parlé à mon père puisqu'il semble au courant. Quoique… Cela lui vient peut-être de son travail de garde au palais maintenant que j'y pense. Après tout il devait bien connaitre les caméristes qui étaient pour lui des sortes de collègue de travail.
J'ai du mal à m'habituer au fait que mon père ait travaillé ici… J'en ai déjà été très surprise quand je l'ai appris récemment…
En essayant d'imaginer mon père dans un costume de garde, je repense à K.W. Le garde Kile. Il a l'air de plutôt bien s'entendre avec mon grand frère : il passe beaucoup de temps avec lui quand il n'est pas en service. Même si c'est le fils de Marlee, je suis contente de voir que Louis s'est fait un ami. J'aimerais qu'il en soit également ainsi pour mes deux autres frères et pour Myriam qui restent beaucoup plus isolés, mais je ne sais pas trop comment faire pour qu'ils se sentent plus à l'aise ici.
- Victoria, je pense que nous allons aller voir le roi ce matin. Il faut que nous lui parlions de… Tout ça.
La voix de mon père me fait sortir de mes pensées. Il désigne la tonne de lettres de j'avais presque réussi à oublier.
- Bien, je fais en jetant un coup d'œil à ma mère. Vous y aller tous les deux ?
Ma mère se lève avec un air un peu las. Visiblement, le mauvais courrier n'est pas la raison qu'elle aurait aimé avoir pour rendre visite au roi Maxon.
- Oui ma chérie, me souffle-t-elle. Enfin tu peux venir avec nous si tu veux.
Je n'arrive pas à déterminer si elle se sent obligée de rajouter cette dernière phrase pour ne pas me vexer ou pas du tout. Je n'y prends pas garde ; de toute façon, j'ai d'autres projets.
- C'est bon. Je pars de mon côté pour aller voir Myriam. Si elle est d'accord nous irons au boudoir pour retrouver les filles.
Mon père acquiesce en signe d'accord et empoche un petit paquet de lettre, sans doute pour les montrer au roi. Enfin, nous sortons tous les trois de la chambre. Laissant mes parents, je pars en quête de mon amie de toujours.

La Sélection de Victoria (T3) - Alliance et dernières vérités Où les histoires vivent. Découvrez maintenant