9| Anna

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Je n'ai pas parlé à mes amis de toutes les vacances, ou plutôt, c'est eux qui ne voulaient plus m'adresser la parole. Pour Corey, je pouvais comprendre, je lui avais balancé à la figure des choses dures à avaler, il avait besoin de temps. Et pour Georges et Tristan... ils suivaient leur roi, je n'avais donc plus aucune nouvelle d'eux. Anna aussi s'était éloignée d'Océane et Camille qui l'avaient complètement oubliée pendant la soirée. Nous étions deux rejetés et c'était pour cette raison qu'on se comprenait aussi bien.

Anna m'attendait devant l'entrée de la patinoire, des caches-oreilles par-dessus ses cheveux bruns. Elle a souri en m'apercevant et je lui ai rendu sa joie. On s'est simplement dit « salut » quand je l'ai rejoint, mais elle m'a aussitôt taquiné sur le fait que je n'osais toujours pas l'embrasser. Il faut dire que je n'avais pas l'habitude, mais ça ne la dérangeait pas que je sois aussi inexpérimenté. Chaque fois que je posais mes lèvres sur les siennes, je me demandais si Anna regrettaient celles de Corey. Et, systématiquement, je me disais qu'il embrassait sûrement beaucoup mieux que moi.

Anna et moi patinions lentement sur la glace, main dans la main pour ne pas tomber. On avait l'air d'un couple, enfin... c'est ce qu'on était, je crois. Anna ne me l'avait jamais dit clairement, on n'en avait jamais discuté de vive voix. C'était un sujet encore sensible pour elle, car elle ne voulait pas ressembler à Corey en passant vite à autre chose, et surtout, elle tenait à ce que je ne me considère pas comme un pansement. Pourtant, je ne me voilais pas la face, c'était bien le rôle qu'elle m'avait donné sans le vouloir. Mais ça ne me dérangeait pas d'être le pansement de Corey. C'était, pour moi, comme une sorte de privilège. Je passais après lui pour réparer ses erreurs et Anna était satisfaite.

─ Tu vas lui reparler à la rentrée ?

J'ai levé les yeux de mon chocolat chaud, assis à une table du café de la patinoire. Anna touillait distraitement sa boisson en regardant les patineurs à travers la vitre, comme si la question qu'elle venait de me poser n'avait pas bien grande importance. C'était pourtant tout l'inverse.

─ Bien sûr que non, ai-je répliqué du tac au tac. Après ce qu'il t'a fait, je ne vais pas...

─ Mais tu y seras obligé de toute façon, m'a-t-elle interrompu. C'est ton voisin, et puis... sans lui, tu perdras tous tes amis...

Anna a de nouveau détourné les yeux, comme si elle se sentait coupable de la situation. Doucement, j'ai posé ma main sur la sienne, pour lui signifier qu'elle comptait mille fois plus que n'importe qui. C'est ce qu'aurait fait Corey.

─ Franchement, Anna, je m'en fiche complètement des autres. Je t'ai toi, c'est déjà beaucoup. En plus, tu m'as dit qu'ils parlaient tous dans mon dos, alors je ne perds rien en ne leur adressant plus la parole.

─ Tu sais... j'ai un peu exagéré sur ce point, a-t-elle bredouillé. Je n'ai jamais entendu Tristan et Georges dire du mal de toi, je ne sais pas comment ils te voient, peut-être comme quelqu'un de timide puisque tu ne parles pas beaucoup...

─ C'est Corey alors ?

A ces mots, Anna a baissé la tête en se mordant la joue. J'ai serré les dents, et ai enchaîné brutalement :

─ Qu'est-ce qu'il t'a dit sur moi ?

─ Ce n'était pas méchant, je t'assure, a tenté de le défendre Anna. C'était au lycée, on était allé tous les deux au CDI et il y avait ce garçon assis dans un fauteuil, en train de lire. On est passé devant lui et Corey m'a dit que tu agissais bizarrement quand il était là, que tu étais... que tu n'étais pas très agréable avec lui. Je ne me souviens plus de son nom, Corey me l'avait dit parce qu'il avait vu son badge, c'était un prénom en « L », pas commun... enfin, je ne sais plus, mais tu dois savoir de qui je parle, il paraît qu'il était dans ton collège. Bref, il avait cette impression que quelque chose de bizarre c'était passé entre vous. Mais c'est Corey, tu le connais, il a tendance à penser qu'il comprend tout le monde alors qu'il se trompe souvent...

Souvenirs d'un RefouléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant