Être avec toi 一緒に [Mikey X OC]

Chapitre 3 : C'est la famille

Adossée au pilier de l'entrée du sanctuaire, j'observe le même défilé chaque semaine quand le Toman se réunit. Tel le chevalier admiré, Mikey transperce la foule, suivi par le reste de l'escadron. Les gars se baissent. Les bavardages cessent instantanément et une chape de plomb s'abat sur la scène. La sensation me grise. Faire partie d'un ensemble, de ce tout que forment ces bonhommes habillés de leurs uniformes brodés. Ces chiens de la casse qui errent en meute plutôt qu'en loup solitaire. Je me sens chanceuse. Mon regard continue de scruter la foule. Bingo. Le seul qui ne s'incline pas porte la coupe cirée, dont s'échappe une mèche folle, que m'a décrit Ken. Je me faufile jusqu'à lui - dans une discrétion toute relative qui arrache un sourire à Baji, planté à côté de mon frère. Il préférerait casser la gueule de Moebius directement plutôt que de se coltiner une réunion dont il n'a que faire, c'est évident.

- C'est toi Takemichy ?

Le blondinet se retourne, l'air surpris. Il me scrute de haut en bas et s'attarde sur mes cheveux.

- Euh oui, finit-il par bafouiller, mal à l'aise de parler alors que l'assemblée commence dans son dos. Tu dois être la sœur de Draken ?

- Yep ! Hiyori Ruyguji en personne !

Je le détaille à mon tour. Maigrichon, pas un brin de muscle sous sa peau, frêle, pâle, le dos voûté...

- T'es exactement comme Mikey t'as décrit, souris-je en lui donnant une claque sur l'épaule.

- Ah euh... Bafouille-t-il sans savoir quoi répondre. Tu peux me dire ce qu'il se passe, Hiyori ?

- Un autre clan, appelé Moebius, a attaqué un ami de Pachin, le mec que tu vois là-bas.

Du doigt, je lui montre Pah, en pleine discussion avec Mikey. De loin, je crois le voir verser une larme. Ses poings sont serrés et tremblent presque.

- Ils s'en sont aussi pris la meuf du type, et sa famille je crois. Du coup, on va les défoncer.

La conclusion lui arrache un rictus. Il n'est clairement pas taillé pour la bagarre.

- Pourtant, ils ne font pas partie du Toman, non ?

Je lève un sourcil avant de répondre sèchement.

- C'est la famille. Même si on ne partage pas le même sang. Pah souffre... Et on ne touche pas à la famille.

Mon sourire satisfait complète ceux qu'affichent désormais tous les gars. Mikey a rendu son verdict. Moebius paiera. Du coin de l'œil, j'observe le visage ébahi de Takemichy. L'admiration commence à poindre dans son regard alors qu'il voit, probablement pour la première fois, le chef du Tokyo Manji-Kai en action. C'est l'effet qu'il fait. Ses airs de gamin cachent un guerrier prêt à tout pour ceux qui le suivent. Et, nous, c'est pour ça qu'on le suit. La foule se met à crier. Je les imite en donnant un coup de coude dans les côtes du blondinet. Quand on crie, tous ensemble, rien ne semble pouvoir nous arrêter. Pas même un gang plus grand, et plus vieux.

- Takemichy, tu viens manger avec nous ?

La question semble le surprendre. La plupart des membres du clan viennent de quitter les lieux. Ne reste que notre trio infernal et ce mec, un peu paumé mais qui ne manque pas de nous faire rire. Il finit par hocher la tête.

- C'est Mikey qui paye !

- Va mourir, rétorque-t-il immédiatement.

Mes cheveux finissent de s'emmêler alors que le vent me fouette le visage. Si mon frère conduit déjà vite, Mikey a le chic pour pousser sa bécane encore au-delà. Je repense à mon appareil photo, glissé dans ma poche de veste.

- Attendez, je prends une photo !

Ma proposition ne les fait même pas tiquer. Lentement, je hisse mes pieds sur la selle de la moto et commence un jeu d'équilibre dangereux. Je sens déjà le regard horrifié du blondinet sur moi. Bien calée, je tapote l'épaule de Mikey pour qu'il roule en ligne droite plutôt qu'en zigzag et me redresse. Debout sur le siège, mon cœur tambourine. Je me délecte du paysage, de cette adrénaline qui coule dans mes veines et de cette sensation si particulière : celle de flirter avec la fin. Avant que Takemichy ne fasse une attaque cardiaque, je dégaine mon appareil photo et en prend une de mon chauffeur, en hauteur, puis des suiveurs. Ken lâche même une de ses mains du guidon pour m'offrir son plus beau signe V. Le blondinet va tomber dans les pommes, c'est sûr. Son regard interloqué ne le lâche pas de la soirée. Quand Mikey râle pour avoir un drapeau planté dans son menu enfant ; quand j'entame une bataille de frites avec lui pour savoir quel sauce est la meilleure ; ou quand le chef qu'il admirait quelques heures auparavant s'effondre sur la table et pique un somme.

- Hiyo, tu le ramènes ? Fait semblant de demander mon frère, alors que je n'ai probablement pas le choix.

- C'était pas déjà moi la dernière fois ?

- Je t'ai trouvé un seau pour ta couleur ce matin.

Impossible d'argumenter dans ces conditions, il trouvera toujours le petit service qu'il m'a rendu pour me prouver que je dois l'écouter. Tout ça parce qu'il est sorti du vagin de notre génitrice deux minutes trente avant moi. Je soupire.

- Ok, mais tu le portes jusqu'à la moto.

- T'as le permis ?

La question de Takemichy me déclenche un fou rire.

- Bien sûr que non, j'ai quinze ans.

Sa tête ne m'aide pas à calmer mes éclats de voix. Mais je comprends maintenant pourquoi Mikey l'apprécie déjà. Il a cette innocence douce qui frappe à chaque conversation. Comme s'il ne venait pas du même monde que nous. Je m'installe sur la moto du dormeur tandis que Ken le positionne derrière moi. Sa tête retombe sur mon épaule.

- Me bave pas dessus hein.

Il ne répond rien, les bras ballants le long de son corps. Qu'importe. Il ne tombe jamais, même endormi. Je démarre sa bécane et accélère. Je déteste la conduire. Elle est trop lourde, trop puissante, trop facile à foutre en l'air. Il me dit toujours que je roule au ralenti, alors que tout ce que je veux c'est éviter de m'encastrer dans une voiture. Je préfère le vélo. Il le sait. Alors que je bifurque un peu violemment pour prendre la direction de son immeuble, je sens ses bras serrer ma taille. Il grommèle.

- Hiyo, plante pas ma moto...

- Ta gueule.

[Je ne vous l'ai pas dit sur les deux premiers chapitres mais évidemment n'hésitez jamais à me laisser un commentaire (ou plusieurs), à voter et partager cette histoire !]