Je vois rarement Mikey avec ce regard. Si noir que ses ennemis pourraient s'enfuir rien qu'en le croisant. Ses yeux appellent au crime. Il s'énerve, oui. Assez souvent d'ailleurs. Mais là, je vois ses muscles tendus d'ici, alors que mon œil gauche commence déjà à gonfler. Il ne lui faut que quelques secondes pour tous les envoyer au tapis. Les coups sont d'une rare violence. J'entends leur crâne se fracasser contre le sol. Les voilà au même niveau que moi. Il pourrait continuer à les massacrer. Un par un. Jusqu'à ce qu'ils fondent en larmes, s'excusent le front sur le béton ou meurent. Tout simplement. Mais il les laisse là, à agoniser chacun dans leur coin, et se précipite vers moi.
- Hiyo !
Il s'accroupit à ma hauteur. Moi je n'ai pas bougé d'un poil. De toute façon, je ne peux pas. Chaque parcelle de mon corps me fait souffrir. Mikey me saisit délicatement par les épaules et me tire vers lui.
- Je douille, putain.
Les premiers mots qui sortent de ma bouche ne le font pas rire. Dommage. J'aurais bien besoin d'un peu de légèreté là.
- Pourquoi t'as pas couru ? Me questionne-t-il immédiatement.
Il ne va pas aimer la réponse. Dans un demi-sourire - un peu comme une grimace mais avec les zygomatiques étirés - j'ouvre ma main pour lui dévoiler ma chaîne arrachée. A l'intérieur, ma paume tire la tronche. Donner des coups avec la bague au milieu m'a ouvert la peau.
- T'es débile, soupire-t-il.
- Je sais.
- Je te ramène.
Avec toute la prudence du monde, Mikey me soulève. J'ai le droit au porté comme une princesse. Quelle classe. D'habitude, si le combat s'avère rude, il m'aide à me redresser et me confie à Baji. Mais, ces fois là, je pouvais encore marcher. A la limite, ce serait plutôt lui, la princesse, lorsque Ken le ramène après qu'il se soit endormi au restaurant. Sauf que Mikey n'a rien d'une princesse. Plutôt un petit démon. Du genre mignon mais qui peut tuer de cent manières différentes.
- Me ramène pas à la maison, Mama va me tuer si elle me voit dans cet état.
- Ok.
Chaque mot m'arrache un rictus. J'ai l'impression qu'ils m'ont brisé les deux jambes ; que ma colonne vertébrale me tient difficilement en place. Un fil invisible qui m'empêche de m'effondrer. A chaque pas de Mikey, je serre les dents. Il le voit, ralenti, évite même d'écraser les types au sol alors qu'il adore les aligner pour en faire des tapis. Mais ça ne suffit pas. Avec cette même lenteur, il m'installe à l'arrière de sa moto et se glisse devant moi. Je me laisse tomber en avant, mes bras trouvant leur place - non sans douleur - autour de sa taille. Comment m'accrocher quand les six cents muscles qui composent mon corps m'abandonnent ? Ce n'est pas aujourd'hui que je retenterai mes cabrioles sur cette bécane.
Je prends de grandes inspirations dès que Mikey franchit un virage. Difficile de mobiliser mes abdos passés à tabac dix minutes avant. Pourtant, mon conducteur esquive les bouches d'égouts et roule lentement, pour une fois. J'ai la rage. Huit mecs, c'est trop pour moi. Ça ne l'aurait pas été pour lui, ni pour Ken. Je pourrais m'inventer une excuse. Pointer du doigt l'absence de mes poings américains, dire que je sortais du lit, que je n'étais même pas habillée. Mais une seule raison justifie mon état : c'était trop. Qu'importe à quel point je voulais me les faire. Putain. Je serre mes doigts sur le t-shirt de Mikey pour me retenir de pleurer. Trop tard. Il va encore me traiter de pleurnicheuse. Je chouine pour un rien. Quand je casse un verre, que je suis trop en colère, trop triste, ou qu'un chien meurt dans un film. Et, plus ça m'énerve, plus je pleure.
- Je vais les tuer.
La voix de Mikey me sort de mes pensées. Moi, je n'ai même pas envie de les buter. Juste de leur caler mon genou dans la mâchoire, suffisamment fort pour qu'ils en perdent une ou deux dents. Mais ce que je pense n'a pas trop d'intérêt. J'ai perdu. C'est tout. Alors que la moto se stationne au pied de l'immeuble où Mikey et sa sœur habitent, je manque de m'endormir. Je sens ses bras me maintenir. Me voici de retour dans la position de la princesse, sauvée par le prince. Seul bémol : aucun de nous deux n'a cette allure. Surtout pas moi.
[Pour ceux qui ont lu plusieurs de mes histoires, qu'est-ce que vous préférez entre : l'écriture à la troisième personne ou celle à la première personne ? L'exercice est bien différent pour moi. J'ai l'impression de pouvoir plus détailler et creuser les scènes à la troisième personne, mais d'arriver à mieux dévoiler les sentiments de mon personnage principal à la première... Et vous, en lecteur ?]
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Être avec toi 一緒に [Mikey X OC]
FanfictionDebout sur cette moto, Hiyori se demande comment la vie pourrait être plus belle. Un coup d'œil à Mikey lui donne toutes les réponses à ses questions silencieuses. Ils forment un tout. Un ensemble si puissant qui porte le nom de Tokyo Manji-Kai. A c...