Chapitre 6 : C'est la merde

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Ma dégaine laisse à désirer. Non pas que je veuille être glamour, mais tout au plus un peu stylé au quotidien. C'est raté. Mon chignon pas défait de la veille traîne sur ma nuque et mon pyjama se révèle à la vue de tous. Un short et un débardeur large, sans oublier mes tongs, histoire de ne pas sortir pieds nu. J'ai promis à Ken une soirée takoyaki sans avoir bougé mon postérieur au magasin pour acheter ce qu'il faut. Je profite de sa douche pour m'y rendre, sans grande motivation. J'ai à peine le temps de changer de trottoir que trois connards me barrent la route. Je reconnais leurs visages, encore malmenés par les coups que je leur ai servi quelques jours auparavant. Je lève les yeux au ciel. S'il faut réitérer l'exercice, même sans mes poings américains, ce sera avec plaisir.

- Bon, je commence par qui ?

Mon insolence me tuera, un jour. Sans qu'ils daignent me répondre, les trois lurons affichent le sourire satisfait de ceux dont le plan se déroule à merveille. Derrière moi, cinq autres membres du Yadokaï débarquent. La donne change. Radicalement. Tête de mule oui, mais je sais reconnaître une mauvaise situation lorsque j'en vois une. Enfin, je crois. Là, c'est la merde. Je ne tente même pas la discussion et prends mes jambes à mon cou. Ils bloquent la rue qui mène au bordel, alors je cours à l'opposé. Plus rapide, je le suis sans aucun doute. Mais échapper à un groupe avec des tongs relève de l'impossible. Je dégaine mon portable et appelle immédiatement Ken. Sans grande surprise, il ne répond pas. Il aura ma mort sur la conscience. Je passe à Mikey.

- Tu veux quoi ? Je dors, chuchote-t-il d'une voix caverneuse.

- Les mecs du Yadokaï me poursuivent. Genre huit.

- T'es où ?

Sa voix prend un autre ton. Moi, je m'essouffle à parler tout en courant. Il faut à tout prix que j'évite le point de côté.

- A côté de la maison, je fais le tour du quartier.

- Raccroche pas, j'arrive.

Difficile de s'orienter correctement dans ces conditions. Derrière moi, les attentions de ces gars sont très claires. J'évite les culs de sac, les allées trop étroites dont je ne connais pas les débouchés, mais aussi les boulevards, pour ne pas trop m'éloigner du bordel. Au cas où mon frère pense à me sauver la vie. Je serre mon portable dans ma main, sans raccrocher. J'ose jeter un coup d'œil derrière moi : seules mes trois victimes continuent la chasse. Je ne le sens pas. Pas du tout. Je perds du terrain. Au diable les tongs. Dans un saut, je me débarrasse de mes chaussures de fortune. Pas forcément la meilleure idée lorsque l'été chauffe le béton. Les cailloux m'arrachent la peau au passage. Mais dans ces circonstances, c'est le cadet de mes problèmes. Si je tourne à gauche, juste là, je me rapproche de la maison. Il me faut quelques secondes pour m'y faufiler, rien de plus. Mais ils sont là, au tournant, les cinq assaillants manquant. Putain.

Je bifurque à droite et m'éloigne encore plus d'un quelconque sauvetage. Un point de côté fait son apparition, juste là, entre mes côtes. Une nouvelle intersection s'offre à moi. J'hésite entre la ruelle ou le cul de sac à franchir en utilisant les palettes entassées au fond. Mais j'hésite une seconde de trop. Derrière moi, une main s'approche. J'esquive au dernier moment tandis qu'elle se referme sur ma chaîne. Je la sens se briser contre mon cou. Tout, mais pas ça. Je fais volte-face sans réfléchir et envoie mon pied dans la mâchoire d'un des hommes. Dans un geste, je lui tords le poignet pour qu'il relâche sa prise. La bague au creux de ma paume libre, je tente de reprendre ma course. Impossible. Face à moi, sept hommes essoufflés m'empêchent de passer et me coincent, pas après pas, dans ce cul de sac devenu bien glauque.

Pour imaginer me défendre, je commence par jeter mon portable au sol. Maigre effort pour un maigre tribut. J'ancre mes pieds au sol et adopte ma position de combat désespérée. Celle qui, contrairement à d'habitude, sert plus à me protéger que donner des coups. Je lance pourtant le premier assaut. Je cogne quelques sternums et parvient à mettre au sol un autre gars. Je tente un crochet droit sur l'un d'eux, arrivant par ma droite. Je ne sais pas qui de nous deux à le plus mal. Lui et sa mâchoire atteinte de plein fouet, ou moi et mes phalanges déjà en sang. Je pensais me ruiner les doigts en frappant avec des poings américains, préférant la puissance à la sécurité, mais c'est tout l'inverse. Je morfle.

Un moment d'égarement et c'est la chute libre. Un corps me fonce dessus. J'esquive, me prends un mur et voit son pied arriver droit dans mon estomac. Tordue en deux, le souffle coupé, je serre les dents pour éviter de leur montrer ma douleur. Mais putain ce que j'en chie. D'autant plus lorsqu'ils s'y mettent à plusieurs, les lâches. Un coup à la cuisse me met au sol. Toucher le sol, c'est signer son arrêt de mort. Je le sais. Pourtant, j'essaye de me relever. Un poing s'abat sur ma tempe et m'envoie valser deux mètres plus loin, contre des cagettes. L'odeur du fer me prend au nez avant même le goût du sang qui dégouline jusque dans ma bouche. Comme des gentlemans de la rue, ils se délectent de mon sort et me laissent la seconde nécessaire pour me relever.

- Vous êtes morts.

Pas sûre que je crois à ma propre menace. Eux non plus visiblement. Mais j'ai cette rage qui bouillonne au fond de moi. Je veux écraser leurs têtes contre le trottoir avec mes rangers jusqu'à ce que leur conscience quitte leurs yeux. Pourtant, je dois me rendre à l'évidence, je me prends la raclée de ma vie. J'envoie à nouveau mon pied et percute un genou. Ma tentative de coup de tête n'aboutira jamais. Avant de pouvoir prendre de l'élan, un poing m'atteint à la cuisse et fini de me mettre au sol. La valse commence. Au bout de cinq coups, je ne compte plus. Leurs chaussures se fracassent dans mon ventre et me retourne sur le béton. Je protège mes côtes. Tout, mais pas une côte pétée. Ça fait trop mal quand on éternue. Roulée en boule, je les entends rire à gorge déployée. Ils faisaient moins les malins quand je pouvais encore les défoncer. Putain. J'ai mal. Je me concentre sur autre chose pour oublier le nombre d'os qu'ils pourraient me briser. Mes yeux tombent sur mon téléphone, écrasé quelques mètres plus loin. Je pense à Mikey et je me dis que le timing serait parfait pour qu'il débarque. C'est là, entre deux coups dans mes côtes, que j'entends le ronronnement du moteur. Le son de ma rédemption.


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Être avec toi 一緒に [Mikey X OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant