Chapitre 20 : Mon évidence

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Je reste prostrée, assise par terre au milieu du salon. Ma seule pensée : ne pas tacher le canapé de Mikey en me posant dessus. Ken, Emma et Mitsuya s'y sont installés, eux. Aucun ne parle. Tous les regards fixent le vide. Chacun doit faire le point avec la tornade qui agite nos corps. Je suis la seule à bouger. Je gratte frénétiquement mes mains. Il me reste du sang. J'ai eu beau m'essuyer sur mon pantalon pendant tout le trajet, il m'en reste. Sous les ongles, dans chaque plis de ma peau et sur mes phalanges - le seul endroit où il doit m'appartenir. J'ai arrêté de pleurer, comme par magie. Cette fois, je ne peux vraiment plus rien verser. Je me sens vide. Une coquille dévorée de l'intérieur. Toutes les têtes se tournent vers la porte de la salle de bain qui s'ouvre sur Mikey. Il porte le même air défait qu'en y entrant. Comme nous tous. Je laisse les garçons s'y rendre chacun leur tour. Je reste là, par terre, les genoux ramenés vers moi pour me protéger du monde extérieur. Je frotte toujours ma peau, de plus en plus fort, pour retirer chaque trace de la mort de Baji. Les gars commencent à discuter. Je vois Emma prendre la main de mon frère dans la sienne. Ils me laissent tranquille. Ils savent bien qu'il me faudra du temps, plus qu'eux. Non pas qu'ils n'ont pas de cœur, mais ils ne le ressassent pas. C'est eux qui ont raison. Les morts, eux, ne souffrent plus. Je le sais, mais je n'y arrive pas. Alors que Mitsuya libère la salle de bain, Mikey s'approche de moi. Avec toute la douceur du monde, il saisit mes mains et me relève. Il ne les lâche pas, m'empêchant de me les gratter encore plus.

- Tu prends ta douche et je te rafistole ? Propose-t-il.

Je hoche la tête docilement tout en m'accrochant à ses yeux. Mon corps a tant imprimé la peur qui m'a prise aujourd'hui, que j'ai l'impression que tous ceux qui comptent pour moi s'apprêtent à disparaître. Je pose ma main sur sa joue. Elle est chaude, comme d'habitude. Je me dis qu'il est vivant. Comment arrive-t-il à gérer tout ça ? Il doit encaisser, encore et encore. Personne ne lui demande jamais s'il va bien. La vengeance, la mort, le pardon. Qu'est-ce que les épaules d'un môme de quinze ans, aussi larges soient-elle, pourront bien encore supporter ? Je me demande si son cœur se tord comme le mien. S'il pleure intérieurement car plus rien ne sort. S'il s'autorise même à afficher sa tristesse. Je pourrais me dire que le Mikey que j'ai vu tout à l'heure n'était pas Mikey. Mais si. C'était lui. Comme toutes les facettes de ce chef qui ne fait pas son âge. Car il encaisse. Pour lui, pour nous, pour eux. Aujourd'hui ne doit jamais se répéter.

Tout m'apparaît comme une évidence. Cet ensemble. Nous. Ces moments où l'on pleure, rit, crie, frappe. Je ne veux ni marcher derrière lui, ni à ses côtés. Je dois marcher devant lui. Me retourner pour l'enlacer, devenir son bouclier, partager sa peine et sa joie. Je veux protéger ce tout. Je veux le protéger. Et je crois bien que c'est ça, l'amour.

- Je t'aime, Mikey.

Ken et Mitsuya cessent de parler ; Mikey, de respirer. Et moi, le cœur déchiré, je pars fermer la porte de la salle de bain pour y laver mes cauchemars accumulés.

J'en ressors habillé de cet éternel pyjama trop grand. Du canapé, Mikey me sourit et me tend ses bras. J'arrive presque à faire de même. Je le rejoins, m'appuie contre lui et regarde enfin chaque paire d'yeux présents dans cette pièce. Dieu que je les aime. Ken me tend une canette que je reconnais immédiatement. Nous trinquons. A Baji. Pour Baji.

Les bras de Mikey me réveillent. Il me porte depuis le canapé jusqu'à sa chambre. Dans le sillage, je vois Mitsuya dormir sur un fauteuil. Ken et Emma discutent encore dans le salon. Je baille tandis qu'il me dépose lentement dans son lit. Le temps de retirer son t-shirt, il me rejoint. Instinctivement, j'ouvre mes bras. Je veux le sentir contre moi. Qu'il réchauffe ma peau si froide. Il s'y glisse. Ses mains se placent dans mon dos puis remontent sous mon t-shirt. Du bout des doigts, je dessine des formes sans queue ni tête sur ses omoplates. Nos jambes s'entremêlent pour ne laisser aucun espace libre entre nos corps. Mikey se penche vers moi puis m'embrasse tendrement. Son visage vient ensuite s'enfouir contre ma nuque, ses lèvres à quelques centimètres de mon oreille. La voilà, cette sensation de quiétude. Nos respirations se stabilisent. Au bord du sommeil, j'entends Mikey soupirer. Ses muscles se relâchent. Il me serre un peu plus dans ses bras avant de murmurer l'évidence.

- Moi aussi, je t'aime, tu sais ?

Je souris. Embrasse son front du bout des lèvres et lui répond.

- Évidement.

Être avec toi 一緒に [Mikey X OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant