Je suis là, au milieu du couloir, l'air béat avec mes égratignures partout sur le corps. Je ne réagis pas tout de suite. Il faut d'abord que je m'oxygène à nouveau. Il est vivant. Je sens de l'eau couler sur mes joues. A grosses gouttes. Je craque. Comme une enfant à qui on viendrait de voler son goûter, je chouine. Mes sanglots résonnent dans le vide. Je ne me retiens pas. Les bras ballants le long du corps, je lève la tête vers le plafond. Je dois imaginer que ça va empêcher mes larmes de couler. Ma vue se floute tellement que je vois à peine Mikey s'approcher de moi. Il ouvre ses bras tout en me fixant. Je pleure encore plus fort. Comme si ce geste m'autorisait à relâcher ce poids qui emprisonne ma poitrine depuis des heures. Je tombe dans ses bras. Je m'y accroche comme à une bouée de sauvetage. La seule qui me tient la tête hors de l'eau et m'empêche de me noyer dans ce flot de sentiments. Alors que je serre sa veste dans mes doigts, je sens ses mains se plaquer contre mon dos et son visage s'enfouir dans mon cou. Je me rends à peine compte qu'il laisse filer quelques larmes qui tombent l'une après l'autre sur ma peau. Deux idiots soulagés au milieu d'une salle d'attente vide. Lorsqu'il relâche enfin son étreinte, ses yeux trahissent son émotion. Mes soubresauts se calment lentement.
- Je peux le voir ?
Face à ma demande presque timide, Mikey esquisse un sourire particulièrement doux. Il pose une de ses mains sur le haut de ma tête pour aplatir mes mèches rebelles malmenées par le combat.
- Non, pas ce soir, mais on ira le voir demain.
Il semble tout aussi déçu que moi. Sa main glisse dans la mienne alors qu'il m'emporte avec lui vers la sortie. Dehors, les gars - bien amochés pour certains - se réjouissent de la nouvelle. Emma en pleure encore, elle aussi. Le retour s'organise peu à peu. Des gars ramènent Takemichy. Emma, elle, part dormir chez Hina ce soir. Moi, je m'installe derrière Mikey et laisse mon regard tenter de suivre les lumières de la nuit. Je chiale. Encore. J'aurais probablement versé la même quantité de larmes que s'il était mort. Mais il ne l'est pas. Sans que je ne vois le trajet passer, le moteur se stoppe devant le bordel. Je ne descends pas. J'ai mal à la gorge à force de sangloter. Je pose mon front contre le dos de Mikey et secoue la tête de gauche à droite. Il comprend. Mama s'en fout de nous voir rentrer à pas d'heure ou que le nombre de nos cicatrices augmentent tous les mois. Mais si je passe le pas de la porte seule, avec cet air de chien battu et qu'elle apprend que Ken pionce dans un lit d'hôpital... Je ne donne pas cher de notre peau.
Quand le contact se coupe à nouveau, nous sommes arrivés en bas de chez lui. Je le suis jusqu'à l'appartement, concentrée sur mes pieds qui avancent l'un après l'autre, machinalement. Il pousse la porte, je m'arrête sur le seuil en reniflant. Je me demande si c'est ce qu'il a ressenti, Mikey, lorsque son grand-frère s'est fait tuer. En mille fois pire. Si imaginer perdre quelqu'un fait aussi mal, alors le perdre réellement doit déchirer l'âme en deux. Lorsque Mikey se tourne vers moi, je me dis que, lui non plus, je ne veux pas le voir mourir. Le contact de ses mains avec ma peau me sort de mes pensées. De part et d'autre de mon visage, ses pouces essuient mes larmes restantes.
- Tu peux dormir dans la chambre d'Emma, elle te pardonnera.
Je hoche la tête et me force à sourire. Mais ça ne prend pas avec lui. Il sait que je me retiens de vider mon corps de toute son eau, uniquement par les yeux. Sa douche prise, il me sort ce même pyjama, celui qu'il me prête quand je débarque ici à l'improviste. A croire qu'il m'appartient désormais. Sous le jet brûlant, je fais les comptes de mes bleus. J'en porte moins que d'habitude, un miracle. Finalement, ce sont mes phalanges qui s'en sortent le moins bien : je peux voir l'empreinte de mes poings américains si distinctement qu'on croirait que je dors avec. Mon t-shirt trop grand enfilé et mon short en toile serré à la taille, je regagne le salon. Je prends la direction de la chambre d'Emma. Pourtant, la dernière chose dont j'ai envie ce soir, c'est de dormir seule. Quinze ans que je partage mon espace vital avec mon frère. Alors, le seul soir où j'ai cru le perdre, me retrouver seule dans le noir me paraît inenvisageable. Je passe ma tête dans la chambre de Mikey. Il l'a laissé ouverte. Je ne sais pas comment il fait pour s'endormir aussi vite. Son combat a dû être rude. Je ne lui ai même pas demandé. Sur la pointe des pieds, je m'approche du lit puis me glisse sous les draps. Il ronchonne mais s'écarte pour me laisser de la place. Quelques mèches lui tombent sur le visage au passage. Dans cet état, impossible d'imaginer qu'il puisse être un chef de gang. J'expire longuement, étire mes jambes et commence à fermer les yeux. Les images de la soirée me reviennent en tête. J'ai failli perdre mon frère. Mes lèvres tremblent à nouveau. Quelques larmes se frayent un chemin sur mes joues. C'est infernal. Je plaque ma main sur ma bouche pour ne pas sangloter. Alors que je m'apprête à me lever pour rejoindre la chambre d'Emma, une force me retient. Mikey m'attire contre lui. L'une de ses mains plaque ma tête contre son torse, l'autre se cale entre mes omoplates. Ses doigts s'entortillent dans mes mèches de cheveux. J'entends les battements réguliers de son cœur, comme s'il dormait encore.
- Il nous a fait peur hein... Cet enfoiré.
Ses mots, murmurés avec tant de douceur, m'apaisent. Je sens le souffle de ses lèvres sur le haut de ma tête. La chaleur qu'il dégage m'enveloppe. Je ne m'étais jamais rendue compte à quel point sa peau est chaude. C'est sûrement pour ça que son odeur me fait penser au soleil. Je la sens envahir mes narines. En même temps, je peux difficilement être plus proche de lui. Ma gorge se dénoue petit à petit, au même rythme que mes muscles. Son étreinte a l'effet d'un calmant. Peut-être que mon cœur devrait s'emballer, mais ses bras me rassurent. J'ai le sentiment qu'ici, rien ne peut m'atteindre. Mes pensées s'évaporent, disparaissent dans la nuit. Je me délecte de cette sensation. Celle de ne plus me concentrer que sur sa respiration. Son torse se soulève à intervalles réguliers. D'une manière si mécanique que je me calque sur lui naturellement. Je ferme les yeux tout en avançant mon bras libre derrière son dos. Je le sens frissonner lorsque mes doigts frôlent sa peau. Ils doivent être glacés. Je pose ma main à la base de son cou et me blottit un peu plus contre lui. A mi-chemin entre le sommeil et la réalité, je réponds enfin à ses mots.
- On le fera chier un max pour lui faire payer.
Pour seule réponse, je sens Mikey sourire contre mon front.
[Et voilà un peu de douceur pour bien terminer la semaine. J'espère que ce chapitre vous a plu !]
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Être avec toi 一緒に [Mikey X OC]
FanfictionDebout sur cette moto, Hiyori se demande comment la vie pourrait être plus belle. Un coup d'œil à Mikey lui donne toutes les réponses à ses questions silencieuses. Ils forment un tout. Un ensemble si puissant qui porte le nom de Tokyo Manji-Kai. A c...