Chapitre 13

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C'est la merde.

Bao s'est suicidé.

Un des gestionnaires de la base a été dans le baraquement, à la recherche de Shun-Leu, mais à la place, ils ont trouvé Sean. Les soupçons se sont immédiatement portés sur le chinois disparu, que personne n'a vu depuis un moment. Le jugement populaire a parlé. Adriana est dévastée, tout le monde cherche à comprendre. En tant qu'envoyée de la NSF, je suis chargée d'avertir les autorités internationales. Tous comprennent que la saison de recherches va s'achever plus tôt que prévu. Les chinois vont accuser tous ceux présents et leurs gouvernements respectifs. La décision commune, au réfectoire, est de charger le chinois disparu. Dans un moment de crise, il aura tué un technicien américain, son collègue en lui donnant un coup de couteau dans le ventre et a simplement disparu. Aucun de nous n'est médecin légiste, les conditions climatiques fausseraient toutes données que nous pourrions récolter. Tout le monde est d'accord sur cette version, aussi je m'enferme dans mon bureau pour transmettre notre macabre découverte, mais j'appelle Martin en premier puis le Général. Si le premier comprend les mots que je ne prononce pas et entend ce que je dis dans mes silences, me promettant de faire des recherches sur la compagnie de sécurité privée, le deuxième me demande plusieurs choses au point que j'ai l'impression d'avoir une liste d'épicerie, la première étant de renvoyer le corps de Sean à la maison.

Une fois que quelques hommes installent Sean sur une table débarrassée de tout son foutoir, et Bao sur une autre, leurs corps recouverts d'un draps, le baraquement devient officiellement une morgue. Je regarde les deux corps avant de passer mon appel téléphonique à la National Science Foundation.

« Bonjour Monsieur, je suis le Major Emily Lowry, de l'US Army, je suis la personne que le Général Mainville vous a demandé de faire entrer sur la base de McMurdo. Il y a eu un incident. »

Je reste dans les limites du scénario, je ne parle pas du mort chez les Néo-Zélandais, je m'occuperais de leur cas plus tard, car manifestement quelqu'un couvre cette disparition là-bas aussi et est donc impliqué. J'explique la création de la morgue, le fait que nous ne partirons pas à la recherche de Chen Shun-Leu, qu'étant seule je ne peux parcourir la barrière de Ross. Je lui relate ce dont nous sommes tous certains, lui donnant une chronologie, inventée bien entendu. Les raisons de l'enlèvement du fils du Général restent un mystère pour tous. Seuls les chinois le savaient. Le directeur m'assure qu'il va me faire parvenir deux cercueils par le prochain transport pour rapatriement à Christchurch à fin d'autopsie. En tant que gradée, je suis désormais l'autorité et le seul contact entre McMurdo et les autorités compétentes qui prendront le relais.

C'était prévu. Tous sont dans leur chambre en train d'écrire leur déposition, tout en restant dans le scénario. Personne ne veut voir de policiers ou de militaires sur la base, personne ne veut que son séjour soit avorté. Tous comprennent l'enjeu, même si leur déposition n'est qu'un tissu de mensonge, c'est la seule explication, la disparition de Shun-Leu est un aveu de sa culpabilité. Tous passent, un par un, dans mon bureau. Je relis chaque déposition avec eux afin de m'assurer que tout est correct, avant de tout regrouper dans un dossier. Je fouille minutieusement la chambre et le laboratoire des chinois, récupérant tout ce que je peux. Notre chinois disparu aura probablement pris le tout avec lui. Je m'assure qu'il ne reste rien de compromettant avant de filmer les deux pièces puis de sceller les portes avec du ruban adhésif.

Il est tard, j'ai faim. Julia est restée discrète pendant que je menais à bien notre opération de couverture et elle est plus que ravie quand je lui confie une mission dans notre salle préférée.

Fermant la porte de mon bureau et y plaçant un témoin d'intrusion discret, je me rend au réfectoire, rejoindre tous ceux que Julia a réuni.

« Mesdames, messieurs ! », dis-je d'une voix forte alors que Julia tape sur une casserole avec une cuillère pour faire le silence parmi les discussions. « C'est la dernière fois que vous parlerez de ce qu'il vient de se passer. Oui, nous avons accordé nos dépositions, mais c'est pour le mieux pour tous, vous l'avez compris. Si l'un ou l'une d'entre vous a un doute, un cas de conscience, qu'il ou elle parle maintenant et laissons la base aux mains des autorités. L'année sera perdue pour tout le monde, vos travaux, vos recherches attendront la saison prochaine. » J'attends un moment, qui devient une minute de silence. « Merci. Le chapelain de la Chapelle de la neige est prêt à vous recevoir, à vous écouter. Une confession est entre vous et Dieu, si cela permet de soulager votre conscience. Quelque soit vos croyances, le Chapelain est un peu un psy, si vous ressentez le besoin de parler, il est là, il m'a promis de le faire en vêtements laïcs, sans signe ostentatoire, sans parabole chrétienne et ailleurs que dans la Chapelle. Donc une oreille vous est offerte. Par le prochain transport nous recevrons des cercueils et des visiteurs, jouez votre rôle de scientifique, restez dans le scénario. C'est tout pour moi, des questions ? Non ? Hum, quelqu'un veut prononcer quelques mots ? Adriana ? Je comprends. Tu viendras avec moi, nous irons le voir. Je ne vous retiens pas plus longtemps. Messieurs les cuisiniers, merci et désolée de vous retarder dans votre mise en place. Qu'est-ce que nous allons avoir de bon ce soir ? »

Icy assignment - Reaper # 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant