LES MAINS DE POUVOIR Tome 2 Fragmented Désire [Terminée]

5 | Nouna

— Découper ?

La voix de Takashi s'éleva dans mon dos et je lui jetai un coup d'œil. N'importe qui, à cette idée, aurait tourné de l'œil avant même d'attaquer la manœuvre, mais lui semblait intéressé, voire même curieux. L'attrait de la première fois ? Ou alors il était complètement taré. Allez savoir.

— Et comment vous faites pour ne pas blesser la mère ?

Au moins, il avait un peu de jugeote pour s'inquiéter d'un détail qui n'en était pas un. Pratiquer une césarienne pour sortir un veau mort ne m'intéressait pas ; les chances de survie de la vache après ça frisait le zéro et quand bien même elle s'en sortait, la suite restait compromise et les éleveurs devenaient donc frileux. Et à bien des égards, je le comprenais. C'était mon rôle à moi de sauver la bête, pas de l'envoyer à l'abattoir parce que j'avais pris une mauvaise décision. Ian avait eu le bon goût de m'apprendre le métier selon son expérience et son expertise. Je n'aurais pas fait long feu dans une clinique lambda. Surtout pas à m'occuper de chats et de chiens. Je n'avais rien contre eux, mais je préférais quand la charge de travail se voulait plus muscler.

— J'utilise un embryotome, dis-je. C'est un long cylindre muni d'un fil.

Il hocha la tête, pas dégouté pour un sou. Il en avait dans le bide, ça me plaisait assez. Tout le monde n'était pas de cet acabit, surtout quand on grandissait loin d'une ferme et qu'on pensait pouvoir caresser n'importe quelle vache. Les laitières passaient encore, mais les vaches à viande y avait pas plus mauvais.

Je lui demandai de m'attendre là et retournai à la voiture récupérer ledit objet au cas où j'en aurais vraiment besoin. J'espérai que non, parce que je préférai de loin que tout se passe bien. Si tant est que ça puisse arriver avec un veau mort. Quand vous plongiez le bras dans l'utérus et que vos doigts finissaient dans la gueule du veau, il avait ce qu'on appelait un réflexe de déglutition qui était un bon indicateur pour moi. Là, rien. Lorsque je revins, Takashi se tenait vers le museau de la mère et le lui caressait tout en lui murmurant je ne sais quoi. Il glissa une œillade vers l'embryotome, curieux.

Je retournai auprès de la vache et après avoir renfilé un nouveau gant, je replongeai à l'intérieur pour tenter de replacer le veau à l'intérieur. Cette fois, ce fut moins compliqué que la dernière fois. J'attrapai les pattes du veau et tirai dans l'optique de le faire sortir, mais la mère semblait contre moi. La vache se contracta et en faisant ça, elle referma l'utérus. Ce qui signifiait pour moi plus suffisamment d'espace pour travailler. Et comme la tête était encore tout au fond...

La mère luttait clairement contre ma personne. Et je n'étais pas sûre de remporter la victoire.

J'étais bonne pour le fil. Ce dernier fonctionnait dès lors comme une scie. Takashi m'observa procéder et je lui expliquai donc ce que je m'apprêtai à faire.

— Je vais passer le fil autour du cou pour pouvoir disséquer la carcasse. Et vous allez scier.

Un éclair jaillit dans son regard et il se redressa. Il attrapa les deux extrémités et commença la manœuvre. Tout d'abord, je perçus de la surprise chez lui ; ça demandait plus de force qu'on voulait bien le penser et il se mit à aller plus vite, comprenant que sinon, nous y étions encore dans une heure.

— C'est bon, soufflai-je.

Les chaînes autour des pattes, je les lui tendis et plaçai ma main sur le moignon. Le tronc passa sans soucis cette fois et je m'occupai d'extraire la tête qui rejoignit le reste de la carcasse.

C'était terminé.

Pour cette vache, plus de petit. Elior choisirait peut-être de l'engrosser avant de l'envoyer à l'abattage ou de la garder. À lui de voir.