LES MAINS DE POUVOIR Tome 2 Fragmented Désire [Terminée]

11 | Nouna

La seringue glissée entre mes dents, j'enfilai mes bottes et remontai ma combinaison en y passant les bras avant d'attraper la fermeture éclair. J'étais attendu chez Winnie pour jeter un coup d'œil à son élevage de cochons.

Je détestai ces bestioles. Leur seul moyen de se protéger était de hurler à la mort, vous donnant l'impression qu'à chacun de vos gestes, vous les éventriez avec un plaisir évident. Mais impossible pour moi de refiler ça à Tobias, alors j'allais me faire un malin plaisir à utiliser Takashi à ma convenance. Ce dernier m'attendait déjà dehors, prêt à filer sur la route avec moi. J'avouai que je n'avais pas cru une seule seconde qu'il resterait. Surtout pas après le premier jour. Comme quoi, il devait être plus curieux que je ne le pensais. Même Adamo avait été soufflé de le voir revenir. Et encore plus de repartir avec le chiot.

Je pouvais me montrer très convaincante. N'en déplaise à certains. Takashi semblait assez corruptible soit dit en passant.

— B'jour, lançai-je, d'humeur joyeuse.

Je glissai la seringue dans ma poche et pris un instant pour mettre le nez dans ma mallette et être sûre que je ne manquerais de rien.

— Tu es trop joyeuse, renâcla le lycan. Bonne ou mauvaise chose ?

J'appréciai la facilité avec laquelle il s'était impliqué dans l'aventure, mais aussi dans l'équipe. Son bagou évident l'y aidait. Tobias restait étrangement sur ses gardes, mais lui, il était mal léché de nature.

Ceci expliquait cela.

— Tu aimes les cochons ? demandai-je. Les truies, tout ça, tout ça ?

Il fronça les sourcils.

— Je ne me suis jamais posé la question. Et toi, tu aimes ?

— Pas le moins du monde ! m'exclamai-je.

— D'accooooooooord.

Takashi laissa traîner le mot, l'étirant presque à l'infini avant de s'installer à côté de moi dans l'habitacle. À mon avis, il me prenait pour une folle.

Nous étions en début d'après-midi et bien que la matinée ait été chargée, j'appréciai de pouvoir enfin sortir un peu. Il n'y avait pas eu tant d'urgence que ça, ce qui avait réduit le rythme effréné dont nous écopions depuis des semaines. Ainsi pour une fois, Tobias et moi avions été à la clinique en même temps. Plutôt utile lorsque nous avions besoin d'un deuxième avis. Nous n'officions pas de la même manière. Il avait sa manière de travailler et parfois, il ne comprenait pas ma façon de faire. Chaque véto possédait sa propre patte en quelque sorte. Tant que nous nous complétions, ça ne me posait pas de problème. Tobias aimait l'efficacité et le travail bien fait. Moi, j'aimais patauger un peu. Surtout dans la merde.

La ferme de Winnie se trouvait à plus de quarante minutes de route. Ici, le paysage avait tendance à se ressembler et les têtes à ne jamais changer. La région n'attirait pas de touriste, pas plus que de nouvelles familles humaines en quête d'une vie pépère. Alors je connaissais chaque visage.

Nous croisâmes un attelage de cheveux venu tout droit de chez Elior. Bien qu'ils aient de quoi se déplacer pour les urgences, ils préféraient de loin compter sur leurs animaux, d'où l'importance des chevaux pour eux. Il fallait donc que j'enraye ce qui les tuait. Tobias m'avait promis de venir avec moi jeter un œil. Malgré son statut évident de lycan de l'Empereur, personne ne trouvait à redire à sa présence. Aux yeux des Terras, il était vétérinaire avant tout. Ce qui facilitait notre travail.

— Tu es née ici ? demanda alors Takashi. Je veux dire dans un camp local ?

Je secouai la tête, les manches retroussées jusqu'aux coudes, des mèches s'échappant de mon chignon noué à la va-vite avant de partir. Hormis le médaillon de Lynne, je ne portai aucun autre bijou.