LES MAINS DE POUVOIR Tome 2 Fragmented Désire [Terminée]

21 | Nouna

Tobias se pencha par-dessus la fenêtre ouverte et avisa la pile bien maigre sur le siège passager.

— Tu es sûre que tu as besoin d'aller jusqu'à Perth ?

— Tu sais aussi bien que moi que Keif ne se déplacera jamais jusqu'ici.

Ah, ces hippiatres qui ne se prenaient pas pour de la merde ! Heureusement que Keif avait mon respect, et ce depuis des années, sinon, je me serais facilement évité le trajet jusqu'à la plus grande ville de cette chère Australie-Occidentale.

— Je n'ai rien contre lui, mais sérieusement, tu crois vraiment qu'il va pouvoir t'aider ?

Je comprenais ce qu'il sous-entendait par là. Si j'avais été incapable de trouver la cause de tous ces décès, pourquoi Keif y arriverait ? On ne savait jamais, peut-être qu'il aurait une sorte de révélation propre à sa branche ou une connerie dans le genre. Pour ce que j'en savais. Honnêtement, je frôlai le point mort depuis le départ, alors qu'est-ce que je risquais ? Hormis me faire attraper par des lycans de l'Empereur ? Ou par des hommes de Takashi lui-même ? Au pire, je leur dirais que je connaissais le Koning en personne. On me prendrait pour une menteuse, mais au moins, j'avais un joli sourire. Bref, j'avais hâte !

— Il faut qu'on commence à trouver de quoi il s'agit, sinon Elior va perdre tous ses chevaux et on n'aura rien fait contre.

Le genre de fatalité qui ne me plaisait pas.

— Sois discrète, d'accord ? Et reviens avant ce soir.

— Oui, papa.

Je lui soufflai un baiser et pris la direction de Perth, mon vieux poste radio grésillant plus qu'il ne laissait passer la musique. Le trajet fut tranquille et plutôt calme. J'avais prévenu Keif de mon arrivée et j'espérai vraiment trouver des éléments de réponses avec les échantillons et toutes les données embarquées avec moi. Je voulais pouvoir dire à Elior que j'allais régler le problème d'ici peu. Je ne pensais pas que Keif m'offrirait la solution aussi simplement, mais j'osai espérer qu'à nous deux, nous trouverions un angle d'attaque.

Il y avait des années que je n'avais pas foutu un pied à Perth. Pour quoi faire ? En général, je restais dans mon petit coin tranquille, laissant le monde venir à moi. Et jusque-là, ça m'avait plutôt réussi. Mais parfois, il fallait savoir prendre le taureau par les cornes, quitte à braver quelques interdits. Du genre une Terra sur le territoire de l'Empereur. Je risquai de me faire taper sur les doigts. Mais depuis toujours, j'avais cette capacité – un don à ce stade – à passer sous les radars des lycans locaux. Surtout lorsque je partais me balader impunément au nez et à la barbe de tous. Takashi n'aurait eu aucun mal à me détecter, conséquence directe du temps passé ensemble, mais à moi qu'il se balade dans les rues de sa ville, aucune chance de voir son joli minois. Dommage...

Je ne passai pas par le centre-ville, me dirigeant directement chez Keif. Nous étions samedi, donc il ne travaillait pas. Quelle chance, hein ? Mouais, ça représentait surtout ma seule chance de pouvoir user de son précieux temps sans avoir l'impression de l'emmerder profondément. Keif était du genre... un peu imbu de lui, se pensant au-dessus de tout le monde. Du style à se croire homme-qui-murmure-à-l'oreille-des-chevaux. Mon cul ! Sans surprise, ça avait toujours été tendu entre Ian et lui, hormis dans le cadre strict du travail, et encore. Je m'en souvenais par ma présence, observant les deux hommes se tourner autour sans bouger, leurs yeux faisant tout le taf.

Je m'engageai dans une allée bordée de massifs fleuris et bien entretenu surtout. Une grosse Cadillac attendait devant le garage et Keif ne tarda pas à se montrer sur le pas de sa porte d'entrée.

Un gaillard pas très grand, Keif, mais foutrement baraqué. Ce qu'il fallait pour gérer des étalons ou des juments, dirais-je. Humain, au passage. Important de le préciser. Lui, en tant que lycan, il m'aurait balancé direct à son Freiherr. Un fieffé bâtard derrière des sourires mielleux et intéressés.