𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐈𝐈𝐈 - 𝐕𝐞𝐫𝐬𝐞𝐭 𝟑

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— Oui, c'est bien moi : Lyria Aubeclaire, l'ancienne princesse héritière de Soleste dont tu as pris la place.

Mon nom sonne comme un glas. Chaque inspiration attise le brasier de rage qui me consume depuis toutes ces années. Dès ma déchéance, Talya m'a tourné le dos. Sa famille a gravi les échelons puis remplacé la nôtre sur le trône, sans scrupule. Voilà nos premières retrouvailles depuis cette dizaine d'années de distance muette.

— Lyria... souffle-t-elle. Je n'arrive pas à le croire, ça fait une éternité.

— Oh, j'imagine que ces dix dernières années en tant que nouvelle dauphine de Soleste t'ont tenue si occupé que tu n'aies pu m'accorder la moindre seconde, raillé-je.

— Tu ne saisis pas...

— Quoi, répondre à mes courriers te déclenchait une tendinite ?!

— Non-

— Alors, parle ! Pourquoi m'as-tu ignoré tout ce temps ? craqué-je.

— Parce que tu es la fille d'une traîtresse.

L'atmosphère chute de trois degrés. Mon incompréhension accueille la réalité que je refusais de voir jusqu'alors. Le visage de Talya se métamorphose, à son mépris, se mêle autant d'animosité que de dégoût. Elle poursuit d'une voix froide dont je ne l'aurai jamais pensé capable un jour.

— Ouvre les yeux, Ly ». Tout le monde hait les Aubeclaire. Rien que ta présence à l'Arcaneum nous insulte.

— Q-qu'est ce qu-

— Je n'ai pas fini, me coupe-t-elle. Tu voulais des explications par conséquent, écoute-les jusqu'au bout.

Ma gorge s'assèche. Se tenir debout, en cet endroit, se transforme en un exercice pénible. Le sang qui circule dans mes veines me brûle. Des sons étouffés, des images floues se battent contre les parois de mon crâne. La foudre de l'Oldag s'abat sur moi.

— Ta mère a comploté avec un groupe de rebelles pour renverser l'Empire de Nox. Son inconscience a failli causer une guerre sans pareille ! Le poids des remords de mes citoyens pèse au moins aussi lourd que celui de votre culpabilité. Alors, penses-tu vraiment que j'entretiendrai des liens d'amitié avec la fille d'une criminelle telle que toi ?!

Les inculpations résonnent dans mon esprit comme un coup de tonnerre. Mes yeux se remplissent de larmes, mais je refuse de les laisser couler. Je serre les poings, emplie de hargne. Mon venin se mêle à ma salive, et la réplique acide jaillit de mes entrailles.

— Comment oses-tu ? proféré-je, la voix tremblante. Le jugement de ma mère s'est basé sur de simples rumeurs ! Je me battrai pour prouver son innocence. Un jour, toi et tous ceux qui ont accusé abusivement les Aubeclaire, vous le regretterez amèrement.

— Ly », ma chérie... Tu ressembles à un poisson hors de l'eau, agonisant. Ni l'Empire, ni Soleste, et encore moins l'Arcaneum ne souhaitent la présence d'une parjure ici. Pars, avant que quelqu'un d'autre te le fasse comprendre de manière moins cordiale.

Sa fausse sollicitude me révolte. Son air supérieur semble me plaindre et me rabaisse d'autant plus. De l'extérieur, on pourrait presque croire qu'elle éprouve de la pitié pour moi. Je serre les poings, rongée par l'injustice. J'articule chaque syllabe avec lenteur, comme pour m'en convaincre moi-même.

— Pour la dernière fois, ni moi ni ma mère ne sommes des traîtresses.

— Alors, explique-moi pourquoi a-t-elle vendu son cul à l'Insurrection ?

L'attaque perfide de Talya rompt les ultimes chaînes qui contenaient ma colère. Ma main s'élève en direction de sa joue... sans jamais la gifler. Une poigne ferme emprisonne mon avant-bras avec la résistance d'un roc inébranlable.

𝐍𝐎𝐂𝐓𝐔𝐑𝐍𝐄 ☾Où les histoires vivent. Découvrez maintenant