𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐈𝐈𝐈 - 𝐕𝐞𝐫𝐬𝐞𝐭 𝟐

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Il me dévisage avec un léger sourire aux lèvres. Ça ne présage rien de bon. Ma gorge se noue alors que je déglutis péniblement.

— À une condition, finit-il par lâcher.

— Laquelle ?

— Venir boire un verre avec moi.

Je manque de m'étouffer avec ma propre salive, surprise par sa proposition. Est-ce une blague de mauvais goût ? Non, il a l'air sérieux. Je reste muette, les bras ballants. Un air narquois flotte sur son beau visage.

— Tu me chauffes l'instant d'avant mais tu te décourages juste après ? me nargue-t-il.

— L'armoire n'était qu'une malencontreuse coïncidence ! m'insurge-je avec véhémence.

— Ok, ok, j'arrête de t'embêter avec ça, abdique-t-il enfin avec les mains levées en signe de paix. Rassure-toi, je plaisantais. De toute façon, tu n'es pas trop mon style...

— Sympa, ça donne envie d'accepter.

— Rhooo, quelle susceptibilité. Bref, j'ai besoin de l'aide d'une inconnue pour organiser une surprise à un ami. Je t'offre un verre en échange de ta coopération en toute discrétion.

Les avantages alléchants me séduisent vite. J'obtiens l'approbation de mon parrain et une boisson gratuite de surcroît ! Comment refuser une offre pareille ?

— Deal, mais ne fais pas trop le malin où j'exigerai le plus cher des cocktails de la carte en guise de salaire.

— Promis ! jure-t-il, mains levées, avec une moue d'ange innocent.

Je hausse les yeux au ciel devant toute cette comédie. Il ne perd pas une seconde de plus et m'invite à le suivre. C'est à la suite de quelques couloirs que nous arrivons à destination. Tant ce que j'y découvre m'estomaque que je manque de m'affaler de tout mon long. Heureusement, je me rattrape de justesse à l'une des imposantes colonnes. Mes mirettes ébahies grimpent l'interminable tronc de pierre. À sa cîme, le plafond s'anime d'une fresque magique, en perpétuel mouvement et aux teintes irisées.

L'œuvre d'art retrace, dans une boucle lente et envoûtante, l'histoire de l'Arcaneum. Une institution ancienne, bâtie dès le fondement de l'Empire de Nox dans le but de réglementer l'usage de la magie.

— Pas mal, hein ? rie Cassian devant mon ébahissement.

Je ne peux qu'affirmer en silence. Mon regard se perd dans l'enchevêtrement d'escaliers aux rambardes recouvertes de lys blancs. Un enchantement baigne les lieux d'une aura mystique, où des flocons de lumières arrosent d'une pluie fine la valse des étudiants. Un instant j'oublie ma motivation initiale. Jusqu'à ce que mes yeux se posent sur un tableau long de plusieurs mètres, accroché au mur d'en face.

"La nuit et le jour coexistent sans y résider."

La toile, toute en verticalité, dépeint des terres ensoleillées qui s'entremêlent avec un royaume où les horloges ne connaissent que les heures les plus sombres.

"Ses habitants y vivent pour l'éternité."

La gouache emprisonne dans ses pigments de riches commerçants, bourgeois et paysans à la peau gorgée de zénith qui s'incline sous les visages graves de soldats, vêtus d'armure en lunargent. Un cadre en or scelle l'union des royaumes sous l'impitoyable étendard de l'Empire noxien.

"À jamais figés dans leur cage dorée.»

— Cassian, regarde ! m'exclamai-je, fière de ma trouvaille.

— Le tableau de l'Union... ? Oh mais oui ! confirme-t-il avec un enthousiasme qui lui creuse de charmantes petites fossettes. T'es pas aussi bête que tu en as l'air en fin de compte !

𝐍𝐎𝐂𝐓𝐔𝐑𝐍𝐄 ☾Où les histoires vivent. Découvrez maintenant