𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐈𝐕 - 𝐕𝐞𝐫𝐬𝐞𝐭 𝟑

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À mon tour de m'incliner dans sa direction. Quelques mèches rebelles s'évadent de leur attache pour glisser le long de mon épaule.

— Parce que tu as vu un autre candidat pour le poste ?

— Juste devant toi, oui.

Je n'en crois pas mes oreilles. En même temps que le silence de plomb tombe l'arrivée des plats. Muette comme une carpe, j'assiste à la disparition de la table sous des assiettes remplies de victuailles alléchantes.

Un filet d'éponelle, revenu dans sa sauce à base de cacahuète, s'accompagne d'un potimarron de saison. Des côtelettes de Longduvard, cuites à la braise, s'érigent aux côtés d'une barquette de frites maison. Une julienne de légumes d'automne, mijotés dans une grande marmite avec herbes provençales, se dresse sur un lit de fromage et d'épices sylviennes. L'arc-en-ciel de breuvages curieux égaye l'ensemble d'une touche colorée.

Les quantités astronomiques du festin s'enrobe d'un savoureux fumet. Pourtant, ma fourchette ne pique pas le moindre aliment. Mon attention se focalise sur l'homme assis en face de moi, qui sirote, en toute innocence, une gorgée de sa boisson écarlate.

— Ça va refroidir, qu'est-ce que tu attends ? me lance-t-il, comme si de rien n'était.

— J'attends, Cassian, que tu m'expliques pourquoi tu fais tout cela, répliqué-je résolue à ne pas lâcher l'affaire cette fois-ci.

— Faire quoi ?

Il prétend ne pas comprendre. Mes traits se tordent d'une grimace agacée. Ai-je l'air si idiote pour qu'il se permette une telle insolence ? À l'image du doute tenace qui agite mon for intérieur, ma voix s'empreint d'une note de méfiance.

— Récapitulons. Tu m'aides à valider cette première journée et moi, je te revaux ça en contribuant aux préparatifs de la surprise pour ton ami. Correct ?

— Oui, c'est bien ce en quoi nous avions convenu. Et alors ?

— Alors pourquoi ne demandes-tu pas un coup de main à quelqu'un d'autre ? Tu as si peu de camarades que ça ? Et pourquoi te proposer pour remplacer l'abruti qu'on m'a attribué ? Désolée de trouver cela suspect, mais je crois autant en Dieu qu'à la gentillesse gratuite.

L'un de ses sourcils s'arque. L'espace de quelques secondes, il me dévisage sans qu'un son ne traverse ses lèvres closes. Puis, la coupe entre ses doigts se repose en douceur sur le socle qui nous sépare. Je gigote sur mon siège, mal à l'aise de ce changement soudain d'ambiance. Entre son espièglerie moqueuse par moment et son masque impassible à d'autres, je ne sais jamais sur quel pied danser en sa présence...

— D'accord, je vais tout te révéler, finit-il par céder. Il prend une grande inspiration et poursuit. À l'Arcaneum, les sorciers se classent en plusieurs grades.

— Ces titres ont un rapport avec l'étoile ? m'enquis-je en désignant la broche à sa cravate noire.

— Exactement. Du bronze pour les Aspiranciers, de l'argent pour les Ensorceleurs et de l'or pour les Archimages. Comme tu le constates, j'appartiens au second, ajoute-t-il en jouant avec le bijoux stellaire.

J'acquiesce et prends conscience de l'écart entre nos deux parcours. Cassian semble de mon âge et, pourtant, sa carrière dans le monde magique se révèle bien plus avancée que la mienne. Il poursuit, de sa voix posée.

— Depuis que j'ai été promu, l'Arcaneum insiste pour que je devienne mentor à mon tour. Jusqu'à récemment, j'ai toujours trouvé une raison pour refuser les recrues qu'ils ont tenté de m'imposer... J'ai mieux à faire que de traîner un poids mort ! se justifie-t-il devant mon air déconcerté.

𝐍𝐎𝐂𝐓𝐔𝐑𝐍𝐄 ☾Où les histoires vivent. Découvrez maintenant