𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐈𝐕 - 𝐕𝐞𝐫𝐬𝐞𝐭 𝟏

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La disparition étrange du corbeau passe inaperçue, en comparaison du nom de la boutique que je découvre.

« La Bague-au-Doigts »

Ma magie frémit dans le courant de mes veines. C'est ici que je vais me procurer un anneau enchanté. La vitrine opaque, encombrée de bijoux ensorcelés, ne laisse qu'un faible avant-goût de ce qui se trame à l'intérieur. Sur la poutre vernie, au-dessus de la devanture, devait se lire le slogan du commerce. Hélas, un trait de peinture rageur m'empêche de le déchiffrer. Je pousse le lourd battant en chêne pour rentrer dans ce royaume d'orfèvre.

Une pénombre poussiéreuse me saute à la gorge. L'odeur de vieux bois, aussi réconfortante que mystérieuse, chatouille mes narines. Je m'avance à tâtons, avant de m'habituer à l'obscurité. Quand, enfin, je discerne plus loin que le bout de mon nez, je découvre un labyrinthe de lambris et parquet. Toutes sortes de pierres et roches précieuses s'arrangent dans des paniers tressés. Je m'approche par curiosité de l'un d'eux et aperçois une note qui détaille ses propriétés merveilleuses.

Mes semelles m'emmènent dans une seconde section. Cette fois-ci, divers métaux et alliages des quatre coins du monde reposent dans des coffrets entassés. Du lunargent, de la dragonite ou également de l'orbois... Tant de dénominations inconnues, sur ces étiquettes, qui précisent par la même occasion leur conductivité de magie. Plusieurs descriptions se succèdent, telles que « grand catalyseur », « amplificateur modéré » ou encore « atténuateur indéniable ».

— Puis-je vous aider ?

Je rate de peu la crise cardiaque. À mes côtés se trouve un quinquagénaire au chapeau melon et à l'embonpoint avenant. Son air jovial s'accompagne d'une élégante moustache. Sa question inattendue me prend de court.

— J-je... balbutié-je, avant de me rappeler la raison de ma présence ici : Je souhaite acheter une bague...

Mon incertitude lui arrache un sourire. Le grassouillet, que j'identifie comme le vendeur, ouvre ses bras et englobe d'un geste l'intégralité de son échoppe.

— Vous êtes au parfait endroit ! Monsieur Guy de Braveguet, pour vous servir, se présente-t-il avec une révérence. Vous devez être cette fameuse Lyria Aubeclaire ?

— Oui, en effet, mais comment le savez-vous ?

Deux serres s'agrippent à mon épaule en guise de réponse. Un croassement familier confirme mes craintes. Ce satané corbeau !

— Eh bien, on m'a prévenu de votre arrivée, pardi ! Allons, allons, ne perdons pas plus de temps et commençons.

Monsieur Braveguet s'équipe d'un singulier monocle. Derrière sa petite loupe circulaire, il me scrute de la tête aux pieds, au point que j'en deviens mal à l'aise. Quelques grommellements dans sa barbe me parviennent. Des mots qui me laissent perplexe, tels que « étrange » ou encore « je n'avais jamais observé d'aura pareille ». Quand, enfin, il se redresse, sa mine soucieuse ne présage rien de bon.

— Un problème ? m'enquis-je, peu rassurée.

— Comment vous expliquer...

— Je vous écoute ? insisté-je tout en gesticulant pour déloger l'oiseau de malheur qui prend mon épaule pour son nouveau perchoir.

Au lieu de me répondre tout de suite, il retire le verre qui couvrait son œil. Il l'essuie, pensif, à l'aide d'un mouchoir en tissu tiré de sa poche. Je pourrai presque voir de la fumée sortir de ses oreilles. Au bout de quelques secondes, il secoue la tête et retrouve sa gaieté de façade.

— Non, je dois sûrement me tromper, jeune fille ! Débutons plutôt ! Tout d'abord, nous devons déterminer l'alliage qui permettra la circulation optimale de votre magie !

𝐍𝐎𝐂𝐓𝐔𝐑𝐍𝐄 ☾Où les histoires vivent. Découvrez maintenant