Chapitre III

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- Augustin ! Augustin ! criait Laura. Regarde Lilith ! Elle fait voler de l’eau !
   Augustin fut tiré de son sommeil par les cris de la plus jeune de ses sœurs. Il s’était endormi hier peu après la fin de la conversation avec son nouveau conseiller. Mais sa fatigue à lui n’était pas partagé par les trois autres fillettes qui se levaient toujours aux aurores. Ce matin, à travers quelques trous dans la terre, des petits rayons d’or éclairaient doucement la grotte. Une brise légère rafraichissait l’intérieur. Il était tôt. Peut-être six ou sept heures du matin. Mais cette heure matinale ne semblait pas déranger plus que ça les petites qui sautillaient dans tous les recoins. Il était vrai que cela faisait déjà deux jours qu’ils se cachaient sous terre. Cela devait peser sur elles de ne plus voir l’extérieur.
   Pas loin de lui, Laura applaudissait, accompagné de grands cris de joie devant l’exploit de sa grande sœur. Cette dernière essayait avec brio de faire flotter des petites gouttes d’eaux en lévitation. Un peu plus loin, Aurore mélangeait quelques herbes dans un pot. Une petite explosion la fit sursauter et une fumée noire s’en échappa. Dans le plus grands des silences, Simon retira la coupe, la nettoya à l’aide d’un seau d’eau et lui redonna la coupe avec de nouvelles herbes.
- Essaie d’écraser un peu plus la jacinthe et de réciter la formule pendant ta création, au lieu de la faire juste après, lui précisa-t-il seulement.
   Puis son attention se reporta sur les deux autres petites filles. Il se dirigea vers les petites doucement.
- Bravo Lilith, la félicita le vieil homme. Tu t’es bien améliorée depuis que tu as commencé. Continue comme ça et on pourra passer bientôt à l’étape du dessus.
   Augustin ne resta pas plus allongé et alla voir ses sœurs. Laura lui sauta dans les bras dès qu’il s’approcha d’elle. Elle le serra très fort dans ses bras comme si cela faisait très longtemps qu’ils ne s’étaient pas vus. Augustin fit de-même. Puis, il alla se renseigner sur ce que préparaient ses sœurs. Chacune d’elles faisait ce qu’elle aimait. Lilith qui avait toujours aime jouer avec de l’eau s’amusait à faire l’éviter tant bien que mal de l’eau. Et Aurore qui étudiait les plantes depuis son plus jeune âge les utilisait pour en faire des mixtures. Laura qui était un peu jeune pour tout cela, se contentait de regarder un livre constitué d’image quand elle ne regardait pas ses deux grandes sœurs. De temps en temps, un mot sortait de sa bouche comme par exemple «yéti», les grands animaux souvent blancs même s’il est possible d’en voir des bruns, qui vivent seul dans les montagnes. En croiser un peut signifier la mort si on n’a rien pour se défendre.
   Augustin encouragea chacune d’elle qui donnait son maximum pour réussir dans sa discipline.
   Au bout d’une demi-heure de travail acharné, le vieux conseiller tapa dans ses mains, signifiant la fin de leur travail matinal. Entre temps, Augustin avait entrepris de lire un énorme bouquin sur les différents arts magiques.
   Tous les enfants s’affalèrent sur la table. Mais leur fatigue n’était que passagère car, à peine eurent-ils commencés à manger quelques baies que Simon était parti chercher dans la forêt le matin-même, ils commencèrent à expliquer ce que chacun faisait. Lilith expliqua toute guillerette qu’elle essayait de faire de la magie avec de l’eau pour créer des illusions ou des écrans d’eau pour se cacher comme faisait le vieil homme. Aurore quant à elle essayait tant bien que mal de maîtriser l’art des plantes ainsi que leur magie. Chaque assemblage de plantes, écrasés ou mélanger différemment donnait quelque chose de nouveau. Et si en plus on rajoutait une formule à cette potion, les effets pouvaient être encore plus puissant ou même change du tout au tout. Enfin, Laura se contentait d’apprendre à lire. Pour cela, le vieux conseiller lui avait dégoter un livre sur les espèces qui peuplaient ce continent. Le jeune homme était impressionné par les talents de ses sœurs. Laura apprenait à une vitesse folle et, au bout de deux jours, elle savait déjà lire. Le troisième jour, Simon lui apporta un livre sur les langages runiques. D’autres langues très importantes que ce soit dans ce royaume ou dans les autres mais aussi sur tout ce que régit la magie. Lilith arrivait maintenant à faire voleter deux boules d’eau et même de donner une forme à certaines d’entre elles. Mais celle qui avait fait le plus de progrès en deux jours était certainement Aurore. Elle savait désormais citer tous les noms de plantes existant dans ce monde. Elle savait les reconnaître et les utiliser à leur juste valeur. Ses potions sans magie avaient un pouvoir incroyable. Elle s’entraînait maintenant à utiliser quelques mots magiques pour donner de la puissance à ses créations.
   Augustin ne se sentait plus très fort à côté de ses sœurs. Il se demandait souvent s’il arriverait à les protéger avec le talent qu’il avait. Mais très vite il se souvint que dans tous les cas il devait progresser. Il avait toujours promis à ses parents de veiller sur elles. Alors il devait y croire. Lui aussi travaillait dur après tout. Même si ses sœurs étaient remarquables, il ne fallait pas oublier leur jeune âge. Le jeune homme, qui grandissait à vue d’œil non pas en taille mais en connaissance s’améliorait lui aussi de jour en jour. Son emploi du temps était très précis. Le matin avant le petit déjeuner, cours sur la magie et son histoire. Après le petit déjeuner, cours pendant une heure sur les gardes lois régissant le monde. Puis cours de géographie pour savoir de repérer. Puis cours sur les autres royaumes princiers. Selon Simon, il devait connaître parfaitement chaque personne royale encore sur le trône. Si son voyage aboutissait, il serait dans l’obligation de tous les connaitre et de les rencontrer au moins une fois par an.
   Puis, une fois que tous ces cours étaient terminés, il passait le reste de la matinée à méditer sur son énergie intérieure. D’après son vieux conseiller, chaque être est doté de magie, plus ou moins puissante. Pour la révéler, il suffit de connaître des formules et d’y croire. Ensuite, il y avait l’énergie intérieur que tout le monde n’a pas. Et c’est cette énergie que le jeune homme devait s’efforcer de travailler. Enfin, dans l’après-midi, Augustin s’initiait avec ses sœurs aux bases de la magie défensive et offensive. Des tours simples qui pouvaient les protéger. Puis le soir, avant de se coucher, il apprenait les bases d’un combat sans magie. Il s’entraînait contre le vieux conseiller qui était bien plus agile que ce qu’on pourrait penser. Enfin, Augustin pouvait aller se coucher après quelques étirements pour éviter les courbatures. Pendant ce temps, il entendait le vieil homme lire une histoire aux deux plus jeunes qui, souvent, finissaient par glousser devant les mimiques du conseiller. Enfin, Augustin s’endormait après avoir entendu l’homme souhaiter une bonne nuit à chacun des enfants et embrasser les trois petites filles sur la joue.
   Quand il voyait cela, Augustin ne pouvait s’empêcher de penser aux habitudes de ses parents. Son père qui leur lisait toujours une histoire et sa mère qui les embrassait toujours en promettant de toujours veiller sur eux. Chaque soir, cette pensée lui faisait mal au cœur. Mais souvent, au bout d’un moment, une petite lumière s’allumait et il distinguait le visage du vieil homme regarder les enfants assoupis. Après tout cet homme avait connu son père. Et il était aussi vrai qu’il avait promis de veiller sur eux à la place de ses parents. Il avait finalement tout de rassurant. Ils les aidaient, les entraînaient, leur apprenaient tout ce qu’il fallait et les protégeaient. Finalement cet homme était vraiment rassurant. Un peu comme un deuxième père pour les enfants. Et augustin s’endormait sr cette dernière pensée en générale.
   Au bout de deux semaines avec chacun son entraînement et dans le noir de la caverne, le vieil homme décida de les amener dehors après un rappel des règles de sécurité.
- Restez près de moi. Les bêtes présentes aux-alentours sont encore trop puissantes pour votre niveau. Ensuite, écoutez-moi à la lettre. S’il y a des choses que je vous interdits, c’est pour une bonne raison. Laura, tu dois rester à côté de moi tout le long de cette sortie car tu es vraiment jeune. Mais tu m’aideras avec Lilith aussi à cueillir et à reconnaitre la nourriture que vous pouvez manger. Pour commencer, vous aller apprendre à entendre venir les bêtes. Il vous suffit de vous concentrer sur l’extérieur et d’écouter. Ensuite, nous apprendrons à marcher sans bruits et à écouter l’extérieur. Bien, commençons.
   Puis, le vieil homme tapa dans ses mains et les enfants commencèrent leurs exercices.
   Pendant plusieurs semaines les enfants s’entrainaient, chacun à son rythme. Les quatre enfants savaient marcher et courir sans faire le moindre bruit. Chacun des enfants savaient reconnaitre ce qu’il pouvait manger ou non, ce qu’il pouvait toucher ou non. Ils savaient entendre les animaux arriver. A côté de cela, chacun améliorait sa magie de façon spectaculaire. Laura fêta son anniversaire dans cette petite grotte. Le petit groupe était très content de faire la fête et, à l’occasion des six ans de la petite, Simon aida Augustin à aller en vile lui acheter un gâteau et un petit cadeau. Il lui acheta une broche à accrocher dans ses cheveux, avec des petites fleurs et acheta à chacune de ses sœurs des habits propres pour que chacune d’elle ait une belle tenue.
   Les quatre enfants et le vieux conseiller firent la fête toute la soirée. Ils ne s’étaient jamais autant amusés depuis des mois. Cela fit beaucoup de bien à toute la petite troupe.
   Encore et encore, les quatre enfants progressaient, jusqu’au jour où le vieil homme prit une grande décision.
- Bon, cela fait deux mois que vous êtes ici. Vous progressez et grandissez à toute allure. Mais cela ne peut plus durer. On ne peut pas se cacher toute une vie. Augustin, quel est ton choix sur la suite des événements ?
   Le jeune homme prit un petit temps de réflexion. C’était la première fois qu’on lui demandait ce qu’il voulait faire. D’habitude, ses parents prenaient toutes les décisions pour lui. Mais bizarrement, ou peut-être par chance, Augustin savait plus ou moins déjà ce qu’il voulait. Il savait que s’il voulait protéger ses sœurs, il devrait prouver qu’il en était capable, ce qui signifiait soit les faire garder jusqu’à sa majorité ou alors, faire son rôle, celui qu’il a toujours renié depuis sa naissance.
- D’accord, alors je voudrais protéger mes sœurs. Et pour ça, je ne vois qu’une solution.
   Augustin planta son regard dans les yeux bleus du vieil homme, luttant contre l’envie irrépressible de fuir et d’oublier sa déclaration. Ce dernier sourit si fort que cela était retranscris dans son regard.
- A la bonne heure mon cher, s’exclama le vieux Simon, ravi.
   Puis, comme un code, il s’inclina devant le jeune prince.
- Heureux de retrouver un prince.
   La semaine qui suivit, tout le monde se préparait au départ. On rassemblait des herbes de tout type, mais aussi de l’eau et des provisions de toutes sortes. Puis, le samedi de cette même semaine, ils partirent tous de la grotte. Leur premier arrêt, leur ancienne maison pour récupérer un livre qu’Augustin n’avait pas pensé prendre et peut-être d’autres objets.
   Il leur fallut deux jours pour arriver jusque dans leur ancienne ville. Là, devant leur maison, se tenait une pancarte « à vendre ». Il fallait s’en douter. Alors qu’Augustin allait rebrousser chemin suivit de ses sœurs, un cliquetis le fit se retourner. Dans l’encadrement de la porte, fermé à double-tour il y a un instant, se tenait le vieux conseiller qui s’engouffrait sans peine dans la bâtisse.
- Alors, vous me suivez ?
   Le doute se dissipa très vite dans l’esprit du jeune homme. Il entra à son tour dans la maison. Il balaya du regard l’espace devant lui. Rien n’avait bougé. Le canapé, la lampe et la petite table du salon y était toujours. Seuls les photos et les objets personnels avaient disparus. Il continua à marcher dans la maison. Il n’avait pas l’impression de revenir chez lui. La maison était froide et sans vie. Il s’avança jusqu’à la porte de la chambre de ses parents et l’entrouvrit. Elle grinça légèrement. Quand il décida de finalement rentrer dans la pièce, un torrent de lumière se déversa dans le couloir. La chambre était bien plus lumineuse que dans ses souvenirs. Il passa sa main sur la couverture grise. Un pli se forma comme si un corps venait de s’installer sur la couverture immaculée. La chambre était parfaitement rangée et propre de toure poussière. Personne ne devait être revenu dans cette pièce depuis le grand ménage qui avait dû être fait pour préparer la maison à la vente. Pour ne pas rester dans cet état de déprime, il quitta la pièce en grande hâte.
   Ses petites sœurs étaient toutes montés dans leurs chambres. En haut aussi, à part les photos, les dessins et les sacs, rien n’avait réellement bougé. Certains jouets étaient même restés en place. Augustin alla sur son lit. Il était si bien fait contrairement à d’habitude. La couverture, soigneusement remise en place, l’oreiller regonflé sur le haut du lit et une couette repliée au niveau des pieds.  Par nostalgie, il se baissa pour regarder sous le lit. Un peu plus loin, il y avait un petit creux dans le mur où, plus jeune, il avait caché un petit coffre avec ses affaires les plus précieuses et tout ses secrets. Il avait oublié de la prendre le soir où il avait quitté la maison et, même sans y croire, il se demandait si quelqu’un avait récupéré son coffre ou si personne ne l’avait vu.
   Il eut alors une énorme surprise en voyant la boite soigneusement rangée dans le creux du mur au même endroit qu’il l’avait posé des semaines auparavant. Il la récupéra, la dépoussiéra et l’ouvrit délicatement comme si elle contenait le trésor le plus précieux du monde. A sa grande déception, il était vide. Il ne se souvenait pas de l’avoir vidé mais il n’y avait plus rien. Sauf, une feuille. Une petite feuille pliée en quatre qui tomba à ses pieds. Augustin reposa le coffre en place et se releva, la feuille dans les mains. Il redescendit les escaliers et rejoignit tout le monde dans le salon. Il était temps de quitter la maison. Juste avant, ils remplirent leurs gourdes, récupérèrent des affaires propres, prirent une douche et quittèrent la maison. La première nuit, ils la passèrent tous ensemble dans un petit hôtel à proximité de leur ville. Augustin profita de la soirée pour ouvrir le bout de papier qu’il avait conservé dans sa poche. Quand il ouvrit le morceau, un autre petit papier tomba au sol. Avant de le ramasser, il lut le premier.
« Mon grand garçon, nous aurions préférés vous le dire de vive voix mais il est déjà trop tard, n’est-ce pas ? J’imagine Augustin que tu es au courant de tout. Peut-être as-tu déjà rencontré Simon. J’espère qu’il ne t’a pas fait peur mais plutôt qu’il a commencé à t’apprendre les bases de la magie. Je sui vraiment désolé de mettre un tel poids sur tes épaules. Pardonne-moi, j’aurai dû t’en parler bien avant. Des gens pourront t’aider. Principalement le village indiqué sur la carte avec ce bout de papier. Va les voir au plus tôt. Ensuite, prend le livre que nous t’avons offert quand tu avais huit ans. Il pourra prouver ton appartenance même si je crains que ça ne suffise pas. Enfin, fais bien attention. Des gens veulent notre mort. Même s’ils nous ont déjà eu, ils voudront la vôtre aussi. Les gens trompent pour accomplir leurs intérêts même si ça les amène à tuer des enfants. Augustin chéri, veille bien sur tes sœurs pour qu’elles grandissent dans la paix. Aurore, Lilith, Laura, nous vous aimons du plus profond de notre cœur.
Les enfants, nous vous disons adieu et bon courage pour votre vie. Vous allez continuer sur votre chemin de vie. Profitez-en du mieux que vous pouvez, aimez-vous autant que l’on vous aime.
Papa et Maman qui ne vous oublieront jamais et qui vous aime de tout leur cœur. »
   Quelques perles roulèrent sur ses joues.
- Je vous promet de toujours les protéger, chuchota-t-il dans sa chambre. Je vous promets qu’il ne leur arrivera jamais rien, je serais toujours là pour elles.
- Il ne faut jamais promettre quelque chose qu’on n’est pas sûr de tenir, surtout quand on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve.
   Augustin se retourna pour voir le vieux conseiller dans l’embrasure de la porte. Le jeune homme sécha ses yeux embués, renifla un bon coup et ramassa à la hâte la carte tombée à terre.
- J’ai trouvé un mot de mes parents avec une carte, répondit-il seulement pour changer de sujet. Ils m’ont dit que je devais aller dans ce village. On part quand ?
   Le vieil homme haussa seulement les épaules et tendit la main pour récupérer la carte. Il l’analysa pendant quelques secondes.
- Ainsi donc, ton père t’envoie là-bas. Eh bien allons-y alors.
   Puis, il quitta la pièce, emportant avec lui la feuille.
   Le lendemain, le petit groupe partit pour l’endroit désigné sur la carte. Aucun des quatre enfants ne savaient réellement où ils se dirigeaient. Mais quelque chose était sûr. Ils recevraient plusieurs réponses à leurs questions. Plusieurs fois, les enfants essayèrent de tirer les vers du nez du conseiller sans succès. Cependant, ce qui, au début, s’apparentait à une très longue marche, fut plus rapide que prévue. Ils s’arrêtèrent à l’orée d’un bois si sombre et si dense qu’on n’y voyait pas à deux mètres devant. De grands arbres noirs se dressaient devant la jeune famille.
- Nous voilà arrivé ! s’exclama le vieil homme tout guilleret.
   Les deux fillettes se serrèrent l’une contre l’autre apeurées. Aurore attrapa la main des petites pour les rassurer. Simon pénétra dans la forêt en sautillant. Il disparut derrière une rangée d’arbre et la forêt sembla se refermer sur lui.
   Prenant leur courage à deux mains, les quatre enfants entrèrent dans la forêt à leur tour. Le soleil de l’après-midi disparut jusqu’à ce que plus aucuns rayons de lumière ne puissent les atteindre. Autour d’eux, les grands arbres semblaient se mouver pour les entourer. Des petites tâches, de la tailles d’yeux apparaissaient et disparaissaient dans tous les sens.
- Simon ? risqua Augustin d’une petite voix. Vous êtes là ?
  Aucune réponse ne vint. Un hululement d’oiseau se fit juste à côté des jeunes enfants. Ils se retournèrent pour voir la bête mais ne virent rien. Même l’endroit par lequel ils étaient entrés n’était plus visible. Pourtant, ils n’avaient fait que quelques pas dans cet antre démoniaque.
Quelque chose s’accrocha alors à l’épaule du jeune garçon. Il n’osa pas se retourner ni bouger. Il ferma les yeux et retint sa respiration, attendant la fin.
- les enfants ! restez près de moi. Il y a des bêtes dangereuses par ici.
   Après la surprise passé, Augustin se retourna, peinant à reprendre son souffle. Il se sentait mieux. Simon était de retour à ses côtés.
- Où sommes-nous ? demanda Aurore peu rassurée malgré le retour du vieillard à leur côté.
- Dans la forêt des Ombres, lui répondit Simon. Cette forêt est connue comme la plus vaste et possédant le plus de race d’animaux différents. Nous sommes venus chercher notre moyen de transport.
- Il est dit que cette forêt rassemble les animaux les plus dangereux sans compter les espèces qu’on pense avoir disparus comme les dragons, expliqua Laura de sa voix fluette. J’ai lu quelque qu’on pouvait trouver des Trisquellions et des Dromerias Grandes Dents. Je ne sais pas si c’est vrai mais si on les croise, on sera en véritable danger.
   Augustin ne connaissait pas tout ces noms de bêtes mais il n'avait, en cet instant aucune envie de le savoir.
- Cette petite a raison. C’est pourquoi je vous ai prévenu qu’il fallait rester près de moi. Bon allons-y, nous n’avons pas toute la journée.
   Le petit groupe se mit en marche dans cette sombre forêt. Autour d’eux, des ombres se mouvaient jusqu’à les frôler. De temps en temps, l’une des trois petites filles poussaient un petit cri aigu. Des grincements de dents se faisaient dans tous les sens. Après ce qui sembla des heures de marches, Le vieil homme s’arrêta.
- Nous sommes arrivé, marmonna-t-il.
  Les quatre enfants observèrent autour d’eux mais ne virent rien de changer. Tout était encore noir et les silhouettes se soulevaient toujours autour d’eux. De longues branches tombaient pourtant devant eux comme un très long rideau.
   Simon poussa le rideau de branches, laissant entrer une lumière aveuglante. Tout autour des enfants, des piaillements leur parvinrent tandis que les ombres disparaissaient.
  Une grande clairière se tenait devant eux, baignée de soleil, pleine d’herbes verdoyante. Ce lieu ressemblait à une île au milieu de la mer, une oasis au milieu du désert. Puis, ce qui surprit les enfants furent les animaux présents dans ce paradis verdoyant. De grâcieux chevaux de toutes les couleurs gambadaient et broutaient dans tous les sens. Ce qu’il y avait de plus surprenant, était la corne que chacun d’eux portaient au milieu du front.
- Des licornes, chuchota Aurore, émerveillée.
   Les bêtes d’une grande grâce les observèrent pendant un court moment avant de reprendre leurs activités.
- Voilà notre moyen de transport, déclara Simon, enfin, si vous arrivez à les amadouer.
   Augustin resta interloqué après la déclaration du vieil homme. Comment ça amadouer ? Comme si le conseiller lisait dans les pensées du jeune homme, il s’avança vers l’un des chevaux et commença à lui parler.
- Bonjour mon cher, je souhaite aller avec ces quatre enfants sur Bildingarm. Auriez-vous l’amabilité de bien vouloir m’emmener ?
   Le cheval sembla regarder Simon avant de détourner le regard désintéressé par cet homme qui lui racontait n’importe quoi.
- Voyons Simon, dit Augustin, les chevaux ça ne parle pas.
   Comme pour réagir à sa phrase, le cheval releva la tête et s’approcha près du garçon la tête haute.
- Tu n’aurais pas dû dire ça, souffla Lilith, Laura m’a dit la dernière fois que les licornes étaient très susceptibles. Je ne l’ai pas cru car les licornes sont très rares mais cette licorne a l’air assez fâchée.
   Augustin devait bien reconnaître que cette licorne avait l’air assez encolère. Il ne s’était pas douté un seul instant que ces chevaux pourraient les comprendre et encore moins être irrités. Devant lui, le cheval se dressa bien haut et aussi vite qu’un courant d’air, il enfonça sa corne dans le vêtement d’Augustin et l’entraîna de l’autre côté de la clairière, là où les arbres reprenaient place.
   Le garçon poussa un cri strident tandis que les trois fillettes effarées commencèrent à courir après le cheval qui continuait son chemin à tout allure. Simon, lui, peu pressé, continuait de marcher à rythme assez lent, suivant doucement les quatre enfants et saluant de temps à autres les animaux qui mangeaient toujours sur la pleine.
   Après une course effrénée, la bête s’arrêta derrière une rangée d’arbre qui séparait la clairière de la forêt. Augustin ne se rendit pas compte dans un premier temps qu’il était de retour dans la forêt tant la clarté du lieu était impressionnante. Là aussi, de grands arbres se dressaient tout autour de lui. Mais ils ne semblaient plus sombres. Au contraire, ils verdoyaient et brillaient de partout. Des plantes grimpantes de toutes les couleurs couvraient les arbres. De la mousse vert fluo prenait aussi de la place sur certaines rangées. Des oiseaux chantaient dans tous les recoins.
   Le cheval le lâcha et Augustin se releva. Bientôt, il fut rejoint par ses petites sœurs toute essoufflées et enfin, après quelques minutes par Simon qui avait ramassé quelques baies au passage.
- Bon, on va pouvoir demander plus rapidement, grommela le vieil homme.
   Simon pointa du doigt une petite alcôve sous un grand saule pleureur aux longues branches vertes tombant comme un rideau devant une licorne encore plus imposante. Son pelage brillait sous les rayons du soleil qui semblait descendre sur l’animal comme une lumière divine.
   Le cheval qui avait amené jusqu’ici le garçon, s’inclina devant la magnifique créature. Simon imita le cheval et força les quatre enfants à en faire de-même.
- Vous êtes en présence de la reine des licornes. Il faut lui montrer du respect surtout si vous voulez avoir de l’aide pour voyager.
   Augustin obéit sans être réellement sûr de comprendre ce qui se passait. A vrai dire, il ne comprenait pas vraiment comment un animal pouvait les comprendre.
- Vous êtes sûr que cet animal peut nous comprendre souffla Aurore au vieil homme. 
   Mais le conseiller ne répondit pas. Au lieu de ça, une voix douce mais ferme résonna dans la tête des enfants. Augustin crut avoir rêver. Mais, il eut de nouveau un mouvement de recul quand la voix recommença dans sa tête.
- Pourquoi doutez-vous de notre manière de parler ? Serait-ce parce que nous ne parlons pas avec des mots comme vous ? En tant que reine, je parlerais pour tous mes sujets. Nous ne parlons qu’aux gens qui le valent vraiment et seulement par télépathie.
    Augustin n’en revenait pas. Parler par télépathie. Il avait eu des cours sur les bêtes que l’on trouvait dans le monde au début de l’année. Mais il n’avait encore jamais entendu parler d’une espèce parlant dans les pensées.
- Bonjour alors, se présenta le jeune garçon. Je m’appelle Augustin Calty et voici mes sœurs Aurore, Lilith et Laura.
- Je sais qui vous êtes reprit la licorne. Je vous ai observé depuis le jour de votre naissance. Avez-vous quelque chose à me demander enfants de Matheio ?
- Permettez-moi de prendre le relai, s’avança Simon en parlant plus fort qu’Augustin qui ouvrait déjà la bouche. Si nous sommes venus c’est pour demander de l’aide pour rejoindre le village caché de Vülnfloret. J’aimerais atteindre la ville d’ici deux jours puisqu’ils sont à la recherche des enfants. Mais, à pied, nous en auront pour une semaine.
- Qui ça « ils » ? voulut savoir Aurore.
   Mais le vieux monsieur la coupa juste d’un geste de la main. Il scuta la licorne dans les moindres détails.
   Soudain, une détonation retentit à l’orée du bois. Dans les yeux de la reine des licornes, il n’y avait plus une once de supériorité mais seulement de la rage. Une rage immense qui envahit la bête. Elle se redressa de tout son long, faisant peur aux jeunes enfants.
- Vous les avez amenés ? s’enflamma-t-elle de colère. Vous avez mis en danger mon peuple ! Je en vous le pardonnerais jamais !
- S’il-vous-plait ma reine, essaya de calmer Simon. Jamais nous n’oserions.
   Mais elle ne l’écoutait pas. Partout, des cris de douleur des animaux fusaient. Augustin avait l’impression d’entendre les chevaux dans sa tête. Mais pas juste des hennissements mais des phrases avec des mots bien compréhensibles. Il n’eut pas le temps de s’attarder sur sa découverte. Déjà des gens faisaient irruption dans cette partie de la forêt. Simon tira les quatre enfants derrière lui et le jeune homme eut juste le temps d’apercevoir la dame qui l’avait accueilli à l’orphelinat accompagné de celle qui avait parlé de magie. Jasmine.
- Laisse-nous les enfants. Tu n’as rien à en faire. Moi j’ai de grands projets pour eux, expliqua Vanessa.
- Jamais, s’exclama Simon.
- Oh aller, ne soit pas bête ! Préfères-tu que ces bêtes souffrent ?
   Simon ne répondit pas mais fléchit ses genoux, mit ses mains en avant prêt au combat. Au moment où le combat allait commencer, la reine des licornes se mit devant le vieil homme. La corne sur son front brillait de toutes les couleurs.
- Comment osez-vous menacer mon peuple ? rugit de colère la belle jument. Comment osez-vous menacer les enfants de Matheio et Lana ?
   Augustin tressaillit au nom de ses parents. Il se demandait comment une licorne pouvait les connaître. Mais la phrase qui le fit déraper fut la réponse de cette Vanessa qui les avait gardés pendant plusieurs mois.
- Si je me suis débarrassé du roi et de la reine, ce n’est pas pour que les enfants prennent leur place.
   Augustin sentit la colère bouillir en lui. Il sentit monter en lui une énergie toute nouvelle qui ne voulait qu’une seule chose : sortir de ce corps. Sortir et tout ravager. Il ne voyait plus devant lui. Son champ de vision s’était rétréci. Il voyait seulement les deux femmes devant lui qui avaient assassinés ses parents ou du moins participés à leur disparition. Plus aucun son ne parvenait à ses oreilles. Un éclair sortit de son corps comme une pulsion. Juste avant que l’éclair sorte, il vit le vieux conseiller lui crier quelque chose mais il n’eut pas le temps d’analyser ses paroles. Le coup une fois partit, le fit reculer de quelques mètres. Les deux femmes en face de lui s’écartèrent sous la surprise. Le vieux conseiller se jeta sur le garçon et, de nouveau, Augustin perçut des sons.
   Tout le monde était allongé autour de lui. Une explosion retentit et les oreilles du jeune garçon sifflèrent.
   Quand, enfin il se releva, Augustin se rendit compte que la forêt était en feu. Mais la colère en lui ne s’était pas apaisée. Alors que de nouveau Augustin allait relâcher cette énergie,
- Stop ! Augustin contrôle-toi !
   Le vieil homme essayait autant que possible de calmer le jeune garçon que rien ne semblait arrêter. Mais cela ne changeait rien à l’avis du garçon. Ces gens avaient détruit sa famille. Ces gens détruisaient encore de nouvelles familles, des clans d’animaux. Il ne pouvait pas le tolérer plus longtemps.
   Mais avant qu’il puisse penser ou faire quoi que ce soit d’autre, l’homme l’attrapa par la taille et le fit grimper sur le dos d’un étalon à la robe noire, à la crinière et à la corne argentée. Simon monta quant à lui sur un autre cheval avec Laura qui se tenait fermement à la crinière noire d’un autre cheval et qui était attaché à l’aide d’une corde autour de la bête. Lilith et Aurore étaient toutes les deux attachées à une dernière licorne, à la corne de différentes teintes de verts et à la robe blanche.
   Puis, la reine des licornes hennit et les trois chevaux se mirent à galoper dans le bois, évitant de justesse les arbres qui se rapprochaient de plus en plus. Augustin ne distinguait que très peu ce qui se passait autour de lui. Les chevaux allaient de plus en plus vite. Augustin le vit. Un peu trop tard. La vitesse était telle que d’ici une seconde ils seraient dedans. Le grand arbre juste devant se rapprochait. D’un noir profond, il semblait déjà envelopper les enfants. Le jeune garçon ferma les yeux et serra encore plus fort la crinière de l’animal, prêt à se prendre l’arbre. Une seconde. Deux secondes. Trois secondes. Toujours rien.
   Il se risqua à ouvrir un œil et ne vit plus aucun arbre autour de lui. Il ouvrit le second en entendant des exclamations de joie de ses sœurs. Plus rien ne faisait penser à une forêt. C’est même bien simple, il n’était plus dans la forêt. Il était dans le ciel !  Simon riait devant les expressions émerveillées des quatre enfants.
- Maintenant que tout le monde est prêt, allons directement au village caché, continua de rire le conseiller.
   Les licornes tracèrent alors un grand arc-de-cercle et opérèrent un demi-tour. Pendant un temps, Augustin resta émerveillé devant la beauté du vol de ces animaux. Mais très vite, les cris des autres bêtes dans la forêt lui revinrent en tête. Juste à ce moment, ils passèrent au-dessus de la clairière d’où des hennissements de douleurs se firent entendre. Le feu se déployait sur tout le paysage. La colère réintégra son corps. Il commença à se tortiller sur le cheval manquant de tomber à plusieurs reprises.
- Augustin ! Arête de gigoter, cria Simon par-dessus le vent. Tu vas tomber !
- Non !il faut aller les aider ! on ne peut pas les laisser comme ça ! Ils sont en danger !
- ça suffit gronda l’animal sous lui. Ma reine nous protège tous et m’a confié la mission de vous mener à bon port.
   Augustin, surprit, s’arrêta de vociférer des ordres à l’étalon qui lui permettait de voler. Il lui semblait bien avoir entendu quelqu’un parler. La voix était trop grave pour que ce soit ‘une de ses sœurs mais aussi trop jeune pour que ce soit Simon. Le jeune garçon regarda autour de lui, s’attendant à voir quelqu’un, mais il n’y avait personne.
- C’est moi que tu cherches, ricana la voix. Je suis juste en-dessous regarde !
   Augustin se baissa mais ne vit personne. Comme la voix continuait de rire, Augustin chercha encore et encore. Puis, une lumière de compréhension traversait son esprit. Le cheval parlait.
- Eh bien, je vois que tu as enfin compris.
- Mais, enfin, comment ? balbutia le garçon.
- Laisse-moi me présenter d’abord. Nous avons un long voyage à passer ensemble. Je me nomme Orion, fils de Marianna et Onïus. J’ai cinq ans. Je suis un garde très proche de la reine. A vrai dire c’est ma tante !
- Cinq ans, s’étonna Augustin. Tu me parais bien jeune !
- Oui un peu ! Je ne dois pas être loin de ton âge !
- C’est impressionnant ! Mais dis-moi, comment fais-tu pour discuter avec moi sans passer par la pensée ?
- Je ne sais pas. Mais c’est la deuxième fois de ma vie ! Un monsieur m’avait compris aussi une fois il y a quelques années ! D’ailleurs, il te ressemble beaucoup ! Ma tante m’avait dit que seuls des êtres très spéciaux pouvaient le faire ! C’est ton cas !
   Les deux nouveaux amis continuèrent de discuter pendant des heures, le temps que leur trajet vers un nouvel endroit se fasse. Deux fois, le petit groupe s’arrêta pour se reposer et manger. Augustin, comme ses sœurs finirent par s’endormir sur le dos de leur monture une fois la nuit bien avancée et la fascination passé.

Prince un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant