4.8. AVRIL : "De nouveaux virus et de nouveaux hommes" (rapport V°4)

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4.8.

C'est Janvier, Avril n'est pas là.

Comme vous l'avez demandé, Schröd, nous avons approfondi l'enquête autour des éléments inquiétants. A l'origine, c'est quand même Avril qui a obtenu ces précieuses informations. Peut-être est-ce pour ça qu'il a tant de mal à s'en remettre ?

Je me sens tellement stupide de ne rien avoir vu. Oui, car hormis Avril et moi, visiblement, beaucoup était au courant. Même Mars, avec qui nous avons tenté de parler, sans réussite. Quand je lui ai dit que c'était à propos de « l'Hiver », il s'est fendu d'un « l'impulsion du seul appétit est esclavage, l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. »

Magnifiquement inutile. La philo, c'est bien, le concret, c'est mieux.

Cette histoire de drogue est l'arbre qui cache la forêt. Une forêt brûlée, où il ne fait pas bon y vivre, c'est clair. La question autour des drogues est en fait à propos des tranquillisants, pour la gestion des peurs, du Virus et toutes les formes d'addiction existantes. J'ai honte, nous avons obtenu des renseignements par celle qui m'avait refilée des clopes en échange d'informations, Claire.

Je ne suis pas meilleure que les autres... je n'ai jamais dit le contraire, ne me jugez pas Schröd, bordel ! J'avais besoin d'une clope, ou une taffe, je n'en peux plus ici ! La nana, c'est ce que nous pouvons appeler une survivante, une vraie. Dans son patelin, tout le monde est mort sauf elle. Elle les a vus espérer, s'entraider, se résigner puis s'entretuer.

Elle n'explique pas comment elle a pu être épargnée par la contamination, ou bien n'a-t-elle pas de symptômes ? Avril et les autres ont vérifié, aucune inoculation sans le savoir de ce qu'on pourrait apparenter à un vaccin efficace.

Pour survivre dans le chaos, Claire a compris le poids de la négociation. Comme le dit Septembre dans son langage d'économiste, la survie n'est pas dans la biologie, mais dans l'offre et la demande. Ou dit autrement : le Darwinisme social.

Vous voulez être épargné ? soyez important. Vous souhaitez être important ? devenez le rouage des échanges, qu'importe la marchandise.

En l'occurrence, ici, c'est la clope, le matériel pharmacologique, ou encore, oui, « l'Hiver ».

Encore une fois, Juillet réfléchit autrement. Tandis que nous recherchons tous un « quoi », un « pourquoi », ou un « où ». Nous étions dans l'erreur, Juillet a tout compris, et vite. Comme il nous l'a dit, la vraie question est toujours « comment », pour en venir à « qui ». Claire n'a rien dit à ce propos, mais ce ne fut pas utile. Juillet a vite trouvé la réponse.

La drogue « l'Hiver » est délivrée par Décembre.

C'était pourtant évident...

Maintenant que nous avons appris cela, il fallait lui en faire part et en discuter avec elle. Décembre n'est pas n'importe qui ici. Nous lui faisons confiance, c'est notre médecin, c'est mon bras droit, c'est... ma confidente -enfin, un truc du genre, vous voyez.

Décembre a invoqué que nous devions garder en tête qu'avant d'être ici une « Douze », elle est avant tout médecin. Un médecin est là pour soigner, et à défaut, gérer les symptômes des patients. Avril ne fut pas convaincu, Mai non plus. C'est la première fois que je les voyais en accord. Ça n'a pas duré longtemps, mais c'est pour dire !

Avec tout ce qui se passe, Avril devient lui aussi cynique, petit à petit. Juillet écoutait, observait, se gardait bien d'intervenir. Si Décembre est médecin, Juillet est policier, pas juge. Avril l'interrogea vivement, se demandant si elle avait choisi son rôle de médecin en tentant de soigner ou bien son rôle militaire en achetant la paix globale pour ne pas troubler notre mission.

Juillet le coupa avec un « Reste que maintenant, il faut choisir ». « Les laissons-nous se droguer et encourageons-nous cela ? permettant de calmer les comportements ? Car il est vrai que nous pourrions ainsi, via la dépendance, garder le contrôle et ôter les réactions, les désirs de liberté hors du Dôme comme vers les étages supérieurs. » Implacable. A croire que Juillet lit les intentions dans nos yeux.

« Non, a rétorqué Mai de manière affirmée, comme d'habitude en fait. Nous ne pouvons pas faire cela à des humains, si agressifs soient-ils. Les encourager à renoncer à la liberté, c'est renoncer à leur qualité humaine, aux droits de l'humanité, même aux devoirs. » J'ai maudit cette situation pour tout un tas de raisons. Nous parlions de Décembre, déjà. Il fallait intervenir sur les motivations des autres, leurs comportements, leur liberté. S'ils choisissent simplement de ne pas être libres ? que pouvons-nous y faire ?

Avril n'était pas d'accord avec moi et s'accordait donc avec Mai, comme je le disais. « Janvier, la liberté consiste moins à faire sa volonté qu'à ne pas être soumis à celle d'autrui. » Nous ne pouvons tolérer qu'un membre des Douze intervienne sur les capacités de raisonnement des réfugiés.

On a choisi d'évoquer la situation de Décembre dans une semaine, en mai, afin de ne pas retarder le rendu du rapport. En attendant, pendant les jours qui suivront la remise du rapport, nous lui avons fait la requête de rester à son étage, loin des accès aux SS et 7e. Inutile, elle s'était déjà mise en retrait depuis un petit moment.

Mais honnêtement, combien de jours tiendrons-nous complètement sans elle, sans ses connaissances, ses traitements ? combien de temps tiendrai-je... moi, sans elle ?

Hélas, je ne sais pas si l'inverse est vrai. Partage-t-elle des émotions sincères envers moi ? Je vais vous dire, Schröd, le problème est là et pas là. Disons même que toute cette histoire de « l'Hiver » est insignifiante à mes yeux. Je dois vous expliquer.

J'ai demandé à Juillet comment il avait su pour Décembre, grâce aux connaissances médicamenteuses, son souhait de soulager les personnes, de maintenir l'ordre ? Je me doutais de quelque chose, et que ce quelque chose n'avait rien à voir avec ces hypothèses. Je savais que ce quelque chose ne me plairait pas.

Il se méfiait de Décembre depuis le début. Je le savais. Je lui ai demandé si c'était parce qu'elle n'était pas non plus une « scientifique » pure, ou bien son rattachement à l'armée ? Non. Juillet s'est méfié du soutien sans faille de Décembre pour moi, me poussant ainsi à être la Cheffe.

Il n'a donc pas cru que c'était une question de béguin. J'ai préféré ne pas le questionner, il m'aurait encore -comme tous les autres- regarder avec pitié pour ma naïveté.

Et donc ?

C'est là qu'il m'a confiée sa trouvaille, celle qu'il ne diffusait pas tant qu'elle n'était qu'à l'état de soupçons...

« Décembre en sait plus qu'elle ne le dit. Elle n'est pas ici par hasard. »


Vous estimez que trop de temps a été perdu dans des considérations secondaires liées à la vie dans le Dôme. Il est urgent que Janvier réponde aux questions du mois d'avril liées au rapport mensuel (rendez-vous 🡪 4.10-1.)

V.12, de la FIN le DEBUT [Livre interactif - terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant