Chapitre VIII - ... tant que les mensonges ne cherchent pas à leurrer

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Les trois compagnons progressaient à travers la plaine en direction de l'ouest, leur allure modérée par la lenteur des pas d'Alric qui portait toujours péniblement son pesant baluchon sur l'épaule. Le visage marqué par la fatigue, il peinait à dissimuler sa douleur à mesure que ses jambes tremblaient sous le poids de son fardeau. Geralt, perché sur le dos d'Ablette, scrutait les environs avec méfiance, l'expression sombre et préoccupée, tandis que son esprit ne cessait de tourner autour des mystères évoqués un peu plus tôt par Kavka. Ce dernier, quant à lui, survolait le trio tout en laissant claquer des battements d'ailes puissants et réguliers. Son humeur morose contrastait avec l'énergie qu'il déployait pour maintenir son altitude. De temps à autre, il poussait un croassement exaspéré qui trahissait son irritation face à la lenteur de leur progression.

- Dis-moi Geralt, c'est quoi une ombre ? demanda Alric le souffle court.

- Aucune idée et c'est justement ce qui m'inquiète.

- Comment comptes-tu la combattre dans ce cas ?

- Si. Si, nous avons à la combattre, ajouta-t-il. L'existence de cette fameuse ombre ne repose que sur les paroles de cet oiseau. Rien ne prouve qu'elles soient véridiques, fit remarquer le sorceleur.

- Ce n'est pas une ombre, corrigea Kavka de sa voix nasillarde. C'est L'Ombre !

- Je persiste à penser qu'il serait plus judicieux de nous en dire davantage sur cet être qui inquiète tant tes amis les freux.

- Oh, tu voudrais en savoir plus ? répondit-il à Alric plein d'ironie. Et en quoi cela t'avancerait-il ?

- Il a raison, rétorqua le sorceleur, tu ne peux pas exiger que je me lance dans une chasse aux monstres sans la moindre préparation.

- Je vous l'ai déjà dit, je n'en sais pas plus que vous.

Geralt n'était clairement pas convaincu de l'ignorance de Kavka, mais il savait également que quoi qu'il dise, l'oiseau se cacherait sous ce voile d'ignorance qui rendrait impossible toutes exigences d'en savoir plus. Sur cette pensée, le sorceleur mit pied à terre. Un peu plus loin, il avait repéré des traces intrigantes, peut-être annonciatrices d'une créature rodant dans les environs. Afin d'éviter toute surprise, il décida de les examiner de plus près. Les voyageurs marquèrent une pause tandis que Geralt s'agenouillait pour étudier les marques. Ses doigts effleurèrent le sol avec une précision chirurgicale, traçant les contours d'empreintes légères et de petite taille, à peine perceptibles sous les brins d'herbe aplatis. Il demeura silencieux, se concentrant sur les indices à sa disposition, tandis qu'Alric et Kavka le regardaient avec curiosité. Le sorceleur se redressa finalement, le regard plus sombre encore. Il reprit la parole, s'adressant à ses compagnons : 

- Ces traces appartiennent à un enfant. D'après leur faible profondeur, il devait être très léger. La distance entre les empreintes suggère qu'il courait vers les terres plus profondes de Velen, à l'est. Elles sont récentes, datant de moins d'une demi-heure.

- Moins d'une demi-heure ? Comment diable peux-tu bien savoir ça simplement en regardant des traces au sol ? demanda Alric intrigué.

- Parce que les brins d'herbe écrasés, de l'Alpiste faux-roseau, ne se sont pas encore redressés.

Geralt, confiant en ses aptitudes de pisteur, décida de suivre les traces pour découvrir où elles les mèneraient. Ainsi, les trois compagnons reprirent leur route, désormais guidés par l'expertise du sorceleur. Ils cheminaient avec prudence, tous les sens aux aguets, en quête d'indices supplémentaires qui pourraient les renseigner sur la destinée de l'enfant et les raisons de sa course effrénée à travers ces terres inhospitalières. Inlassablement, le trio poursuivit les traces de l'enfant en fuite, Geralt en tête, l'œil affûté et attentif. Ils traversèrent une zone où les arbres se faisaient plus denses, leurs branches tortueuses semblant vouloir retenir quiconque s'aventurait trop près. Malgré les difficultés du terrain, Geralt ne perdait pas des yeux les indices qui parsemaient leur chemin. Il remarqua une minuscule étoffe déchirée accrochée à une branche basse, probablement arrachée aux vêtements de l'enfant. Plus loin, il décela des marques sur l'écorce d'un arbre, suggérant que le jeune fuyard avait trébuché et utilisé l'arbre pour se redresser. Au bout d'un moment, ils atteignirent un léger dénivelé qui descendait sur quelques mètres, ouvrant sur une clairière modeste au centre de laquelle trônait un immense chêne, probablement vieux de plusieurs siècles. Les traces s'arrêtaient abruptement, le sol étant protégé par un tapis de feuilles mortes qui couvrait la terre au pied de l'arbre majestueux. Geralt capta alors une odeur ténue, d'origine humaine, portée par les rafales de vent. L'odeur était âcre, mais ne portait aucune des senteurs métalliques caractéristiques du sang. En s'approchant un peu plus de l'arbre, un bruit de respiration faible et saccadé par la peur, parvint à ses oreilles.

Le Sorceleur - Le prix à payerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant