Chapitre XII - Le sanctuaire dans les ténèbres

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En suivant un sentier sinueux bordé de majestueux arbres séculaires, Geralt et Kavka finirent par apercevoir les silhouettes familières d'Alric et Mira, qui les attendaient patiemment depuis leur départ. Alric, assis sur un vieux rondin de bois recouvert de mousse, affûtait méticuleusement son épée avec une pierre à aiguiser, faisant scintiller la lame à la lueur des derniers rayons du soleil. Mira, le regard perdu dans le vague, caressait doucement Ablette, sans vraiment prêter attention à ses gestes. Alric avait renoncé à tenter de consoler la jeune fille, comprenant que seul le temps pourrait panser ses plaies. Sa tristesse pour Mira était profonde, mais il reconnaissait en elle une force intérieure insoupçonnée, bien plus grande que la sienne. Lorsque le bruit des sabots du cheval de Geralt parvint à leurs oreilles, Alric leva immédiatement la tête, un mélange d'inquiétude et de soulagement se peignant sur son visage. Le sorceleur arrêta sa monture à leur hauteur et descendit avec une certaine lenteur, trahissant la fatigue du combat récent. Kavka, quant à lui, volait au-dessus en cercle au-dessus d'eux afin de mieux observer les deux compagnons, sa curiosité piquée par leur réaction.

- Geralt, tu es blessé ! s'exclama Alric, le regard empli d'inquiétude, fixant les plaies du sorceleur.

- Je m'en remettrai, répondit-il d'un ton las.

Il avait en effet l'habitude d'être blessé, cela faisait partie intégrante de son quotidien. Heureusement, les mutations acquises au cours des Essais lui conféraient une force, une rapidité et une endurance supérieures à celles des humains ordinaires. Ces mutations lui avaient également apporté une résistance significative aux blessures. Comme tous les sorceleurs, son système immunitaire renforcé lui offrait non seulement une résilience accrue aux toxines et aux venins des créatures surnaturelles qu'ils traquaient, mais également une capacité de guérison accélérée. Les blessures qui prendraient des semaines à guérir pour une personne ordinaire pouvaient se résorber en quelques jours, voire quelques heures, pour un sorceleur. Cette régénération accélérée leur permettait de récupérer rapidement des combats et de résister à des blessures qui seraient mortelles pour un humain normal.

- Je suppose, rétorqua Alric, peu convaincu par la réponse de Geralt. Alors, qu'est-il arrivé là-bas ? As-tu retrouvé les déserteurs ?

- Oui. Mais ils étaient déjà morts à mon arrivée. Massacrés par un spectre de feu.

- Un spectre de feu ? Cela explique sûrement les brûlures que vous portez tous les deux, dit Alric en observant tour à tour le sorceleur et Kavka.

- Les siennes, peut-être... rétorqua l'oiseau en époussetant maladroitement ses plumes. Tu devrais vraiment apprendre à gérer ta colère...

Geralt lança un regard sombre au volatile, lui faisant comprendre qu'il ne regrettait en rien son geste et qu'il était même prêt à recommencer si nécessaire.

- Que veut-il dire ? demanda Alric, perplexe.

- Il a chié sur mon armure, répondit le sorceleur avec colère.

- Pourquoi diable as-tu fait ça ?

- Je n'ai pas de sphincter... répondit-il le regard rempli de malice.

- Quand même, ce n'était pas très courtois ! Et ce cheval, où l'as tu trouvé ?

- Le chef de la bande des déserteurs me l'a donné. Toi et Mira pourrez le chevaucher, nous gagnerons un temps précieux.

- Si plus rien ne nous retiens ici je propose que nous partions, s'exclama Alric tout en posant son imposant baluchon sur le dos du cheval laissé vacant par Geralt.

Ainsi, les quatre compagnons se lancèrent dans une odyssée à travers les contrées de Velen, un périple qui s'annonçait déjà comme une épreuve en soi. Le chemin qu'ils suivaient, guère plus qu'une trace à peine perceptible déformée par les caprices de la nature, s'enroulait à travers des marais sombres et boueux dominés par des arbres dépouillés de leur parure verdoyante, dont les troncs torturés et les branches nus s'élevaient telle des sentinelles dans le ciel d'acier. Parmi ces colosses décharnés, certains se voyaient ornés de figures humaines pendues à leurs branches, leurs corps inertes dansant lentement au rythme du vent. Les corbeaux, perpétuels spectateurs de cette sinistre chorégraphie, croassaient leurs lugubres chansons depuis ces macabres perchoirs, leurs cris résonnant comme un rappel constant des périls de ces lieux pour les voyageurs imprudents. Si ces visions d'effroi suffisaient déjà à glacer le sang d'Alric, les restes d'animaux et, parfois, d'humains qui gisaient au sol, finirent de lui retourner l'estomac. Les goules, attirées par l'odeur de la mort, rôdaient en périphérie de leur vision, leurs yeux luisants de faim dans la pénombre. En dépit de cette atmosphère lugubre, le sorceleur, demeurait quant à lui, imperturbable. Son visage était grave, les marques de la bataille récente encore visibles sur sa peau blanche. Son esprit était tout entier tourné vers la tâche à venir à Méandres, préoccupé par les dangers qui pourraient y rôder. Mira, assise devant Alric et marquée par la perte récente de ses proches, semblait perdue dans un abîme de réflexion. Sa main se perdait distraitement dans le pelage de sa monture, sans prêter attention à l'environnement hostile qui l'entourait. Kavka, quant à lui, était le seul à trouver quelque amusement dans ce tableau sombre, ajoutant une note de sarcasme à la sinistre symphonie de leur voyage. Leur route se poursuivit ainsi dans un silence absolu, Geralt et Alric se concentrant sur chaque bruit pouvant trahir la présence d'un danger, jusqu'à ce qu'un peu plus loin sur leur route, ils rencontrèrent un marchand ambulant dont la charrette, lourdement chargée, grinçait de manière aussi stridente qu'horripilante. Geralt arrêta son cheval à quelques pas de lui, scrutant l'homme avec méfiance.

Le Sorceleur - Le prix à payerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant