CHAPITRE IER

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Il est 07h30m, mon petit frère et moi sortons de la maison et montons dans la voiture qui nous emmène à nos écoles respectives. Je descends toujours en premier, car mon lycée est plus proche. Et heureusement, car je n'aurais pas supporté entendre encore ses histoires de maîtresse et de calcul à dormir debout.

L’un des moments que je préfère le plus dans mon existence d’adolescente est celui où j’arrive devant le lycée. Comme les voitures sont nombreuses à se garer devant l’établissement, j’ai ainsi convaincu mon père de nous laisser une de ses voitures les plus chères. Et évidemment il a accepté, car d’habitude il ne me refuse rien. Le chauffeur vient m’ouvrir la portière et j’y pénètre, sous l’œil admiratif des uns, craintif des autres, ou mécontents de certains.

La bâtisse à l’allure imposante est située à l’angle de la rue principale. Elle est composée  de plusieurs bâtiments de différentes couleurs, avec au milieu, l’immense jardin à droite, et le terrain de sport à gauche. Le jardin est bondé à cette heure car ne restant que quelques minutes avant que la sonnerie ne retentisse.
S’il y’en a qui bouquinent ou apprennent leurs leçons, d’autres, en groupe ou en duo, discutent ou rient aux éclats selon leur humeur. Des couples se prennent la main ou se regardent affectueusement, d’autres encore, discutent de tout et de rien.

C’est le lycée le plus prestigieux du pays, fréquenté par différentes nationalités et les enfants des "grandes personnalités". Comme moi bien-sûr !

Je rejoins, non sans faire mon petit numéro de charme, notre bâtiment peint en vert. Couleur que je n’aime absolument pas ! Ce n’est pas une couleur qui va avec ce que je suis en fait. Et donc, j’avais demandé à mon père qu’il parle au principal du lycée pour son éventuel changement. Mais ce jour-là, il m’a regardé droit dans les yeux en soutenant son regard comme toujours, et en hochant la tête, et puis m’a dit :
"Non, non, et non jeune fille ! Il va falloir que je t’apprenne à ce qu’on te dise non."
Et quand j’ai voulu rétorquer, il a froncé les sourcils de façon à me demander : "oserais-tu me contredire ?"

Et depuis, je n’en ai plus reparlé car ce regard, je le connais très bien. Cela veut dire juste : voix sans issue. Je tressaillis en repensant à cela, et sors de mes pensées en arrivant devant ledit bâtiment.

Je déambule dans les couloirs sous le regard et les sifflements des garçons qui sont les plus populaires. Quant aux autres, ou bien encore les nullos, c’est avec le regard baissé qu’ils saluent mon passage. C’est vrai qu’être populaire n’est pas de tout repos ni de tout plaisir, mais je m’y plais bien. J’aime donner des ordres et plier les gens à mes désirs. Et malheur à ceux qui osent déroger à cette règle qui est la mienne. Je vois que même aujourd’hui, les filles me regardent avec jalousie. Ce n’est pas ma faute si j’attire tous les regards, et surtout ceux des garçons…

Après tout, je n’ai porté qu’un haut rose où on peut voir à peine ma poitrine, et une mini-jupe qui montre en grande partie mes fines cuisses. Mes bottines que j’aime tant ne faisant pas exception.
Pourquoi regardent-ils tant ma tête ? Est-ce à cause du fait que je me suis teint les cheveux en bleu ? En plus, cela va bien avec mon teint clair hérité de ma mère.

Je longe les couloirs et vois arriver vers moi Angie et Rama, mes deux meilleures amies et assistantes. La première est une fille au teint noir et très élancée, alors que la seconde est blanche, et a à peu près ma taille. Ouais, être populaire demande beaucoup de travail !

- Salut Kari !, me disent-elles en marchant à mes côtés, moi au milieu.

- Ouais salut les filles ! Alors les news du moment ?

- Oui, il y’a Karim, tu sais le nouveau venu,  il est maintenant le capitaine de l’équipe de football. Sa côte a donc augmentée, ce qui veut dire que tu devrais penser à te rapprocher de lui, m’informe Angie.

- Hum… Tu parles du beau mec du moment ? Intéressant…

- D’un autre côté, il parait que François et Safia sont en pleine rupture, me dit Rama. Même si ce n’est encore que des rumeurs, prépare-toi à ce qu’ils rompent. Et comme ça…

- Et comme ça, c’est à moi qu’il demandera de sortir avec lui.
Nous discutons ainsi des dernières rumeurs et informations du moment jusqu’à arriver en classe. Comme presque toujours, j’arrive au dernier moment.

Les grandes personnalités ne sont-elles pas censées se faire attendre et désirer ?
Je me mets à ma place habituelle, tout devant. Personne ne se trompe, même pas une fois pour s’asseoir à ma place. Car tous savent que c’est la mienne, et que mes affaires on n’y touche pas !
On peut dire que la classe est définie par groupe : il y’a les populaires comme moi, les nullos aux grosses lunettes, et les non-alignés ou les indécis, ceux qui ne savent pas où ils en sont.... A cet âge ?! Pf…
Il y’a Samba qui me fait des clins d’œil auxquels je ne réponds pas. Ne sait-il pas que nous deux, c’est de l’histoire ancienne ? C’était juste pour qu’il fasse parti de mon "réseau". Les garçons, je les collectionne. J’ai un tableau de chasse déjà bien rempli. Je dois dire qu’aucun garçon ne me résiste. Mais pas seulement les garçons, les hommes aussi...

Le prof de maths vient de rentrer, et comme par magie, tous les bavardages cessent. Il est assez vieux et ne nous cause pas trop d’ennuis, et donc il ne m’intéresse pas. Contrairement à notre dernier prof d’anglais. Il fallait vraiment qu’on se débarrasse de lui. J’ai joué de mes charmes et voilà, il n’est plus là ! Quant à celle d’Histoire, je ne m’inquiète pas car je sais que j’aurais toujours des bonnes notes avec elle : solidarité oblige !

La sonnerie vient nous délivrer de ces cours plus ennuyeux les uns des autres. La voiture est déjà à la porte. Je fais une bise à mes deux amies avant d’y entrer. Comme d’habitude mon petit-frère est déjà là et en train de manipuler sa tablette. Le retour à la maison se fait toujours dans le plus grand silence. Mes écouteurs sur les oreilles, je parcoure ma Play List en attendant d’arriver. Toutes mes chansons y passent pour mon plus grand bonheur. Je connais le trajet de la maison comme la durée de la playlist. Et les deux matchent merveilleusement.

KARINA, LA FILLE DU PROCUREUR Où les histoires vivent. Découvrez maintenant