CHAPITRE TROIS

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Des jours se sont écoulés depuis cette soirée. Samba m’a un peu oubliée car il ne me suit plus comme avant, ce qui me rassure car je n’aime vraiment pas les personnes collantes. Je ne sais même pas pourquoi il avait réagi ainsi. J’ai déjà rompu avec plein de garçons, mais ils n’ont jamais été comme ça.

Mais je le comprends d’un autre côté, comment peut-on résister à cette bombe que je suis ?

Papa et maman sont rentrés respectivement il y’a quatre et deux jours. Mais à force de ne pas les voir souvent, je me suis plus habituée à leur absence qu’à leur présence. Mais quand même maman m’a ramené des supers cadeaux, que j’aime beaucoup : un nouveau jean de mon styliste préféré, des lunettes de luxe et une robe à la fois belle, sexy et chère ; et dont je suis sure que tout le lycée m’enviera.

Pour cette nouvelle journée qui commence, je me lève, prends ma douche dans ma salle de bain privée, et me rend dans mon immense penderie. Là-bas, j’ai l’impression d’être mille et une mois, tellement il y’a de miroirs tout autour. Je ne sais pas du tout quoi choisir et donc je sors plein de tenues.
Au final, j’opte pour un jean et un débardeur rose car il fait un peu chaud ces temps-ci.

Oui, c’est vrai que j’aime beaucoup le rose.

Et en parlant de rose, j’ai encore changé de coupe et de couleur de cheveux. Maintenant trône sur ma tête deux pompons de cheveux roses pour cette fois-ci.

Je porte mes baskets, mets ma montre ainsi que mes lunettes de luxe, prends mon sac et sors. J’ai pris l’habitude de ne pas déjeuner à la maison. Je me retrouve au jardin et vois que la voiture est déjà prête. Je suis tellement concentrée sur mon iPhone que je ne remarque pas qu’on a un nouveau chauffeur.

D’ailleurs pourquoi cela devrait-il m’intéresser ?

Ce ne sont que des employés, et nous ne sommes en aucun cas du même milieu. Dans la maison, je crois bien que la seule domestique que je connais un tout petit peu, c’est notre ancienne nounou et actuelle gouvernante, Anta.

Maman dit toujours qu’on est peut-être tous des humains, mais les rangs sociaux diffèrent. Et pour préserver l’ordre des choses et l’harmonie de la vie, chacun doit se mettre avec ses semblables et non se lier avec des personnes d’autres classes.

Alors que je suis toujours penchée sur l’écran, il m’ouvre la portière et je rentre sans le calculer.

À quoi bon d’ailleurs ? Comme si on pouvait devenir les meilleurs amis au monde !

Je remarque en tout cas son parfum bon marché mais si délicat, et qui me nargue merveilleusement les narines.

Moustapha est déjà installé. Il voulait me faire une bise mais il se retient.

Peut-être s’est-il rappelé que je le lui avais interdit ?

Car oui, je n’aime pas montrer mes sentiments, pas même à mon p’tit-frère. Avec lui, on se parle à peine, même si on est seuls comme en ce moment, car après la vitre relevée, le chauffeur ne nous entend pas.

- Kari, me dit-il.

- Ouais petit monstre.

C’est un peu ma manière de lui montrer mon affection.
Bizarre non ?

- Je peux te demander un truc ?

- Oui vas-y, je lui réponds, les yeux toujours sur les réseaux sociaux. Je souris en retwittant un post de Rama.

- Tu sais, on a un devoir à rendre demain, et je suis un peu perdu dans un exo de maths. Pourrais-tu m’aider s’il te plait ce soir, après le diner ?

- Oui, oui !

- Super alors !, dit-il tout content.

C’est à ce moment que je me reprends, ne sachant pas ce qu’il venait de dire. Je me sens soudain perdue, alors que j’aurais honte, pour ne pas dire que je suis trop fière pour le lui demander. Mais il fallait que je mette ma fierté de côté. Il m’a fallu beaucoup d’effort quand j’ai eu le courage de me tourner vers lui.

- Tapha !

- Oui Kari, dit-il avec le sourire.

Il est toujours adorable, mon frangin.

- Tu sais, ce que…

- Ah voilà ton lycée, à ce soir !

Effectivement, on venait d’arriver devant le lycée. La voiture s’arrête et je déglutis difficilement, feignant un faux sourire.

- Allez bye, lui dis-je.

Qu’a-t-il bien pu me demander ?

Je suis dans mes pensées mais la porte s’ouvre et je sors de la voiture. J’entends ensuite quelqu’un dire : "Passez une bonne journée, mademoiselle !".

Je suis à cet instant prise de froid, je ressens quelque chose d’étrange, quelque chose que je ne peux expliquer. Avant que je me retourne, cet individu était déjà remonté dans la voiture qui démarre aussitôt.

Cette voix !

Cette voix m’a fait quelque chose, comme si elle avait transcendé mon âme. Je frissonne aussitôt, comme si... Comme si je sentais que ma vie ne sera plus jamais pareille à ce moment même. On aurait dit comme un fil qui, à cet instant précis, m’avait enroulée, telle une momie, à ce timbre que je venais de découvrir.

KARINA, LA FILLE DU PROCUREUR Où les histoires vivent. Découvrez maintenant