- chapitre 1 -

164 11 2
                                    

A peine avait on ouvert les yeux, c'était déjà trop tard. La balle était tombée. L'arbitre siffle une dernière fois et le dernier point s'affiche pour l'équipe adverse.

Il n'y a plus un mouvement de notre côté du terrain. Nous avons tous la même expression sur notre visage.

La défaite.

Une nouvelle défaite pour les corbeaux sans ailes. Ceux qui avait su contrôler le terrain avançaient, encore une fois, en finale. On leur avait pourtant tenu tête... ou du moins on avait essayé. Les cris de victoires résonnent dans la salle mais nous sommes incapables de les entendre. Nous ne voulons plus les entendre.

Le lycée de Karasuno éliminé en demi-finale.

Les équipes se saluent et nous ramassons nos affaires. Je ne peux pas supporter de les voir dans cet état. Je suis sûr que certains se retiennent de pleurer. Je voudrais trouver les mots pour leur redonner le sourire mais un poids énorme pèse sur l'équipe entière.

Le coach se tourne vers nous à la sortie du bâtiment.

« Allez... on va manger. »

Manger ? Après un événement pareil ? Personne n'a ouvert la bouche jusqu'au restaurant. Une dame nous accueille. Il n'y a que nous. Tous autour de cette grande table. Le coach reprend la parole.

« Mangez. Vous en avez besoin pour avancer. »

Pour avancer. Nous en avions bien besoin en effet. Je n'ai pas pu jouer un grand rôle et pourtant, je suis là, assis parmi les courageux. Quel beau match c'était...

Ah... ça y est. Ma vue se brouille et mes yeux sont humides. Je ne pense pas pouvoir les cacher plus longtemps celles là. La première part. Elle descend la pente de ma joue. Lentement. S'arrêtant à chaque rugosité sur ma peau. Une deuxième la suit de près.

Des larmes.

Bien, il ne me reste plus qu'à manger. Je ne fais plus attention à ce que je prends dans les plats. Je ne reconnais plus le goût des aliments. Est-ce que j'aime ? Est-ce sucré ou salé ? C'est peut-être un plat que je déteste. Cela n'a plus d'importance. Mon esprit est aussi encombré de pensées que mes yeux de larmes. Un petit son brise la vitre qui m'enferme depuis tout à l'heure.

Discrètement, mon regard se lève et j'aperçois les yeux humides ou noyés de larmes de mes camarades. Ce n'est pas notre première défaite. Nous connaissons ce sentiment alors pourquoi ? Pourquoi ai-je l'impression qu'on m'enfonce une lame dans le cœur ? Pourquoi, après avoir renversé la situation plus d'une fois, avons-nous perdu ?

Après avoir repris notre énergie, nous sommes rentrés au lycée dans le silence le plus complet. Tout était si calme que j'en avait presque mal aux oreilles.

Je me suis installé près de la fenêtre, c'est ma place préférée d'habitude. Pourtant je ne ressens rien aujourd'hui. J'observe le paysage qui défile, j'oublie le bruit du moteur et tout le reste puis je me perds dans mes pensées. Je m'échappe de la réalité, je m'enferme dans mon imagination sans avoir à me demander qui a besoin de réconfort.

Le bus s'arrête. Bien que la journée ne soit pas encore terminée, le ciel a déjà une teinte jaune orangée. La voix du capitaine félicite les joueurs. Leur regard est tourné vers le sol. Nous avons tous besoin de nous reposer, de nous retrouver.

Je pousse la porte de chez moi. J'aperçois mon frère étalé comme une limace sur le canapé. Il me jette des coups d'œil furtifs tout en affichant un air désintéressé. Mais ce n'est pas à lui que je vais parler en premier. Mes parents me posent des questions simples que n'importe qui pourrait poser. Sont-ils réellement intéressés ? Je ne sais pas.

La version que je raconte à mon frère est totalement différente. De loin, on pourrait croire que nous communiquons dans une langue différente mais je parle bien de notre match contre Aobajosai. Son air désintéressé à laissé place à des yeux pétillants de questions.

Il semble déçu par la fin, je comprends : nous avons tous été déçus, pourtant nous devons regarder devant nous. Je lui vante alors une victoire certaine au printemps prochain bien que qu'elle semble si loin...

« Je viendrai te voir alors et tu les explosera avec vos supers attaques !

— Evidemment, nous serons les plus forts. »

Si seulement il pouvait venir me voir avec mes parents. Depuis que je leur ai annoncé que je n'étais pas titulaire, ils ont trouvé toutes sortes d'excuses les empêchant d'assister au tournoi. A moins que ce ne soit que mon impression.

Ce soir encore j'observe le même regard dans leurs yeux. Ils ont peur que je perde mon temps. Ils pensent surtout à mes études, c'est normal, je suis l'ainé. Ils ne sont pas les seuls à le penser, nos professeurs aussi commencent à nous parler des examens. Pourtant tout cela me semble encore loin.

J'aimerais continuer à jouer, encore et encore. Je veux jouer. Je veux qu'on aille ensemble au tournoi national.

La nuit est tombée. Je retrouve ma chambre, mon monde à moi. Un téléphone vibre, c'est le mien. J'allume l'écran et découvre un message de Daichi :

Comment tu te sens ?

Il a tort de s'inquiéter pour moi, je me remets assez vite de ce genre d'événement. Il devrait demander aux autres membres de l'équipe, à moins qu'il ne l'ait déjà fait. Après tout il est bien du genre à penser à tout le monde. Pourtant ce message me procure une douce chaleur dans la poitrine. C'est parti pour parler jusque tard dans la nuit. Depuis que nous nous sommes rencontré au club de volley, je me suis tout de suite bien entendu avec lui et Asahi. Ce dernier est plus réservé mais il équilibre parfaitement notre trio. Je m'endors donc avec un sourire au lèvres.

My sweet poisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant