- chapitre 10 -

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Le lendemain, lors de la pause, Daichi et moi retrouvons Asahi dans le couloir. La discussion est fluide, nous faisons le tour des sujets habituels comme des lycéens ordinaires. Mais mes pensées tournent en boucle depuis hier soir, je me demande si je n'ai dormi ne serait-ce qu'un moment. Je tente alors de m'impliquer au mieux chassant les idées envahissantes.

« Comment vous vous sentez pour le prochain camp d'entrainement ? demande Asahi

— Ils vont être surpris de voir à quel point on a changé. J'espère que ça se passera mieux que la dernière fois à Nekoma, dit Daichi d'un air inquiet. »

Pour les vacances d'été, nous avons de nouveau été invités pour un camp d'entrainement. Nous ferons face aux mêmes écoles que celles que nous avons affronté à Nekoma.

« Je pense que ça ira, affirmé-je. Les autres joueurs ne devront plus se concentrer que sur Hinata et Kageyama mais sur l'équipe entière. »

Nous parlons alors de nos attentes et des nouveautés que nous allons introduire dans notre jeu. Nos adversaires seront surpris, à condition que nous arrivons à tout mettre en pratique. Eux aussi se sont peut-être améliorés. J'ai hâte d'y être.

Un instant, je cesse de me concentrer sur la conversation. Mes yeux s'attardent sur Daichi. Je remarque que ses mains dansent au rythme de ses paroles. Ses yeux pétillent et sont plongés dans ses explications. Autour de moi, plus rien ne peut attirer mon attention, je ne vois que lui. Mon cœur se serre. Il crie son nom.

Arrête.

Je ne pas penser à lui comme cela. J'étouffe malgré moi, les cris mon cœur. Je fais de mon mieux pour ne rien laisser paraitre. Personne ne doit savoir.

La douce sonnerie me rappelle à la réalité, nous rappelant que la journée n'est pas encore terminée.

Après les cours, l'entrainement vient comme une suite logique. Nous n'avons pas encore ajouté nos entrainements personnels à nos matchs en groupe. Nous nous contentons de les consolider étant donné que nous ne les maîtrisons pas tout à fait.

Les attaques synchronisées ne sont pas encore fluides et ne réussissent que par chance. Asahi, lui, travaille son service. Bien qu'il soit déjà terrifiant, je suis sûr qu'il le sera encore plus une fois qu'il le contrôlera. Il s'entraine également avec Nishinoya pour quelques attaques. Ce dernier à toujours des difficultés de timing mais il y arrivera, j'y crois.

Une fatigue soudaine m'envahi. Je m'étire comme pour me maintenir éveillé. Mes bras sont mous, mes jambes statiques et mes doigts sont douloureux d'avoir fait tant de passes.

« Nishinoya, dis-je essoufflé, on peut faire une petite pause ? »

Je m'approche du mur où sont posées nos gourdes. J'ai l'impression d'avoir perdu toutes mes années d'expérience. Je ne me sens plus bon à rien. C'est à peine si j'arrive à me concentrer, comme si je devais penser à tout et rien à la fois. Je soupire, espérant que cela chassera mes pensées inutiles. Derrière moi, j'entend des pas. Ce sont ceux de Nishinoya, ils ont leur rythme bien particulier.

« Bon, tu commences vraiment à être étrange. Tu dis tout le temps que tout va bien mais j'y crois plus, lance-t-il d'une voix déterminée. »

Mon corps se fige, mon cœur accélère la cadence. Si cela continue, je vais faire une crise cardiaque. Je resserre ma prise autour de ma gourde qui n'a rien demandé. Moi non plus, je n'ai rien demandé. De quoi parle-t-il ? Que sait il ? Alors que je m'apprête à lui répondre, Nishinoya m'empoigne le bras avec une force que je ne lui aurais jamais soupçonné.

Dehors, le manteau de la nuit recouvre le paysage. Une brise froide me pique les bras et les jambes. Des yeux perçants me fixent, avides d'explications. Son sourire habituel est tombé. Mon estomac se tord d'angoisse.

Je ne peux pas.

« Tu fais partie de l'équipe. Si tu vas mal, ça nous affecte tous, alors tu ferais mieux de me dire ce qu'il se passe réellement. »

Son ton me surprend, on ne le voit pas souvent aussi sérieux. Que dois-je faire ? Lui dire ? Ne pas lui dire ? A coup sur il sera dégouté. Il ne voudra plus me parler. Je me retrouverai seul, face à moi-même. Sous la tension, mon masque craque. Ma gorge se serre. Mes mains tremblent. Tout mon corps tremble. Mes yeux sont peu à peu noyés par les larmes qui affluent. Je n'arrive plus à voir ce qui se trouve devant moi. Je ne contrôle plus rien. Comme une dernière protection, je me recroqueville. Mais c'est trop tard, il a tout vu. Je ne peux plus me cacher.

Une main légère se pose sur mon épaule. Les larmes coulent de plus belle. Ma respiration est courte et saccadée. Après un moment, je parviens à articuler quelque chose.

« Je... Je ne peux pas... Je ne peux pas te le dire.

— Pourquoi ?

— Parce que tu vas me détester. »

Il marque une pause. Je tente de reprendre mon souffle. Je le sens s'asseoir à côté de moi.

« La seule chose qui pourrait me faire te détester, ce serait que tu arrêtes de te battre avec nous. Que tu quittes l'équipe comme l'a fait Asahi. »

Sa voix est calme, presque douce. Alors, séchant le reste des larmes, je me risque à tout lui dire.

« J'aime quelqu'un. »

Du coin de l'œil, je le vois s'illuminer. Il s'apprête à parler puis se ravise. Souriant doucement, il demande :

« Et qui est-ce ? »

Qui. C'est la partie la plus compliquée. Il me voit hésiter. Un dernier débat se produit dans ma tête puis je me jette dans le vide.

« Daichi. »

My sweet poisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant