My sweet poison

- chapitre 8 -

Lorsque j'arrive au gymnase, rien ne semble avoir changé. Tout le monde est présent, l'échauffement se déroule normalement sous l'œil attentif du coach. Celui-ci nous propose de former deux équipes et de réaliser un match.

Je me regroupe avec les remplaçants afin d'organiser une stratégie quand le coach annonce qu'Hinata se joindra à nous. Le silence est pesant. Nous le regardons arriver. Lorsqu'il croise Kageyama, pas un regard ni une parole ne sont échangés. Un frisson me parcoure le dos.

Yachi est la plus courageuse d'entre nous. S'adressant à Hinata, elle lui demande si tout va bien, faisant référence à l'événement de l'avant-veille. Celui-ci lui répond de son plus beau sourire, illuminant toute la salle. Les paroles de Daichi me reviennent en mémoire : on ne peut que leur faire confiance.

A la fin de l'entrainement, le coach nous réunit. Après avoir fait un bilan du camp d'entrainement, nous prenons la parole un à un. Chacun souhaite s'améliorer, multiplier ses armes. Quelque part, je pense que Hinata y est pour quelque chose. C'est lui qui a pointé cette nécessité d'ouvrir les yeux pour avancer. Nous réalisons alors que notre gymnase ne sera pas suffisant. Il nous faudra emprunter celui du club des filles.

J'ai tellement hâte de tester cette nouvelle attaque que la journée suivante me semble s'écouler rapidement. Il est bientôt temps de descendre au gymnase. J'aperçois Daichi au milieu du couloir. Je m'apprête à l'interpeller mais quelque chose m'arrête. Il parle avec quelqu'un. En plissant les yeux, je distingue la silhouette de Michimiya. Il doit certainement lui demander de nous prêter le gymnase.

Je la regarde, c'est vrai qu'elle est très jolie. Elle est petite, mince mais musclée, pleine d'assurance. La petite amie parfaite. Michimiya est belle, énergique, pleine de volonté et de courage. Daichi est beau, encourageant, plein de volonté et d'attention.

Ils vont bien ensemble.

C'est ce que j'essaie de me dire. C'est vrai, tout les destine à être ensemble. Alors pourquoi ai-je l'impression que quelque chose me bloque ? Comme une petite voix criant au fond de moi. Pourquoi cela semble si difficile à accepter ?

Délicatement, elle replace une mèche rebelle derrière son oreille. Mon cœur se serre.

Mes jambes bougent toutes seules. Les élèves circulant dans les couloirs ne sont plus qu'un bourdonnement lointain. J'ai l'impression d'être dans un rêve. Je me force à rester conscient. Plus rien ne semble réel. Arrivé sous l'escalier, je m'effondre. Mes jambes ne veulent plus me porter. Je me sens loin de tout.

Qu'est-ce que c'est ?

Qu'est-ce que ce sentiment ? Je ressens tout et rien à la fois.

Mon cœur s'affole comme si j'avais parcouru des kilomètres. L'air s'échappe de mes poumons sans que je puisse le rattraper. Je ne comprends plus.

Est-ce que je l'aime ?

Ce doit être ça. Je l'aime. J'aime Michimiya. J'en suis sûr.

A moins que...

Non. C'est elle que j'aime. Qui d'autre cela pourrait être ?

Qui ?

Je la revoie, souriante, les joues roses, replaçant sa mèche de cheveux. La courbe de sa joue est douce, harmonieuse. La mienne est anguleuse. Ses cheveux sont courts, un peu comme les miens.

Je nous compare sous toutes les coutures. On se ressemble beaucoup, à moins que ce ne soit moi qui lui ressemble. Mais la différence la plus flagrante et qu'elle est une fille et pas moi. Je me demande ce que cela fait.

Je me demande ce que cela fait de se faire belle. De se sentir belle. De savoir que n'importe quel garçon peut avoir des sentiments pour nous. D'être regardée.

Cette pensée a l'effet d'une pierre traversant du verre. J'aimerais tellement être à sa place. J'aimerais qu'il m'observe comme ça.

A cet instant, tout s'arrête. Plus un mouvement. Plus un bruit n'est perceptible.

Je ne sens plus mon corps. Je n'entends plus mes pensées.

Je me trompe. Je dois me tromper. C'est sûr.

De longues minutes s'écoulent. La sonnerie de l'école me tire de mes pensées. Je ne veux pas y aller. Pas maintenant. J'ai peur de ce qui pourrait arriver. Mais je ne peux pas sécher l'entrainement comme cela, sans raison. Je suis paralysé. Que dois-je faire ? Rester ici ? Aller au gymnase ? Je ne sais pas. Je ne sais plus.

Je devrais arrêter de trop penser, cela ne me réussi pas. Je n'ai qu'à faire comme d'habitude, comme si de rien était. Après tout je peux me tromper. J'ai juste une attirance un peu complexe parce que c'est un ami proche. Rien de plus.

J'atteint les vestiaires. Il n'y a personne, je suis en retard. Mes jambes tremblent mais trouvent la force de me porter jusqu'au gymnase. L'échauffement a déjà commencé. Je me joins aux autres. J'ai du mal à me concentrer. Toutes sortes de pensées encombrent ma tête, je les chasse du mieux que je peux. Nous commençons par l'entrainement habituel en attendant d'accéder au gymnase du club des filles. Je fais de mon mieux pour ne rien laisser paraître et jouer comme d'habitude.

Le ciel s'assombrit peu à peu. Il est temps de nous répartir en petits groupes pour les entrainements individuels. A part Kageyama, les secondes quittent le lycée. J'ai cru comprendre qu'Hinata a un entrainement spécial de prévu, lui aussi, mais je n'en sais pas plus. Nishinoya s'approche discrètement.

« Ça va Suga ?

— Bien sûr, pourquoi ça n'irai pas ?

— Je ne sais pas mais tu fixais le sol pendant tout l'échauffement alors je me suis inquiété. »

Je me tourne vers lui, étonné. C'est vrai, je ne veux pas affronter le regard des autres. Pas aujourd'hui. Il est plus observateur que je ne le pensais. Je lui assure que tout va bien.

Je sens un picotement dans mon dos. Je me retourne et mon regard croise celui de Daichi. Par réflexe, j'esquisse un sourire. Il me le retourne. Ah. Mon estomac se tord comme si on avait enfermé quelque chose dedans. C'est ça avoir des papillons dans le ventre ? Non, c'est impossible.

Je ne l'aime pas comme ça.

Je détourne le regard. Tout. Va. Bien.

Avant que je ne réponde à Nishinoya, une voix familière m'appelle. Un frisson désagréable me parcoure. Prenant une grande inspiration, j'affiche mon sourire le plus convaincant. Je me retourne. Daichi me fait signe, indiquant que nous devons aller vers le deuxième gymnase. Alors je m'exécute, laissant le libéro sur place.

Là bas, le coach nous montre un match de l'équipe brésilienne. Accompagné de Chikara, Tanaka et Daichi, nous observons chaque mouvement attentivement. Après la théorie, il est temps de passer à la pratique. Lorsque je me place, les attaquants sont en face de moi. Je les regarde un à un. Mes yeux croisent ceux de Daichi. J'ai l'impression que son regard est différent. C'est sans doute mon imagination. Je prends une grande inspiration. Mes épaules se relâchent. Tout. Va. Bien. Je dois me concentrer sur l'instant présent.