« Sugawara, est ce que je peux te parler ? »
Non.
C'est ce que j'aimerais répondre. Fuir. Loin, très loin. Courir jusqu'à ce que je m'écroule. Disparaître d'ici. Mais mes jambes sont immobiles, comme enracinées dans le sol. A moins que ce ne soit le sol qui me retienne.
Je ne sens plus mon cœur battre. Ma respiration se stabilise. Ça y est. Je ne peux plus retourner en arrière. Je vais devoir tout lui expliquer. Je vais essayer d'arranger les choses au mieux. Peut-être quitter le club ou pire, être condamné à rester sur le banc.
Daichi passe à côté de moi. Comme des automates, mes jambes se décident à le suivre. Du coin de l'œil, je vois Nishinoya ouvrir la bouche mais il se résigne. Inutile de protester, je sais quelle sentence m'attend.
Mes yeux fixent le sol. La tête vide, je regarde les talons de Daichi m'emmener je ne sais où. J'espère seulement qu'il ne va pas me dénoncer devant tout le monde. Ce n'est pas ma faute. Enfin, pas tout à fait. Moi non plus, je ne voulais pas que cela arrive. Je voulais continuer jusqu'au tournoi national et emporter mon secret dans ma tombe.
Après quelques minutes, qui m'ont semblées être des secondes, nous nous arrêtons au coin d'un bâtiment. Il n'y a personne. Pas un bruit. Seul le rire des feuillages est perceptible. Ma gorge se serre. Les mots se bousculent mais rien ne sort. Il parle en premier.
« Par où commencer... »
Ses yeux fuient les miens. Ses mains ne trouvent plus leur place, jouant tour à tour entre elles ou avec un bout de t-shirt. C'est à moi de parler. Les mots se mettent alors à couler comme si on avait ouvert une vanne.
« Je peux tout t'expliquer. Je suis vraiment désolé que tu ais à subir ça mais je t'assure qu'en aucun cas je ne voulais faire du mal à qui que ce soit. »
Je suis pathétique.
« Je t'assure que je peux encore jouer, je ferais de mon mieux pour ne perturber personne. »
N'importe quoi. J'en suis incapable.
« Bien sûr, tu voudrais peut-être que je quitte l'équipe mais...
- Attends, coupe-t-il.
- Non, toi attends ! dis-je en criant presque. Je n'ai pas fini... »
Je n'ai même pas commencé. Ce ne sont que des excuses minables.
Je reprends ma respiration. Mes poings se serrent. Mon corps entier est tendu. Tout s'éclaircit dans ma tête, les mots sont ordonnés en un fil que je n'ai qu'à dérouler.
« Je t'aime. »
Enfin. Le dire est bien différent de ce j'imaginais. Je me sens plus léger. Quitte à souffrir des conséquences, cela ne sert à rien de fuir la réalité.
« Je suis peut-être la pire des créatures pour toi, c'est pour ça que je ne m'attends pas à ce que tu retournes mes sentiments. »
Si je dois tout gâcher, autant le faire correctement.
« J'avoue que je pensais ne jamais te le dire. Mais nous y voilà... Ne pense pas que c'était facile pour moi de réaliser que je t'aimais. Et ce n'est toujours pas facile de te l'avouer. J'imagine que tu ne sais pas trop comment réagir non plus. »
Dis lui la vérité.
« Tout peut redevenir comme avant, on peut faire comme si ce moment n'avait jamais existé. »
C'est impossible, nous le savons très bien.
« Mais si c'est trop difficile pour toi, je... »
Je n'arriverai jamais à le dire. Je ne peux pas, ce club compte beaucoup pour moi. Mais, ai-je le choix ? Je mords ma joue intérieure et prend une grande inspiration. Je suis prêt.
« Je suis prêt à accepter de quitter le club, si c'est ce que tu souhaites. »
Cette fois Daichi me regarde dans les yeux, immobile. Un long silence s'installe.
« Non, je... Ce n'est pas ce que je souhaite, fini-t-il par dire »
Mes pensées arrêtent de fonctionner. Je n'avais pas prévu cela. Comme si j'allais m'enfuir, il fait un pas vers moi.
« Ne pars pas, s'il te plaît. Et ne fais pas comme si ce moment n'avait jamais existé. »
Ses yeux me dévisagent un instant. Je ne comprends pas. Qu'essaie-t-il de dire ?
« Ne blâme pas Nishinoya, ce n'est pas lui qui me l'a dit. En fait je l'ai appris en même temps que lui. Ce soir-là je ne voulais pas écouter, enfin... Je ne pensais pas que tu lui dirais ça. Excuse-moi. »
Depuis tout ce temps, il savait ? Ses joues prennent une teinte rouge. Il détourne le regard, cherchant ses mots.
« Tu comptes beaucoup pour moi. Bien plus qu'en tant que passeur. Bien plus qu'en tant qu'ami. »
Autour de nous, tout est silencieux. Comme si nous étions seulement tous les deux, dans notre univers. Tout semble si parfait. Mais peut-être trop parfait. Mon cœur se serre. Ai-je le droit d'y croire ? Ai-je le droit d'espérer ? d'aimer ?
« Tu m'as touché ici, dit-il en désignant son cœur. Puis, c'est comme si ce sentiment s'était diffusé dans tout mon corps. Un peu comme un poison en fait, mais pas un qui fait souffrir, plutôt un doux poison. »
Un frisson me parcoure. Les battements de mon cœur s'accélèrent progressivement.
« Au début, je n'ai pas pris ce sentiment sérieusement. Ce n'était qu'une fantaisie, un rêve que je ne pourrai jamais atteindre. Mais plus je passais de temps avec toi et plus ce sentiment m'envahissait. C'est toujours le cas aujourd'hui. »
Mes mains s'approchent timidement des siennes. Elles hésitent. Je ne devrais pas. J'en demande trop.
Arrête.
Et pourtant, elles se rapprochent. Centimètre par centimètre. Nos mains se touchent, s'entremêlent. La sensation est étrange. Sa peau est brûlante et douce. Au fond de moi une petite voix me crie de le lâcher. Je me sens si faible. Physiquement. Emotionnellement.
Faible.
Suis-je encore digne d'être un garçon ? Suis-je encore digne d'exister ?
Non. Non. Non.
Je tente alors de retirer mes mains. Mais Daichi ne lâche pas prise. Ses mains s'agrippent aux miennes. Ne pars pas, s'il te plaît. La petite voix crie de plus belle, me traitant de tous les noms. Mais cette fois je ne veux pas l'écouter.
My own sweet poison
Je m'approche de Daichi. C'est la première fois que je suis aussi près de lui. Les poils de ma peau se hérissent. Nos regards se croisent. J'ai l'impression qu'il n'y a plus que lui et moi. Je pourrais le regarder sans cesse. Nos visages se rapprochent. Nos lèvres se frôlent, osant à peine se toucher.
And with your venom inside of my lungs
You suffocate me
Nous avons déjà franchis tant de limites. Je sens son cœur battre plus vite. Le mien aussi.
Fuck everyone that says I never cared
You're all that I need
Lentement, sous le ciel étoilé, je ferme mes yeux. Le baiser est d'abord timide. Mais cela ne nous suffit pas.If our sin's in the light
We can live in the dark
Mes mains remontent jusqu'à son visage. Je le rapproche du mien. Je sens la pression de ses bras a autour de moi et la chaleur de son corps contre le mien.
With your demons and mine
I've been yours from the start
Au loin, le son d'une voix éthérée et des notes répétitives d'une guitare nous emportent ailleurs, dans notre univers. Et ce moment, seules les étoiles en seront témoins.
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My sweet poison
FanfictionAprès leur match contre Aobajosai, les joueurs de Karasuno sont plus déterminés que jamais. Ils doivent aller au tournoi national. Cependant, comme affecté par un poison, Sugawara découvre des sentiments complexes envers un ami proche. Qui plus est...