Depuis trois ans, nous avons pris l'habitude de faire une partie du chemin du lycée ensemble. Je retrouve d'abord Daichi et un peu plus loin, Asahi croise notre chemin.
« Tu penses vraiment que j'ai bien joué hier ? lance Daichi
— Eh bien mis à part quelques attaques ratées et les nombreuses réceptions manquées, je pense que tu t'es bien débrouillé ... dis-je d'un air pensif
— T'étais pas obligé de le dire Suga... »
Daichi affiche une grimace de dégout et je ne peut m'empêcher de rire à cette œuvre d'art.
« Mais non, tu es complètement différent de l'année dernière. Vous vous êtes très bien battus.
— Tu nous as aussi permis de réguler notre jeu en entrant, merci.
— C'est vrai, qu'est-ce que vous auriez fait sans mon apparition tant attendue ? »
Pour réponse, je reçu un coup affectif sur l'épaule. J'aurais aimé que notre échange dure plus longtemps mais déjà on pouvait apercevoir une grande silhouette au bout de la rue, Asahi. Plus je passais de temps avec lui et plus j'avais du mal à imaginer que l'on pouvait avoir peur de lui. Il n'avait pas une apparence commune mais quand même...
Jusqu'au lycée, personne n'énonça le tournoi de printemps. Nos professeurs allaient nous en parler, inutile d'avoir cette discussion maintenant. Tout semblait se dérouler comme si hier n'avait jamais existé.
Dans les couloirs, aucune trace des premières ou des secondes. C'étaient surtout ces derniers qui m'inquiétaient. Il était évident que l'on ne pouvait pas gagner du premier coup surtout après une période d'échecs. Pourtant, il ne fallait pas que cette défaite les arrête.
L'entretien avec le professeur principal me ramène à la réalité. Je vois qu'il veut bien faire, mais il ne comprend pas : je ne joue pas pour le mérite. Je ne veux pas rester sur cette défaite. Je ne peux pas. Les nationales nous attendent et nous pouvons les atteindre.
Si je pars maintenant, je m'en voudrai pour toujours.
La question du tournoi de printemps est finalement apparue entre nous. Daichi, Asahi et moi. Réunis comme si la décision ne pouvait être prise individuellement. Et c'est le cas : soit nous quittons tous, soit nous restons.
« Je pense partir. Je dois laisser la place au premières et au secondes le plus tôt possible, annonçe Daichi le regard dans le vide.
— Vraiment ? »
Ma voix provoque un mouvement de sursaut. Je ne pensais pas trahir mon ressenti si facilement.
« C'est vraiment ce que tu penses ? »
Je plante mon regard dans le sien. Je sais qu'il veut continuer, il ne peut pas se contenter du tournoi régional. Je ne joue pas pour le mérite. C'est vrai, je pourrais arrêter à tout moment. Rien ne me retient, je foule à peine le terrain. Pourtant je reste, je ne veux pas regretter d'avoir cru en eux. On ira aux nationales ensemble quoi qu'il en coûte. Nous sommes entrés à Karasuno, les étoiles plein les yeux, pour atteindre le fameux terrain orange.
Nos deux premières années, soulignées par la réalité et les défaites, ne nous ont pas arrêtées. Ce ne sont pas des examens universitaires qui le feront. S'il faut sacrifier des nuits et des jours de repos alors nous le ferons.
Le regard de Daichi alterne entre Asahi et moi. Ses doigts semblent se livrer à une bataille sanglante. J'imagine le nombre de questions qui doivent encombrer son esprit. Cette atmosphère m'étouffe. S'il ne peut pas se décider, mon avis est déjà fait et je n'ai aucune raison de le cacher.
« Peu importe votre avis, je reste pour le tournoi.
— Attends, je t'ai dit que je restais aussi, se plaint Asahi. »
Après un moment, un sourire apparait sur les lèvres du capitaine, des étincelles semblent pétiller dans ses yeux. Le voir ainsi me rassure. La décision est prise. Prenant mes amis par les épaules, je les jette dans les escaliers en direction du gymnase. Bien que le coach nous ait demandé de nous reposer, mon instinct me dit que l'équipe y sera au complet.
La nuit prend place dans le ciel. Malgré notre fatigue due au match d'hier, cet entrainement improvisé nous a fait le plus grand bien. Nos éclats de voix et de rires résonnent dans les vestiaires. Un air nouveau se répand dans l'équipe annonçant que cette défaite serait la dernière.
Les premiers à partir sont – notre trio préféré – Tanaka, Nishinoya et Chikara. D'après ce dernier, ils ont une avalanche de travail à faire. Il est vrai que, sans cette information, on pourrait croire que Chikara emmenait deux prisonniers à la chaise électrique...
Quelques instant après, ce sont Tsukishima et Yamaguchi qui nous quittent. Le blond est un grand timide mais je suis sur qu'il est content que je reste pour le prochain tournoi, du moins c'est ce que j'aime me dire. Ils sont suivis de près par Kageyama et Hinata. Une fois le portail du lycée passé, je note un silence parfait. Mes tympans en vibrent encore.
C'est enfin au tour de Kinoshita et Narita de rentrer chez eux. Ils se sont énormément améliorés depuis leur première année. Elle n'a pas été facile mais ils ont su persévérer et je leur suis reconnaissant pour cela. La porte se referme. Au même moment, on entend la fermeture-éclair d'un sac. Asahi est sur le point de partir lui aussi.
« Je vais pas pouvoir rentrer avec vous ce soir. Je suis en retard sur mes révisions, désolé...
— Tus as une évaluation bientôt ? dis-je, étonné
— En littérature dans deux jours... »
Lui aussi à l'air d'aller à un enterrement. Faisant mine de verser une larme, je lui adresse un pouce en l'air. Courage, la littérature c'est pas facile.
Il ne reste plus que Daichi et moi.
Comme par réflexe, je tourne ma tête vers lui. Seulement, cette fois mes yeux s'arrêtent. Ce n'est pas la première fois que je le regarde, pourtant tout semble différent aujourd'hui. Sa peau légèrement ambrée et humide brille sous la lumière jaunâtre du vestiaire. L'acné parsemant ses épaules et ses joues semble dessiner un paysage granuleux. Ses cheveux noirs et piquants me donnent envie d'y faire parcourir mes mains.
Mon regard croise le sien. Mon cœur accélère. Il faut que je me reprenne. C'est vraiment trop embarrassant. Cela n'a aucun sens.
« Tu vas trouver ça très étrange mais honnêtement t'es beau... »
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My sweet poison
FanfictionAprès leur match contre Aobajosai, les joueurs de Karasuno sont plus déterminés que jamais. Ils doivent aller au tournoi national. Cependant, comme affecté par un poison, Sugawara découvre des sentiments complexes envers un ami proche. Qui plus est...