- chapitre 6 -

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Le moral est au plus bas. Nous perdons tous nos matchs. Le tournoi de printemps, n'était-il qu'un coup de chance ? Sommes-nous seulement quelque chose sans notre duo mortel ? Nous ne pouvons pas avancer dans ces conditions. Nous manquons cruellement de cartes dans notre jeu.

La fin du set approche. Tout le monde est épuisé, tendu. Nous devons gagner ne serait-ce que pour nous prouver que nous valons toujours quelque chose. Les autres équipes murmurent. Evidement, ils s'attendaient à voir Hinata et Kageyama.

De l'autre côté des portes du gymnase, des pas se font entendre. Dans un grand bruit, les portes s'ouvrent sur notre duo. Une sorte de soulagement parcoure l'équipe, notamment pour Tanaka. Je reprends mon souffle.

Nos deux joueurs arrivent sur le terrain, prêts à en découdre avec l'équipe adverse. Les points s'accumulent de chaque côté à une vitesse incroyable. Leur attaque rapide ne cessera jamais de m'impressionner. Mais on ne pourra pas se reposer dessus éternellement. En effet, de plus en plus de joueurs arrivent à s'y habituer. Cela risque de poser problème notamment avec l'apparition d'un nouveau joueur chez Nekoma. Une perche un peu maladroite mais qui pourrait constituer une autre menace pour Hinata.

Les autres équipes sont puissantes et parfaitement coordonnées. Il nous reste encore beaucoup de chemin avant d'accéder au tournoi national. Nous nous défendons autant que possible mais cela ne suffira pas.

Le soir arrive. Je suis épuisé, je sens à peine mes bras et mes jambes. Quelques étirements et une bonne douche chaude feront l'affaire. Une fois installés, je me jette sur un des lits. Avant l'extinction des feux, chacun s'éparpille dans les différentes salles. La notre ne fait pas exception.

Une silhouette familière s'approche. C'est le libéro de Nekoma. C'est le moment pour moi d'être sociable au lieu de penser à ma couette. La conversation est banale. Nous faisons un bilan de la journée, des défaites catastrophiques. Je lui pose des questions sur leur nouveau joueur mais il n'a pas l'air d'en être très fier. Nishinoya nous rejoint. Pendant un moment, ils parlent comme deux libéros dans leur monde, des étincelles dans les yeux.

Mes paupières s'alourdissent. Je m'étire comme si cela me donnerait assez d'énergie pour rester éveillé encore un peu. Je balaye la pièce du regard. Mes yeux s'arrêtent un instant sur Daichi. Il est en plein milieu d'une conversation. Ses yeux sourient, ses épaules sont relâchées, ses bras bougent comme pour argumenter ce qu'il dit. J'ai enfin l'impression de voir un lycéen.

Comme s'il avait deviné mes pensées, son regard s'aligne sur le mien. Il esquisse un sourire. Pendant un moment, il n'y a que lui et moi. Le temps semble ralentir.

Ses interlocuteurs le ramènent à la réalité. Daichi se tourne vers eux, reprenant la conversation là où il l'avait laissée. Sans le vouloir, le coin de mes lèvres s'étire, dessinant un sourire.

Le lendemain, les matchs se poursuivent. Nos adversaires sont forts. Ils nous rappellent sans cesse que, malgré notre ascension au tournoi inter-lycée, notre niveau n'est pas suffisant. Le moral de l'équipe m'inquiète, notamment celui d'Hinata. Il est la cible des contres adverses.

Etonnamment, il ne semble pas tant démoralisé, son expression est étrange. Plus il fait face à un mur, plus il semble vouloir recommencer, peut-être pour le surpasser. Seulement j'ai peur qu'il ne sache plus où est sa place... La balle est récupérée de justesse, Kageyama s'apprête à faire une passe. Dans cette situation, il n'a pas d'autre choix que de l'envoyer à Asahi. Un éclair passe, Hinata s'élance, saute.

Le choc est inévitable.

Serait-il en train de prendre la place du champion ? Ou est-ce un signe nous invitant à aller plus haut ? Après s'être excuser, le petit rouquin se tourne vers Kageyama. D'une voix forte, comme s'il s'adressait à l'équipe entière, il annonce qu'il veut ouvrir ses yeux lors de la fameuse attaque rapide. Kageyama refuse. Une tension étrange se répand dans l'équipe.

A la fin du match, je prends notre duo à part. En tant que passeur, Kageyama devrait écouter et s'adapter à ses attaquants. Mais lorsque je leur propose d'essayer, Kageyama est réticent.

« L'attaque rapide est ta meilleure arme, Hinata. Je n'ai pas envie de la risquer pour quelque chose qui ne nous apportera rien. »

Sur ce point, il n'a pas tort. Cette attaque est très efficace et rien ne nous dit qu'il la maîtrisera les yeux ouverts. Surtout en si peu de temps. Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre du retard. Si ces arguments m'ont convaincu, il n'en est pas de même pour Hinata.

Il nous reste encore quelques minutes de pause avant le prochain match. Assis contre un mur, je rejoins Daichi. Pour lui, nous ne pouvons pas continuer à nous reposer sur cette attaque. Il n'a pas tort non plus mais avons-nous assez de temps pour perfectionner une nouvelle attaque ? Asahi doit être le plus inquiet d'entre nous, après tout, sa place de champion est en train d'être menacée.

« Je ne sais pas vraiment quoi penser de tout ça..., dis-je. La solution la plus sûre est de conserver l'attaque comme elle est mais j'ai peur qu'Hinata le prenne mal. J'ai peur de ne pas lui avoir dit ce qu'il fallait.

— Je ne pense pas que tu devrais t'inquiéter pour ça. Je te fais confiance, tu sais toujours quoi dire. Maintenant, c'est à lui de voir ce qu'il y a de mieux à faire. »

Sa voix est calme et rassurante. Mais je ne sais pas si je peux le croire. Hinata se sent réellement coupable depuis le match contre Aobajosai. Quelle est la meilleure solution ? Je l'ignore.

Le coach nous réunis avant le prochain match. Lorsqu'il annonce que Narita va remplacer Hinata, l'étonnement est général. Chacun se dévisage pour savoir s'il a bien entendu. Les yeux rivés vers le sol, le petit rouquin prend place à mes côtés pour observer le match.

Il vaut mieux ne rien dire. Ce changement nous permettra à tous de réfléchir. Sa présence en dehors du terrain est étrange. Bien sûr, il a l'habitude d'échanger avec Nishinoya, mais ici, il est coincé pour toute la durée du jeu. On peut sentir sa frustration. Ses yeux brûlent d'envie de courir après le ballon.

My sweet poisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant