La journée était sur le point de se terminer. Les élèves marchaient vers la sortie du lycée en parlant de ce qu'ils allaient faire ce week-end, des révisions pour les examens, ou encore des dernières notes qu'ils avaient obtenues. Ils étaient bien heureux de ces deux jours de repos, ou presque. Thomas s'était rendu à la bibliothèque, et comme toujours, il vit qu'il était le seul élève présent. En même temps, avec l'arrivée des beaux jours, les élèves préféraient sortir et profiter du soleil. Il s'installa à la même place que d'habitude, sous l'œil intrigué de la bibliothécaire. Eliott n'était pas encore arrivé, il en profita donc pour sortir son livre et le continuer. Il s'était arrêté au passage où le voleur était encore parvenu à s'échapper, toujours en laissant derrière lui des indices pour que le héros le suive. Mais cette fois ci, il semblait avoir laissé plus d'indices que d'habitude, comme s'il voulait qu'on le retrouve.
Il était tellement plongé dans l'intrigue et la course-poursuite des deux personnages qu'il n'avait pas remarqué son camarade qui avait prit place en face de lui. Eliott déposa son sac en bandoulière au pied de la table. Il avait sortit un carnet noir et un crayon de papier assez entamé. Il regarda le blond un long moment avant d'utiliser sa main droite pour baisser son livre. Les yeux bleus de Thomas s'ouvrirent d'un coup.
"Tu es là depuis longtemps ?
- Quelques minutes, j'ai pris le temps de m'installer."
Thomas baissa un peu plus son livre pour constater qu'Eliott avait déjà pris ses affaires, mais elles furent à nouveau cacher quand son camarade redressa le roman pour que ses yeux noisettes analysent la première de couverture.
"La Femme aux deux sourires ? Il fait parti de la série d'Arsène Lupin".
Il répondit par un petit hochement de tête, visiblement Eliott s'y connaissait en bouquins.
"Et tu en es où ?
- Hum, Lupin cherche à attraper Clara et la fortune qu'elle possède.
- Je vois, ce n'est que le début. Ce livre est intéressant, mais il est loin d'être à la hauteur de L'Aiguille Creuse.
- C'est le premier Arsène Lupin que je lis à vrai dire.
- Oh ! Et bien j'ai hâte d'entendre ce que tu en penses. Et surtout n'hésite pas à explorer les autres auteurs et leurs œuvres si tu apprécies les mystères et les intrigues. Arsène Lupin c'est quelque chose, mais j'ai toujours eu un penchant pour le romantisme de Sherlock Holmes.
- Tu as lu les Sherlock Holmes ?
- Mhm, en langue originale. En vérité, si tu les lis tu te rendras vite compte que tu en sais beaucoup plus Sherlock Holmes que sur Arsène Lupin. Même si je te l'accorde, les deux ont pas mal de points communs.
Thomas était impressionné par la culture d'Eliott. Visiblement il privilégiait l'assiduité à travers les livres qu'en classe. De ce qu'il avait entendu dire, le garçon serait plus âgé car il a loupé son examen l'an passé. Manque de motivation, problème d'assiduité, école buissonnière, beaucoup de critiques étaient sortis de la part de ses camarades de classe quand Thomas les avait questionné.
- Eh bien, je ne sais pas trop quoi répondre. Les romans policiers c'est pas trop mon genre.
- Alors c'est quoi ton 'genre' ? demanda Eliott en s'installant plus confortablement
Thomas vérifia bien qu'il était sérieux et intrigué par sa réponse, et pas qu'il cherchait juste à attendre une réponse pour rétorquer que ça ne l'intéressait pas, qu'il était juste là pour faire semblant de travailler et obtenir les mérites de la bonne note.
"Je ne sais pas trop, je lis habituellement des romans plus réalistes. Sur l'histoire, sur l'art et la musique. Je ne laisse pas souvent place à l'imaginaire.
- Je vois, Monsieur préfère avoir les pieds sur terre".
Le jeune garçon se sentit presque offensé par cette soudaine réaction.
"Je me laisse surtout la possibilité d'imaginer en lisant des poèmes.
- Par exemple ?
- Eh bien, commença Thomas, j'aime énormément "Bannières de mai" d'Arthur Rimbaud. On comprend qu'il parle de la nature comme une mère chez qui il se ressource. Même s'il prône la mort et la fin, celle-ci semble l'accueillir les bras ouverts pour l'aider à s'apaiser dans ses derniers moments. Après l'avoir lu je ferme les yeux, et je m'imagine la scène en étant le personnage, et c'est comme si on pouvait tout ressentir.
Eliott affirma par un bref hochement de tête.
"Sur ce coup là je ne peux te contredire, ses poèmes sont merveilleux."
Thomas ne put s'empêcher de sourire, il était heureux de pouvoir partager un peu de sa véritable personnalité avec quelqu'un de l'extérieur. Ses parents ne se penchaient pas sur l'art, la poésie et encore moins l'expression des sentiments.
"Donc, Arthur Rimbaud.
- Mais il y a aussi Verlaine et Apollinaire pour la ville urbaine, Lamartine pour la nature et le temps qui passe, et plein d'autres poètes épatants."
Eliott scrutait son camarade dans les moindres détails. Il parlait de ces poètes avec une telle passion qu'il serait prêt à les défendre coûte que coûte.
"Donc, le sujet du conte de fées n'est pas le meilleur pour toi"
Thomas sembla réfléchir pendant un long moment, il voulait le rassurer sur le travail qu'ils allaient fournir et la note qu'ils pourraient obtenir.
"Non je pense au contraire qu'en mélangeant ton imagination et la poésie, on peut en faire un très beau conte de fées. Il faut juste réfléchir à une intrigue un peu différente des principales.
- Donc pas de preux chevalier qui sauve une princesse, ni de petits enfants qui se font abandonner et ensuite poursuivre.
- Non. Ni d'elfes, d'animaux dansants ou de loups qui s'attaquent aux héros.
Eliott se pencha un peu plus en avant.
- J'ai tellement la flemme de faire ce travail.
Thomas afficha un sourire et se pencha à son tour.
- Moi aussi mais j'aimerais beaucoup une bonne note, ça parviendrait à convaincre mes parents de me laisser faire mes études là où je veux.
Le brun fut soudain intrigué. Le nouveau qu'il pensait comme le petit bourgeois délocalisé pour la tranquillité et l'inspiration ne s'épanouissait pas ici.
- La pollution te manque tant ?
Le blond ne put s'empêcher d'étouffer un rire à la remarque de son camarade.
- Non mais, tout semblait plus pratique avant. J'avais mon plan d'avenir déjà tracé et les spécialités qu'offrait mon ancienne école m'aurait garantit une place. Là j'ai perdu de l'avance, beaucoup trop. J'essaye de la rattraper avec les clubs que vous proposez mais.
- Mais ça n'arrivera pas à convaincre l'administration ou même tes parents.
Il hocha la tête
- J'aurais aimé faire de la musique, souffla Eliott, mais le conservatoire ne m'a pas accepté à cause de mes résultats. Alors me revoilà.
- Tu as passé un entretien au conservatoire ?
- Non je ne suis pas allé à l'entretien.
- Pourquoi ?
Thomas remarqua soudainement que le regard d'Eliott avait changé. Il se leva, remballa ses affaires et se mit à partir.
- Je dois y aller.
Le blond se leva pour essayer de s'excuser et de le rattraper, mais dans la précipitation il renversa sa chaise. Les remarques de la bibliothécaire ajouté à son mouvement pour la ramasser et la remettre en place offrirent le temps à Eliott de quitter le bâtiment et de marcher assez vite pour ne pas être retenu. En se relevant, Thomas scruta les fenêtres, s'était trop tard. Il revint à sa place pour se rassoir et travailler quand il remarqua le médaillon du sac d'Eliott, à même le sol. Il l'attrapa, s'empressa de le ranger au fond de sa poche et se jura de lui ramener ce soir et de présenter ses excuses.
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Our Fairytale
Любовные романыJ'ai toujours entendu dire que l'art avait plusieurs âmes, et que chacunes d'entre elles s'expriment à sa façon. Mais, je ne pensais pas que nos deux âmes totalement opposées auraient une chance de créer l'harmonie.