*Epilogue*

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Il n'avait cessé de pleuvoir depuis plus de deux semaines, la ville était entièrement coupée de toute lueur du soleil et l'épaisseur des nuages ne provoquait qu'une horrible oppression dont on ne pouvait échapper. Le cœur lourd et le moral très bas, les habitants et les touristes essayaient tout de même de relativiser en ce début du mois de novembre. Beaucoup s'étaient réfugiés dans les cafés et même aux terrasses des bars pour une petite pause bien méritée ; les musées, médiathèques, bibliothèques n'avaient jamais été aussi pleins. Les étudiants se hâtaient déjà à leurs révisions pour préparer les examens à venir tandis que les lycéens et collégiens, encore insoucieux de l'avenir et du futur, se dirigeaient avec hâte vers la seule salle d'arcade de la ville. Le vieux couple était, comme tous les jours, assis sous l'arche du parc public pour nourrir les pigeons. L'homme lançait le reste de pain sec du matin tandis que la femme tenait fermement leur parapluie, essayant au mieux de les couvrir des fines gouttes qui tombaient des épais nuages. Au loin, la brume recouvrait les pleines, camouflant l'autoroute grisâtre et les bruits parasites des véhicules et des conducteurs énervés. La ville était silencieuse, contrairement à ce que l'on pouvait penser, et surtout pendant les jours pluvieux. Il n'avait pas encore expérimenté l'été, ni l'arrivée des beaux jours, peut-être que tout changera avec l'arrivée de juin ? Tout changera quand le soleil reviendra ? Mais reviendra-t-il un jour ? 

L'immeuble était silencieux aussi, le concierge avait terminé les corvées de sa liste et se reposait dans sa loge. Avachi dans son fauteuil, les jambes étendues et les pieds sur la table basse. Son journal, qui était tombé sur son torse, se soulevait au fil de sa respiration. L'appartement de la voisine du premier étage était vide, on ne la voyait que très rarement. Elle était très souvent occupée, entre les cours et ses différents passe-temps : danse classique, baseball, poterie, tennis. A vrai dire, elle changeait à peu près chaque semaine. Le couple du deuxième ne s'était plus disputé depuis quelques semaines, les cris ne résonnaient plus et pourtant aucun des locataires n'avait osé descendre se plaindre. Ce fut quelques semaines plus tard que l'immeuble apprit qu'ils attendaient une petite merveille et qu'ils devaient se préparaient à sa venue pour le mois de juillet. Dans neuf mois. Tout le monde espérait qu'elle ramène le soleil, en juillet, le soleil est pourtant censé revenir. 

Le dernier étage était resté vide et inoccupé pendant des années, le petit Gabin du troisième pensait longtemps à une histoire de meurtre, de trahison, et à un fantôme qui hanterait les greniers. Mais quelle fut sa surprise, quand au mois d'août, un jeune garçon prit le courage de s'y installer. Il l'avait observé monté chacun de ses cartons en haut des marches, seul, sans aide. Le concierge lui avait signalé les possibles fuites de la gouttière et les volets cassés mais le nouvel arrivant avait assuré au vieil homme qu'il était habitué à escalader les murs et qu'il pourrait tout réparer une fois installé. Un super héros dans l'immeuble. Gabin était émerveillé. Il l'observa de plusieurs point de vue différents pour deviner qui était celui-ci. Il avait ramené plusieurs cartons avec de grands vinyles, les mêmes que sa sœur aimait écouté le mercredi après midi. Il avait aussi apporté une valise et un sac à dos, sûrement remplis de vêtements, mais également un grand instrument. Une guitare. Et cette fois-ci, Gabin fut repéré. Le jeune homme déposa ses yeux sur le petit garçon qui le regardait émerveillé avec de grands yeux bleus. Des yeux bleus comme l'océan. Ils se regardèrent les yeux dans les yeux pendant un long moment avant que Gabin ne décide de prendre la fuite pour aller se réfugier dans sa chambre, ce nouveau super héros n'avait pas du tout l'air de quelqu'un qui sauvait les gens. Mais peut-être qu'il ramènera le soleil ? 

Ce n'était pas du luxe, mais c'était largement suffisant pour une personne. Il y avait un petit salon qui faisait également office de chambre, juste sous les toits, le canapé-lit était assez grand pour l'accueillir lui et sa guitare. La platine s'était déjà installée dans un coin, des tas et des tas de livres empilés à côté. Premier point négatif, il n'y avait pas assez de place pour une bibliothèque, et les quelques étagères ne suffiraient jamais à accueillir tous les livres qu'il avait apportés. Des cartons et des cartons pleins, il aurait voulu s'en débarrasser, mais il n'avait pas eu ce courage. La cuisine était simple. Evier, plaque de cuisson, four et mini frigo. Amplement suffisant pour tenir en vie, et il avait ramené quelques livres de cuisine pour s'instruire. La salle de bain était correcte, c'était toujours mieux que rien. Après avoir déposé tous les cartons au sol, il admira son nouveau chez lui, et son cœur se serra. La solitude était effroyable. Il s'empressa de se baisser vers sa platine et de poser le premier disque qui lui tombait sous la main. La mélodie de la chanson et la voix du chanteur ne put qu'apaiser son cœur. Il prit une profonde inspiration en contemplant ce qui l'entourait. Il n'avait plus le choix, il l'avait promis. 

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