Le bruit du pinceau résonnait dans la chambre de Thomas depuis plusieurs heures, une légère mélodie s'échappait de sa platine qu'il avait baissé au minimum pour ne pas déranger ses parents qui dormaient un étage en dessous. Encore une fois, l'insomnie avait frappé à sa porte, et sa boîte de médicaments était vide. Il s'était noté qu'il devait aller en acheter le lendemain, mais il profitait de cette nuit calme pour poursuivre ses dessins. Quelques fois, il s'arrêtait pour regarder l'entièreté de la feuille avant de continuer, sa palette de couleur était grande ouverte et plusieurs pinceaux souples étaient plongés dans une eau trouble. Après un long moment, il leva les bras au-dessus de sa tête pour s'étirer. Il venait de terminer une énième aquarelle qui représentait la devanture d'un majestueux palais blanc, caché derrière les herbes et les arbres verts, tous décorés de fleurs et de fruits colorés.
Il rangea rapidement son matériel avant de se lever, se dirigeant vers la platine pour couper le son. Le même disque tournait depuis des heures, son favori. Il retourna s'installer à son bureau, regardant les différents croquis qu'il avait accrochés, de la gauche vers la droite. D'abord un de sa chambre, en essayant d'imiter le style de Van Gogh ; puis un chat errant qui venait souvent s'installer sur le muret de leur jardin pour dormir au soleil ; un bouquet de variétés de fleurs ; un personnage d'animation ; et le portrait d'Eliott. Il ne l'avait pas encore rangé dans son enveloppe, il attendait de tout terminer pour pouvoir le mettre en dernier, comme ça il pouvait encore s'en inspirer.
L'ennui le rattrapa rapidement, il avait lu les recueils de poèmes, les livres qu'Eliott lui avait prêtés, il avait écouté ses vinyles, il avait dessiné. Mais maintenant, il n'avait plus rien à faire mis-à-part attendre que le temps passe. Demain, ils avaient à nouveau cours. Thomas et Eliott sont d'ailleurs censés rendre leur projet, qui avait été terminé quelques jours avant. Eliott l'avait entièrement rédigé au propre, sous l'œil sévère de Thomas qui, s'il le pouvait, lui aurait fait recommencer une énième fois car son écriture ne le satisfaisait pas. Mais son ami avait insisté pour l'écrire, certainement pour prouver au professeur qu'il n'avait pas laissé son camarade tout faire, qu'il s'était lui aussi investit dans ce travail.
Et soudain, il fut sorti de sa rêverie par des coups contre sa vitre. Il pensa, dans un premier temps, qu'il s'était remis à pleuvoir, mais en remarquant que les gouttes semblaient plus lourdes, il rouvrit les yeux et se tourna vers sa fenêtre. Il sursauta en voyant deux yeux perçants le fixer de l'extérieur. En voyant qu'ils avaient provoqués la frayeur de son ami, les pupilles disparurent dans le noir et un rire se fit entendre. Le garçon se leva de son lit en reconnaissant celui-ci et couru vers sa vitre pour l'ouvrir.
« Mais tu es cinglé ? Qu'est-ce que tu fais ici aussi tard ?
- Et toi, qu'est-ce que tu fais encore réveillé à une heure pareille ? »
Eliott secoua ses cheveux avant de rapprocher sa tête de celle de Thomas, il sentait le café. Il avait certes quelques cernes sous ses paupières, et ses muscles semblaient lourds, mais il n'y prêtait plus aucun intérêt maintenant. Le jeune Morel se pencha sur le côté pour regarder son ami, debout sur la dernière marche de l'échelle, encore collée au mur. Son père avait certes réparé la toiture, mais il avait oublié d'enlever l'échelle.
- Rentres vite avant que les voisins ne te voient ! »
Il attrapa le pull-over brun d'Eliott par les épaules et l'aida à se hisser dans sa chambre, sans faire aucun bruit. Celui-ci se redressa rapidement, analysant la pièce autour de lui. Le Morel, lui, se contentait de vérifier que personne ne les avait vu, et que sa porte était bel et bien fermée à clef. Il attrapa ensuite le bazar restant pour le ranger dans son armoire tandis qu'Eliott analysait le vinyle qui tournait.
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Our Fairytale
RomanceJ'ai toujours entendu dire que l'art avait plusieurs âmes, et que chacunes d'entre elles s'expriment à sa façon. Mais, je ne pensais pas que nos deux âmes totalement opposées auraient une chance de créer l'harmonie.