En rentrant chez lui, Thomas ne prit même pas la peine d'aller voir ses parents. Il ne les avait même pas cherchés du coin de l'œil, il était beaucoup trop occupé à courir au dernier étage avant de s'enfermer dans sa chambre, la respiration haletante. D'un coup sec il détacha le nœud papillon et ouvrit son col de chemise, mais en voyant que s'était inutile, il retira entièrement son haut. Il se sentait toujours aussi mal à l'aise, ce sentiment de détresse et d'angoisse ne faisait que s'accroitre et s'intensifier. Il s'empressa de se diriger vers sa fenêtre et l'ouvrir en grand. Une brise fraiche lui caressa les joues, faisant voler ses cheveux blonds en arrière. Ses mains, accrochées au rebord de la fenêtre, continuaient de trembler sans s'arrêter. Il ne comprenait pas pourquoi il était encore submergé par cette peur et cette anxiété, alors qu'il se trouvait chez lui, en sécurité. C'était comme si celle-ci l'embrassait, le serrait tellement fort qu'il ne pouvait pas s'en détacher. Il se mit à faire les cent pas dans sa chambre, en espérant calmer son esprit si celui-ci se concentrait sur ses jambes. Mais il n'obtenu aucun résultat.
Il se sentait tellement mal, tellement différent et tellement fou, qu'il s'en tirait les cheveux. Il repensait à ses yeux, ses cheveux, ses mains. Il repensait à toutes ces choses qui lui donnèrent une soudaine nausée. Il ne pouvait pas ressentir ça, il n'avait pas le droit. Le monde s'était mis à dériver, comme si son esprit se détachait et essayait de s'envoler par la fenêtre. Il sentait bien que quelque chose n'allait pas, depuis qu'il savait tout il sentait que quelque chose n'allait plus en lui. Mais impossible de le déchiffrer, de l'exprimer. Son estomac se nouait à chaque fois qu'il essayait d'y penser, qu'il essayait de repousser tout ce qu'il ressentait. Il n'avait qu'une envie, s'enfuir loin de tout ça, tout recommencer sans rien savoir. Mais il ne pouvait pas bouger.
Après plusieurs dizaines de minutes à marcher en rond dans sa chambre, il sentit que son cœur s'apaisait. Le nœud dans sa gorge et dans sa poitrine disparaissait petit à petit tandis que sa respiration devenait plus régulière. Il inspira une grande bouffée d'air puis soupira. Ce n'était qu'une passade, il était épuisé de ces derniers jours, angoissé par son dossier d'art ; il avait juste besoin d'une bonne vraie nuit de sommeil. Il retira le reste de son costume pour enfiler sa tenue de nuit, un bas à carreaux et un t-shirt gris, qui faisait deux fois sa taille. Il s'allongea lentement sur son lit, se sentant beaucoup mieux et vide maintenant que cette folie lui était passée. Il ferma les yeux, pendant plusieurs secondes qui se transformèrent en minutes. Il écoutait les bruits environnants : le bois de la maison craquait, mais il s'y était habitué ; le vent soufflait à l'extérieur et les feuilles des arbres dansaient les unes avec les autres ; il entendit au loin une voiture rouler puis se garer. La nuit était calme, il allait s'endormir, et demain, tout sera redevenu normal.
Soudain, il entendit des pas sur le trottoir, puis dans sa pelouse, et soudain, sur la façade de sa maison. Il sursauta et s'empressa de se rassoir sur son lit, attrapant son livre le plus lourd sur sa table de chevet pour menacer l'intru. Une chevelure brune surgit de la fenêtre, suivit du visage et du corps d'Eliott Lemarchand. Il sourit en voyant dans quel état était son ami et passa ses jambes au-dessus du rebord de la fenêtre pour entrer dans sa chambre.
« Eh bien, on n'apprécie pas les bals des bouseux ?
- Que fais-tu ici ? demanda sèchement Thomas, toujours le livre brandit vers Eliott qui se rapprochait
- T'es parti ultra vite, j'me suis inquiété et puis on n's'était pas parlé depuis longtemps.
- On s'est vu. Il y a deux jours.
- C'est long deux jours pour moi.
Eliott passa une main dans ses cheveux pour les recoiffer, même s'il n'y avait rien à sauver. Il était rouge de sueur et essoufflé après avoir fait tout ce chemin. Cependant, il semblait heureux de se retrouver aux côtés de son ami, même s'il était entré en pleine nuit dans sa demeure.
« J'ai trouvé que la soirée était géniale, vous avez fait un super boulot avec l'équipe !
- Elle est où ta copine ? »
Le sourire du Lemarchand s'effaça rapidement à la suite de la question. Il revit la scène se jouer en boucle dans sa tête. Lui qui embrassait cette fille, mais ses yeux qui ne se décrochaient pas du Morel.
« C'n'est pas ma copine.
- Ah oui ? Pourtant il me semble qu'embrasser quelqu'un sur les lèvres à la même signification pour tout le monde.
Le brun remarqua le ton sec et froid de son ami, il avait du mal à le reconnaître.
« He, qu'est-ce qu'il t'arrive Thomas ? J'ai fait quelque chose de mal ?
- Tu sais très bien ce que t'as fait Eliott. Je sais tout ! Toute la vérité !
- De quoi tu parles ?
- Je sais que tu essayes de me détourner du droit chemin ! Je connais tes intentions envers moi et elles ne marcheront pas ! Je ne deviendrai jamais comme toi.
- Mais Thomas, bégaya Eliott visiblement confus, je ne vois vraiment pas de quoi tu parles. Commet ça devenir comme moi ? Qu'est-ce que je suis ?
- Tu n'es qu'une pédale ! Voilà ce que tu es ! Tu m'écœures ! Moi qui pensais que tu étais mon ami ! Et toi, tu voulais que je devienne une tarlouze comme toi !
Les yeux d'Eliott se remplirent de colère et de larmes. Ses poings se serrèrent en entendant ces mots. Ces mots qu'il avait trop entendu ces derniers temps. Il se rua vers Thomas, le poussant par les épaules pour le ressaisir.
« Qu'est-ce que tu racontes là ! J'ai jamais rien fait ! J't'ai même pas parlé de cette histoire !
- Ne me touche pas ! hurla Thomas en le repoussant aussi
- Thomas mais t'es complètement cinglé !
- C'est toi le cinglé ici ! Tu es malade Eliott ! Tu es malade ! Un fou malade ! Casse toi d'ici tu me dégoûtes !
Eliott sursauta, une larme coula lentement le long de sa joue. Thomas la fixa un long moment, la regardant tomber au sol. Son bras tremblait tandis qu'il pointait son doigt vers la fenêtre de sa chambre pour lui montrer la sortie.
« J'ai jamais choisi d'être comme ça Thomas. Et j'ai longtemps pensé que tu serais le seul à pouvoir m'accepter. »
Eliott se retourna, et marcha vers la sortie. Il descendit lentement l'échelle avant de disparaître un peu plus loin, sans un bruit. Thomas se rua vers la fenêtre, poussa la vieille échelle en bois de toute ses forces pour qu'elle tombe au sol. Celle-ci, tant la vieillesse l'avait touché et la pluie abimée, se brisa avant même de toucher l'herbe humide.
***
Désolé pour les vilains mots,
J'espère que vous allez bien !
Comme toujours, n'oubliez pas que vous êtes légitime, que vous avez le droit de vivre et d'aimer, et que si vous êtes victimes d'homophobie, il faut le signaler au plus vite.Plein de coeurs sur vous !
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Our Fairytale
RomanceJ'ai toujours entendu dire que l'art avait plusieurs âmes, et que chacunes d'entre elles s'expriment à sa façon. Mais, je ne pensais pas que nos deux âmes totalement opposées auraient une chance de créer l'harmonie.