« L'arche est parfait ! Agathe il nous faut encore quelques ballons et décorer les tables ! Robin, il faut absolument qu'on prépare et qu'on imprime le contrat pour la sécurité »
La veille du grand jour était enfin arrivée, et l'anxiété de Jeanne s'était multipliée. Comme toujours, elle courait à droite et à gauche pour donner des ordres et vérifier que tout était en place. Mais les aiguilles de la montre avançaient beaucoup plus vite que ce qu'elle n'avait imaginé. Et enfin, Thomas entra à son tour dans le grand gymnase, qui ressemblait plus à un chantier qu'à une salle de bal, déposa son sac et se dirigea vers Jeanne les mains dans les poches.
Celle-ci se rua vers lui pour passer ses bras autour de son cou et embrasser sa joue. Depuis qu'il avait proposé à son amie de l'accompagner au bal, elle sentait que leur relation était beaucoup plus profonde qu'avant. Thomas ne bougeait toujours pas ses bras et lui afficha un petit sourire.« Je suis vraiment contente que tu sois là !
- Maintenant, je comprends pourquoi tu m'as demandé de l'aide... C'est...
- Chaotique ? Oui... Et vu que tu as une âme d'artiste tu vas nous aider pour les tables ! »
Et elle le tira vers la partie buffet. Rapidement ils attrapèrent les nappes qu'ils déroulèrent sur les tables rondes avant de les décorer avec les fleurs, les assiettes, les couverts, les verres et les serviettes. Et alors qu'il était soigneusement en train de nouer les flots autour des chaises, Jeanne s'installa sur l'une d'entre elle pour le regarder faire.
« Tu as déjà ta tenue ?
- Oui, j'ai suivi tes conseils.
- Parfait ! On sera accordé ! »
Elle posa sa tête contre le dossier, regardant les mains de Thomas nouer le dernier flot de la table. Il portait un bracelet en argent à la main gauche, et une bague du même métal sur son annulaire droit.
« Tu as passé un bon week-end ?
- Oui.
- Tu as avancé dans tes dessins ?
- Je les ai envoyé. mentit Thomas, en réalité, il hésitait maintenant. Voulait-il vraiment aller dans cette école après cette moitié d'année ? Au fond, elle n'avait pas été aussi catastrophique qu'il ne pensait. Jeanne poussa un cri d'excitement, elle voulait tellement voir les dessins de Thomas pour en savoir un peu plus sur lui. Une fois, elle lui avait demandé un portrait, mais il avait gentiment refusé.
Il se releva et se dirigea vers une autre table vide pour recommencer. D'abord la nappe, puis les assiettes, les couverts, les verres, les serviettes, la décoration, les fleurs et enfin les nœuds. Tout cela dura un petit moment, il y avait plus d'une vingtaine de tables à faire. Et quand tout fut enfin terminé, le soleil commençait déjà à se coucher. Il était bien trop tard pour aller voir Eliott.
« Bien ! Maintenant on va aller s'occuper du bar ! »
Elle attrapa la main de Thomas et l'entraîna vers un coin un peu plus sombre. Il n'y avait personne à l'horizon. Tout le monde était occupé à brancher le matériel, à appeler les derniers fournisseurs pour leur rappeler la date de livraison et leurs dernières recommandations. Jeanne lui lança un chiffon mouillé, en prit un à son tour, et se mit à frotter le comptoir pour le faire briller.
« Alors, tu as quelque chose de prévu ce soir ? demanda-t-elle
- Oui, je dois aller rejoindre un ami.
- Encore Eliott ? »
Il répondit par un hochement de tête, malgré les remarques de Jeanne, les regards mauvais des autres élèves de l'école, Thomas ne s'était jamais demandé pourquoi Eliott était tant détesté, ni pourquoi il ne lui avait jamais rien dit.
« Je suis sûr que vous vous entendriez bien. Tu sais, vous avez beaucoup de points communs. Vous êtes des musiciens, passionnés de littérature, vous buvez tout le temps du café et surt..
- Ne me compare pas à ça, Thomas. On n'a absolument rien en commun. »
Elle s'était arrêtée de frotter pour fixer son ami, les yeux dans les yeux, avec un regard noir. Elle reprit son nettoyage tout en jetant des coups d'œil à ses camarades qui s'étaient regroupés pour placer la banderole et accrocher les ballons.
« C'est ton ex pour que tu le détestes autant ? »
Elle s'arrêta une nouvelle fois, mais cette fois-ci, elle fut prise d'un immense fou rire.
« Moi ? Avec lui ? Personne ne voudrait être avec lui !
- Pourquoi donc ? N'est-il pas très gentil ? Nous passons d'agréables moments ensemble pour parler de l'art, des livres et de nos vies. Il n'est pas égoïste, très loin de là. Je pense qu'il a tout pour plaire.
- Il est de l'autre côté, Thomas. Du mauvais côté. »
Elle avait accentué ces trois derniers mots.
« Que veux tu dire ? »
Elle vérifia de tous les côtés que personne n'était là, elle s'approcha un peu plus de Thomas qui s'était arrêté dans son action pour écouter attentivement ce qu'elle avait à lui dire.
« L'an passé, il y avait un garçon en terminale, un très beau garçon ! Il avait des cheveux ondulés roux, des yeux bruns noisettes, des muscles, un style vestimentaire... Enfin bref, il était vraiment vraiment beau ! Et un jour, pendant une soirée, on l'a vu ! »
Le blond écoutait attentivement Jeanne parler. Ses yeux étaient remplis d'étoiles quand elle pensait à cet ancien élève. Il n'avait vu personne correspondant à cette personne ces derniers mois, ou en tout cas depuis son arrivée. Cet élève avait certainement eu son diplôme.
« Alors, ma copine a essayé de tenter un truc avec lui. Mais il lui a tout de suite mis un stop en disant qu'il était déjà avec quelqu'un. Bon c'était triste, mais on était encore plus dégoûté quand on a vu avec qui il sortait ».
Elle vérifia une énième fois que personne n'était dans les environs. Tout le monde était occupé. Elle se pencha encore plus vers Thomas et souffla les prochains mots si doucement qu'il eut du mal à l'entendre.
« Eliott est arrivé à la soirée, il a marché vers ce mec vu qu'ils trainaient déjà ensemble au lycée. Comme lui et toi en ce moment. Et bam, ils se sont embrassés ! Nan mais tu te rends compte ? Sans aucune honte ! Alors qu'il y avait du monde ! »
Les yeux de Thomas s'étaient écarquillés. Il voyait l'image dans sa tête se répéter en boucle et en boucle. Le visage de son ami, celui avec qui il passe la plupart de son temps, embrasser celui d'un homme. Il était beaucoup trop bouleversé pour parler. Il n'en revenait pas de ce qu'il venait d'entendre. Eliott, avec un autre homme. Pendant tout ce temps il le lui avait caché, pendant tout ce temps il ne l'avait jamais dit.
« Que s'est-il passé ? Après cet évènement ?
- Eh bien évidemment tout le monde les a séparé ! C'est pour ça que personne ne parle à Eliott, pour ne pas devenir comme lui.
- Jeanne, je ne pense pas que ce soit contagieux.
- Pas contagieux, mais il peut te retourner le cerveau ! Et tu deviens comme lui. Il est tout gentil pour que tu tombes dans son panneau. Mais une fois que tu sombres, tu ne remontes plus. Le monde ne t'acceptera plus jamais »
Le monde n'acceptera jamais, il avait ressenti et entendu ces mots beaucoup trop souvent. Et maintenant, il ne pouvait plus s'en empêcher. Les mots résonnaient dans son esprit et y restaient coincés. Il ressentit encore une fois ses mains, ses jambes et ses yeux trembler. Son corps refusait tout contrôle supérieur, il agissait de lui-même.
« Tu n'as jamais remarqué qu'il essayait de t'attirer avec lui ? Il s'intéresse à ce que tu aimes, il passe la plupart de son temps avec toi, il change pour toi. Mais en vérité, il reste le même, et il t'entraîne dans sa chute.
- Il a toujours essayé de me pousser à devenir meilleur, à être moi et à faire ce dont je rêve. Ce qui me passionne.
- Ce n'sont que des mensonges Thomas, il te ment, il est faux »
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Our Fairytale
Roman d'amourJ'ai toujours entendu dire que l'art avait plusieurs âmes, et que chacunes d'entre elles s'expriment à sa façon. Mais, je ne pensais pas que nos deux âmes totalement opposées auraient une chance de créer l'harmonie.