Chapitre 17

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Je ne peux pas dire que je l'avais vue venir. Mais prétendre qu'une grande révélation à son sujet n'étais pas attendue aurait été un mensonge. Il y avait à peine une semaine, je ne savais même pas ce qu'était qu'une relique. Sacrée. Dans le contexte de Specter. Mais aujourd'hui, j'apprenais non seulement qu'elles étaient d'une importance capitale, que tout le monde se les disputait à mort et qu'Ether en avait une en sa possession. Je ne savais pas comment je m'étais engouffrée dans ce guêpier alors que pour la première fois de ma vie, je souhaitais respirer.
Si Ether avait une relique sacrée, je voyais mal Heesadrul la laisser s'enfuir sans rien faire. Cet homme serait prêt à tout pour le pouvoir. Mais quel rapport avec Vanessa ? Pourquoi Ether voulait à tout prix l'aider ? Par magnanimité ?
Je levai les yeux vers elle.
— OK, dis-je.
Ether haussa les sourcils.
— OK ?
Je hochai la tête.
— OK. Tu peux continuer.
— Euh...
Elle cligna des yeux et m'observa en pinçant les lèvres.
— Quoi ?
— Tu pourrais essayer d'avoir l'air... un peu plus surprise ? Ou intéressée ?
— Je le suis.
Son regard en disait long sur ce qu'elle pensait.
Je soupirai et posai par inadvertance mes yeux sur sa poitrine ornée de l'antique médaillon qui m'avait intriguée quelques jours auparavant.
— C'est celle-là ?
— Pardon ?
— La relique, expliquai-je. C'est ce médaillon. C'est pour ça que tu y tiens et que tu ne veux pas porter la pierre de ton clan ?
Elle baissa les yeux sur son artefact et les leva lentement vers moi et me dévisagea un instant. Avant de pouvoir lui rendre son regard, elle se redressa et hocha la tête.
— Tu ne le diras à personne ?
Je la fixai et elle ricana.
— Vanessa..., commença-t-elle. Je ne voulais pas lui faire de mal. C'est juste que parfois... j'ai du mal à contrôler ma force. Lorsque j'éprouve des émotions qui sont un tant soit peu fortes, (Elle haussa les épaules.) l'instant d'après...
Elle s'éclaircit la voix avant de se rapprocher de moi. Elle était soudainement très proche et je ne pus m'empêcher de vouloir esquisser un mouvement de recul. Je retins toutefois ma jambe au dernier moment.
— Je n'ai jamais voulu te blesser tu sais, murmura-t-elle.
J'ouvris la bouche mais la refermai avant de pouvoir lui répondre. Ce qu'elle cherchait, n'était pas à me convaincre.
— Je ne veux pas que tu penses que je me sers de toi. (Elle me lança un bref regard.) Je sais que ça t'arrives d'y penser. Et je le comprends.
J'expirai en m'agrippant à la rambarde du balcon, les yeux fixés sur les ruines silencieuses de la ville abandonnée, baignées dans la lumière argentée de la lune. Un sentiment de nostalgie m'envahit, un mélange d'émerveillement et de douceur. Le paysage était à la fois relaxant et apaisant, comme si le temps lui-même avait fait une pause dans cet endroit oublié. La brise fraîche caressait mon visage, soufflant doucement à travers les décombres. Chaque pierre portait les cicatrices du passé, témoignant de la grandeur qui avait été, mais maintenant, tout n'était que calme et tranquillité. Je fermai les yeux, laissant le silence envelopper mon être, me berçant dans cette atmosphère réconfortante qui réveillait une part de moi depuis longtemps endormie.
— La confiance est une récompense, finis-je par répondre en me tournant vers elle. Lorsque nous la méritons, elle vient d'elle-même, le plus important n'est pas de la gagner, mais d'éviter de la perdre. Et même si tu ne peux pas m'empêcher de douter de toi, tu peux quand même faire en sorte que je le fasse moins.
Un timide sourire se dessina sur ses lèvres. Elle posa sa main sur la mienne alors qu'elle rencontra mon regard.
— Merci. De me laisser le bénéfice du doute.
Je baissai les yeux vers sa main, étrangement beaucoup moins frêle que je l'aurais imaginé.
— Non, fis-je. Nous avons toutes les deux besoin de faire nos preuves.
Je serrai inconsciemment sa main dans la mienne.
Nous nous observâmes en silence avant de hocher la tête.
— Et à propos de Vanessa..., commença-t-elle.
Je secouai la tête en commençant à me détourner.
— Tu as tes raisons de vouloir l'aider, lui dis-je. C'est à elle de nous expliquer ses raisons à présent.
— Oui, mais... Nous avons besoin d'elle pour empêcher Specter de réunir les artefacts. Si nous parlons, personne ne nous croira. Mais elle ?
Je comprenais mieux.
— Tu veux te servir d'elle pour t'en débarrasser.
Elle baissa les yeux et se frotta le bras.
— Le Primedia n'est pas le seul à les convoiter. Mon père les veut aussi.
Quelle surprise.
— C'est pour ça qu'il me garde... qu'il garde celle-ci près de lui. (Elle leva les yeux vers moi) Je ne veux pas qu'il s'en empare. Ni lui, ni personne d'autre.
— Qu'est-ce que tu as derrière la tête ? demandai-je en ayant un mauvais pressentiment.
Elle fronça les sourcils et soutint mon regard.
— Je veux les détruire. Et j'ai besoin de toi pour ça.
Je dégageai ma main de la sienne.
— Je ne compte pas m'impliquer plus que ça dans cette histoire, répliquai-je. Je te suis reconnaissante de m'avoir confié cette vérité, mais nos chemins se sépareront lorsque Vanessa sera arrivée à bon port.
Elle tressaillit.
— Et qu'est-ce que tu comptes faire après ? Tu ne peux pas retourner à Specter. Où est-ce que tu iras ?
Je croisai les mains et lui fis face.
— À Odium.
Elle écarquilla les yeux et me regarda comme si je venais de me baver dessus.
— Odium ?! s'exclama-t-elle. Tu n'as pas bien compris ce que je t'ai dit ? Glalona a—
— Glalona, oui, la coupai-je. Pas Odium.
— C'est eux qui se sont servis des reliques, et c'est à cause d'eux que tu as été arrêtée.
Je secouai la tête.
— J'ai été arrêtée parce que je me trouvais sur les lieux du crime, rectifiai-je. Qui, selon les dires de Vanessa, a été orchestré par le Primedia.
— Aucun de tes supérieurs d'Odium n'a essayé de te faire libérer, insista-t-elle. Tu serais restée là-bas pour toujours si je n'étais pas venue.
— Je n'étais pas la seule tueuse à gage à leur service, rétroquai-je. S'ils en perdent un, ils n'ont qu'à en prendre un autre.
— Tu vas donc recommencer ? Lorsque nous nous sommes rencontrées tu as dit ne plus être en service. Je croyais que c'était définitif.
— Je ne l'étais plus à ce moment là, en effet. Mais je n'ai jamais prétendu vouloir arrêter, mentis-je.
— Tu—
— Ça suffit, grognai-je en commençant à être agacée. Je comprends que ce que tu souhaites entreprendre te tienne à coeur, mais tu ne peux pas m'imposer tes volontés. (Je soupirai) Tu as peut-être raison : Je ne comprends peut-être pas la situation, mais je ne veux pas y être mêlée. Il faut que tu respectes ça.
Elle ne répondit rien. Sûrement comprenait-elle mieux que quiconque ce que cela faisait d'être forcée à suivre les désirs de quelqu'un aveugle de considération.
Après un moment, elle hocha la tête et se détourna.
— Tu as raison, marmonna-t-elle en faisant passer une main sur son visage. Je t'ai suffisamment sollicitée comme ça.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire, la contredis-je.
Elle se retourna et me sourit avec douceur.
— Je sais.



T1 Jaïna : RenaissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant