Chapitre 14

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        — Non ! hurla Ether en poussant Vanessa.
        La lame fendit son épaule et alla se planter sur le rideau du lit à baldaquin qui prit immédiatement feu. Angélina cria en sortant de sous la table et courra vers sa mère. Kleora qui avait trébuché en voyant la lame fendre l'air se redressa et releva brusquement Vanessa en l'éloignant du lit. Le bras d'Ether était décoré d'une profonde entaille de laquelle s'échappait le sang avec abondance.
        En plus de l'alarme stridente d'alerte, l'alarme incendie se déclencha et hurla à m'en faire grimacer. Ether se précipita vers moi et me saisit par les épaules alors que je m'approchais de Vanessa.
        — Non ! cria-t-elle. Tu ne peux pas faire ça !
        Je la dévisageai en fronçant les sourcils.
        — Si, affirmai-je. Et c'est bien pour ça que je suis là, alors pousse-toi.
        Je rejetai ses mains d'un mouvement brusque mais elle posa sa main sur ma poitrine pour me tenir à distance.
        — Tu ne comprends pas, insista-t-elle. Ce qui se passe te dépasse.
        — C'est pour ça que ça ne me regarde pas. Alors pour la dernière fois, écarte-toi, la menaçai-je.
        Kleora saisit Vanessa par le bras en l'entraînant vers la porte.
        — Dépêche-toi ! cria-t-elle. Vous devez vous enfuir. Vite !
        Vanessa attrapa son bras comme pour protester, mais au même moment. Nous nous tournâmes vers la porte sur la quelle quelqu'un s'était mis à tambouriner. Je n'entendais rien à cause de tout le bruit, mais je savais par avance que c'était un - ou plusieurs - garde. Et à la manière dont la porte se secouait, il était évident qu'ils étaient mécontents. Et pressés d'entrer.
        Pour ne rien arranger, les flammes continuaient de se répandre tandis que la fumée envahissait la pièce.
        Kleora approcha la main du verrou mais Vanessa l'en empêcha.
        — N'ouvre surtout pas ! paniqua-t-elle. Ils ne doivent surtout pas entrer !
        — Quoi ?! Mais qu'est-ce que tu...
        Je rejetai à nouveau la main d'Ether d'un geste brusque mais elle garda ses positions.
        — Il faut que tu m'écoutes, Jaïna. Tu ne peux pas la tuer, elle est beaucoup plus importante que ce que tu peux imaginer. Elle n'est pas...
        — Je. M'en. Moque, articulai-je alors que je voyais les verrous de la porte céder. On a tout fait à ta manière jusqu'ici mais à présent c'est moi qui—
        — Dehors, supplia-t-elle en me prenant à nouveau par les épaules, ses yeux braqués sur les miens.
        — Cela ne sert à rien d'essayer de la convaincre, pesta Kleora. Je vais les faire entrer et la faire tuer.
        Elle se tourna à nouveau vers la porte et Vanessa s'interposa. Je levai la main pour l'empêcher de toucher la poignée mais Ether se mit à nouveau devant moi.
        — S'il te plait, m'implora-t-elle à nouveau en rapprochant son visage. Je sais que j'ai été un sacré boulet pour toi. Je sais que tu ne voulais pas de moi. Et je sais aussi que tu fais de sacrés efforts pour me supporter malgré le fait de ne pas pouvoir me voir. Mais je te demande un dernier effort. Un dernier. Dehors. Laisse-moi m'expliquer dehors, et tu prendras ta décision. S'il te plait...
        Je serrai les mâchoires en ravalant la quinte de toux qui s'apprêtait à m'échapper et levai les yeux vers Vanessa qui faisait barrage à Kleora, devant la porte, Angela serrée contre elle.
        — S'il te plait...
        Je regardai à nouveau Ether en serrant le poing.
        — Je dois faire...
        — ... Ton travail, compléta-t-elle. Je sais. Et on sait toutes les deux que mon père ne tiendra jamais parole. Pourtant tu es venue ici parce que tu t'es dit qu'il fallait essayer, parce que tu avais de l'espoir. Et s'il était juste là ? Et si la solution c'était elles (elle désigna Vanessa et Angela du bras). Je t'en prie, laisse-moi t'expliquer. Quand on sera à l'abri. Et je te le promets (elle pointa de deux doigts son coeur, le ciel et la terre), si ça ne convainc pas, je ne te retiendrai pas. Laisse-moi...
        Elle fut secoué d'une quinte de toux et mis son bras devant sa bouche. On ne voyait presque plus que rien dans la pièce alors que le feu commençait à gagner d'autres meubles.
        Le verrou de la porte sauta soudainement. Vanessa et Kleora sursautèrent en s'éloignant, la main devant le bouche. Ma maitrise de l'air me permettait de puiser dans les dernière sources d'oxygène pour ne pas m'asphyxier mais je ne tiendrais pas éternellement. Je posai ma main devant ma bouche pour m'empêcher de respirer la fumée.
        Je regardai la scène, la pièce noyée de fumée et la chaleur étouffante qui nous envahissait. Kleora, Vanessa et Angela qui étaient tassés dans un coin. La porte qui commençait à céder, laissant entrevoir le rayon de lumière rouge vif du couloir. Elle ne tiendrait plus très longtemps et je n'avais pas le temps de me disputer avec Ether. Je pouvais bien évidemment les tuer de là où j'étais sans tenir compte de son avis. Mais si je me mettais la seule Draatinga encore saine d'esprit a dos, je pouvais dire adieu à l'intermédiaire entre Heesadrul et moi.
        Je ne pouvais pas non plus argumenter avec elle pour le moment. Si les gardes entraient et que je tuais Vanessa et Angela, mon identité en serait compromise et mon implication dans le meurtre de la famille Nicolaides ne pourrait en être que confirmée. Ils risquaient également de remontrer jusqu'à Heesadrul et je perdrais tout espoir d'aider Jane.
        À moins que ce qu'Ether avait à dire arrivait à changer la donne.
        Je la regardai.
        — Dehors.
        — Dehors, acquiesça-t-elle.
        — Et tu me laissera les tuer.
        Elle hésita mais hocha la tête à nouveau.
Elle tourna la tête vers Vanessa et lui fit signe.
        — Venez par ici, cria-t-elle. Il faut qu'on sorte.
        J'avais beau regarder, il n'y avait aucune fenêtre. Seulement un débarras et des toilettes. Vanessa porta sa fille en avançant vers nous, non sans les protestations de Kleora.
        — Il y a une trappe, fit-elle d'une voix étouffée. Dans le débarras. On descendra à l'étage d'en bas !
        Kleora lui saisit le bras alors qu'elle tentait de reprendre son souffle.
        — Es-tu folle ? Tu vas les suivre ? s'indigna-t-elle. Alors qu'elle veut vous tuer ?
        Vanessa se dégagea de son emprise en serrant sa fille, couverte par sa veste qui la protégeait de la fumée.
        — Je préfère que ce soit elle, plutôt qu'eux.
        Elle désigna la porte qui s'apprêtait à céder d'un moment à l'autre.
        — On doit s'en aller, me pressa Ether en me tirant par le bras. Maintenant !
        Vanessa regarda Kleora une dernière fois.
        — Tu peux venir, tu sais. Rien de bon ne t'attend ici.
        — Vanessa ! cria Ether.
        Kleora caressa la tête d'Angela avant de rejeter un regard sévère à sa mère.
        — J'espère que tu sais ce que tu fais.
        Ether saisit le bras de Vanessa en l'entrainant en direction du débarras. Lorsqu'elle ferma la porte, j'entendis un fracas et des dizaines de voix en provenance de la chambre.
        — Là, me pressa Vanessa. Sous les cartons !
        Ether et moi déplaçâmes hâtivement les affaires et trouvâmes effectivement une trappe. J'entendais les voix des gardes, sûrement en train de discuter avec Kleora qui essayait de les retenir. J'ouvris la trappe et Ether aida Vanessa à passer avec sa fille. Elle me regarda et je hochai la tête avant qu'elle ne suive.
        Je regardai la porte. Il fallait que je gagne du temps. Ils nous colleraient de beaucoup trop près, à cause de la trappe dévoilée, lorsqu'ils entreraient. J'attrapai le meuble en bois derrière moi, sur lequel était disposé vêtements et chaussures et l'enflammai. Avec ça, ils ne pourraient pas nous suivre même s'ils découvraient l'ouverture.
        — Jaïna ! m'appela Ether.
        Je regardai les flammes se répandre et descendis après m'être assurée que c'était suffisant. La lumière alerta les gardes car je les entendis se diriger vers moi alors que je me glissais sous le sol.

T1 Jaïna : RenaissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant